23 juin 2008

Hokusai

« Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole."

Ecrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin.


Au-delà des estampes érotiques et des vues du Mont Fuji - du grand dragon peint récemment retrouvé qui clôt magnifiquement l'exposition (sur un face-à-face troublant entre le dragon oriental et le tigre occidental), je crois que ce qui m'a le plus touchée, ce sont ses manuels de dessins, oeuvre-fleuve où il restitue en quelques traits des dizaines et des dizaines d'attitudes humaines, mouvements, plissés, végétaux, animaux, une encyclopédie minimaliste et foisonnante - merveilleuse.

18 juin 2008

Toutes seules

Je vous ai donné toutes les informations utiles, que vous aviez au demeurant déjà. Je voudrais vous dire autre chose – que je sais que vous n’en tiendrez pas nécessairement compte – que vous en ferez ce que vous voudrez, ou plus exactement ce que vous pourrez. Que ce que vous dites de vous, me soucie, et que je suis inquiète. Que nous serons là pour vous accueillir, quelque soit la situation dans laquelle vous vous trouverez.

Ce que je ne lui ai pas dit, à ce petit oiseau effarouché et aux yeux trop cernés, mais que j’aurais aimé pouvoir lui dire – ce que je lui dirai peut-être un jour, c’est – vous n’êtes pas folle. Mais vous êtes aux prises avec la folie de l’autre. Ce n’est pas vous. Mettez-vous à l’abri. A l’issue de cette première rencontre, spontanément, les larmes aux yeux, elle m’a tendu sa main.

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Elle est africaine - douze grossesses, sept enfants vivants. Les premiers adultes - dont une fille récemment morte en couches, dans la brousse - les plus jeunes, nés ici, ont cinq et sept ans... Sa fille de dix-huit ans, perturbée depuis son arrivée en France, a ré-intégré le domicile maternel récemment, enceinte de sept mois. Les médecins exigent qu'elle reste alitée, elle court les rues la nuit, se fait régulièrement ramener par la police - délinquance ordinaire. Elle n'a pas compris, dit la mère - que je voulais qu'elle aie la chance de faire des études, devenir quelqu'un... au lieu de cela elle se promène - elle a gâché sa chance. Les loyers en retard s'accumulent, les hommes sont loin, lâches ou impuissants...

Cette femme a fui un premier mariage, forcé, à 13 ans - probable excision, violence et rapports obligatoires, maternités précoces ; un deuxième homme, resté en Afrique, qui a fait peser sur elle malédictions et maraboutage, une menace que les Africains ne prennent pas à la légère. Si elle vient aujourd'hui, c'est parce qu'une mammographie vient de révéler chez elle un cancer du sein... et qu'elle n'en peut plus, de peines et d'inquiétudes, de douleurs et d'interrogations. Pour ses deux plus jeunes enfants, demain, quel avenir ?
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Elle est roumaine, à peine plus jeune que moi - parle un français hésitant - vit dans un squat, probablement. Trois enfants en bas âge - elle suspecte, à raison, une nouvelle grossesse. Je n'ai pas fait grand-chose - le test de grossesse qui confirme son intuition, l'ordonnance pour l'échographie, la prise de RV au dispensaire - mais dans son remerciement chaleureux "Vous êtes gentille" je devine les humiliations quotidiennes auxquelles elle est sans doute en butte - pauvreté, hygiène approximative, barrière de la langue, préjugés liés à la communauté à laquelle elle appartient - et je m'interroge : c'est pourtant le moins que l'on puisse faire, d'accueillir un être humain humainement ?

16 juin 2008

Jonvelle rue Jacob

Jonvelle s'affiche rue Jacob jusqu'en septembre - photographe amoureux des femmes qui disait de lui-même : "Je suis un obsédé sexuel sentimental. Quand je photographie une femme, je veux qu'elle sache qu'elle est la plus belle de la terre, parce qu'une femme qui se sent belle est vraiment la plus belle femme du monde." Voici ce qu'écrit pour lui un ami journaliste : "Les femmes de Jonvelle sont fraîches parce qu'elles ne savent pas que nous les regardons. Jonvelle fait de nous des voyeurs amoureux. Il montre pourquoi il est si douloureux d'être hétérosexuel : partout, dans chaque maison, dans n'importe quelle salle de bain, se cache le paradis. Le paradis retire délicatement son T-shirt et se brosse les dents, torse nu, les fesses cambrées en arrière. Jonvelle est désormais au paradis mais pour lui ça ne fait aucune différence : il y était déjà de son vivant."

15 juin 2008

Madeleines

Léo et David sont partis regarder le foot "entre hommes", je reste avec Elsa qui fredonne une berceuse d'Anne Sylvestre. Voilà une idée qui change de l'histoire du soir ? Et nous écoutons, ravies, Tortue têtue, Je voudrais faire un cadeau, Chanson pour se réveiller, Bel escalier... Ces chansons avec lesquelles j'ai grandi, Elsa les connaît par coeur - bonheur.

09 juin 2008

Affranchi

Léo se renseigne sur les codes postaux, les adresses, etc. Il voudrait savoir comment faire pour qu'il y ait un jour une rue à son nom. Je lui explique qu'il faut qu'il fasse quelque chose d'important et devienne célèbre, qu'il y a des rues qui portent des noms de musiciens, d'hommes politiques, d'écrivains, de scientifiques... et je lui demande ce qu'il envisage de faire. Après un temps de réflexion, il me déclare : Je veux vivre ma vie.

Vache à boire

Fou rire du matin : dans les rayons du supermarché, une nouvelle génération de yaourts à boire est apparue, ceux de Michel et Augustin. Des yaourts bio, bobos, aux parfums originaux et au marketing pointu (et au coût en conséquence...) - pour se faire une idée, il y a quelques vaches . Sur l'étiquette, une indication : avant de la boire, faites faire trois fois le poirier à la vache, en meuglant de plus en plus fort. Ca marche. Sur le yaourt, je ne sais pas ; mais sur les enfants (et les parents qui ont gardé leur âme d'enfant), c'est sûr !

04 juin 2008

Amnésique

Elsa : - Maman, comment ça s'attrape un trou de mémoire ?
Lulu : - J'ai oublié...

01 juin 2008

Marraine

Si je devais donner une image pour exprimer ce que signifie pour moi être marraine, je dirais que c'est une main d'enfant dans une main d'adulte - de fragiles mains humaines dans la main de Dieu. Je mets ma main dans Ta main. C'est le signe d'une confiance donnée et reçue, d'un engagement sur un même chemin : que la route soit aisée ou qu'elle soit difficile, je serai là.