19 août 2008

La main à la pâte

Décoller des papiers peints (en quadruple couche, et la dernière, centimètre carré par centimètre carré). Poncer des murs. Poser du parquet. S'initier à la peinture des plafonds, à la pose d'enduit à la chaux. Ca occupe la tête et les mains, fatigue d'une bonne fatigue, c'est plus facile que prévu, c'est la porte ouverte à des blagues discutables ("je ponce donc j'essuie") - bref, c'est salutaire. M'est avis que les travaux de décoration n'ont pas qu'un effet de "ravalement" (!) mais possiblement une portée supérieure - choisir son environnement, habiter sa maison, ça pourrait bien être thérapeutique aussi...

13 août 2008

Versailles

...c'est un film rugueux et tendre, à l'image de Guillaume Depardieu, déglingué, habité, lumineux comme jamais. C'est l'histoire d'une adoption réciproque, la confirmation qu'on ne saurait se sauver tout à fait seul, un film sur la naissance d'un père. Un film pas fait pour "plaire" - personnages habituellement socialement invisibles, scènes nocturnes, musique discrète, dialogues minimalistes mais qui touchent au coeur. Un film qui laisse sous le charme - émotion rare, tendresse brute. Le Kid, version 2008...

10 août 2008

Avedon

"Toutes mes photographies sont exactes. Aucune n'est la vérité." Il disait aussi, "Il n'y a rien derrière mes photos. Il ne s'agit que de la surface." Coquetterie de créateur ? Car ses images ont bel et bien une profondeur - celle de leur sujet, qu'il savait capter comme personne, celle du photographe - "Je vois les gens et les choses comme les musiciens entendent, c'est-à-dire d'une manière extra-sensorielle et sans porter de jugement", celle de l'observateur - renvoyé à sa propre humanité, mais aussi à sa créativité : parce que les portraits d'Avedon, et tout particulièrement ceux des anonymes, s'imposent à nous, nous prennent à témoin, et simultanément suggèrent mille romans possibles...

J'ai souvent eu l'envie de photographier certaines des personnes que je reçois - ces patients... ; les images d'Avedon me donnent l'envie réciproque d'écrire la vie de ses modèles - récits de vie ou fictions, rencontre ou imagination, mais d'écrire... Je ne suis pas photographe - ni écrivain. Mais ce qui me meut, est la même chose : un certain regard sur l'humain.

09 août 2008

Disparitions

Avant de partir en congés, son médecin de famille a dit à ma grand-mère, ce n'est pas à la cliente que je dis au revoir, mais à une amie qui n'est plus la même - plus celle que j'ai connue. Qu'est-ce qu'elle en a entendu ? Je ne sais pas, mais la phrase me serre le coeur. Le désert de sa mémoire s'étend un peu plus chaque jour, qu'elle essaie de combler par des histoires toujours plus absurdes. L'histoire s'emmêle, les générations aussi...

Le désert affectif autour d'elle aussi - parce qu'elle n'a jamais su nouer de liens profonds, petite fille narcissique, capricieuse, agressive, et plus que jamais hors réalité. Une vie sans intériorité, toute entière tournée vers l'extérieur... Elle m'a donné le goût des belles choses ; mais elle ne transmettra pas non plus cela, puisqu'elle vient de perdre ? trop bien cacher ? se faire voler ? les bijoux de prix qu'elle possédait. Indépendamment de leur valeur marchande, je ne peux m'empêcher d'y voir un redoublement de ce que j'observe - une vie dont il ne reste rien, l'absence de toute forme de création ou de transmission.

07 août 2008

Iconoclaste ?

Analyse, relation et représentation :
L'analyse là ne se joue pas fondamentalement et prioritairement (...) dans l'élaboration mentale-et-verbale, mais dans l'élaboration affective-et-charnelle à travers la relation et le cadrage analytiques, et elle s'avère devenir en même temps un voyage régressif dans lequel le sujet aura non seulement à reconnaître le refoulé dans son retour, mais à retrouver les racines plus profondes de son être-en-devenir (...).

Plus que faire des liens, c'est "faire du liant" qui est le plus important. (...) Il n'y a pas à réduire la passion, le non-sens, la folie, le conflit, il n'y a pas à les "comprendre" au sens de les objectiver, les rationnaliser, les ex-pliquer, mais seulement à les "com-prendre" au sens de les prendre en compte tels qu'ils apparaissent : les "con-tenir", "rester avec" et "laisser être, laisser passer, laisser avec...". L'affectivité se régule ainsi elle-même au contact d'une "présence" charnelle et "contenante", qui lui sert de pare-excitations et apaise ses intensités pulsionnelles. Non seulement elle n'a pas besoin de la représentation pour cette régulation, mais c'est toujours, contrairement à ce qui se dit généralement, la représentation qui vient faire obstacle et créer des problèmes (...)

La représentation (…) est un déplacement fictif hors d’eux-mêmes, hors de leur vérité, des « représentés ». Par la représentation, on les fait s’absenter de leur corps, de leur être, de leur actualité réelle et mouvante, de leur potentiel de devenir et d’irreprésentabilité pour les changer en quelque sorte de perspective et pouvoir les objectiver, les transformer en objets. Finalement, il s’agit d’une nouvelle présentation dans une autre place que la leur, à une place de substitution et de mort, dans l’ailleurs de l’image ou l’ailleurs du langage.

Le silence :
Ce silence, matrice de la parole, toile de fond d'où jaillit toute parole et sur laquelle se déploie tout discours, n'étant pas le silence des non-dits, le silence du mutisme, mais le silence du corps (...), c'est-à-dire un silence qui n'est pas fait de l'absence de bruits, mais de l'absence de paroles (...), un silence plein et habité affectivement, le silence où parle dans son propre langage inarticulé et archaïque la vie dans toutes ses tonalités et modulations, ses vibrations (...).

C'est là que j'ai découvert la différence entre les mots insérés organiquement dans le silence et les mots qui ne sont là que pour dominer et déchirer ce silence, pour le fuir en fait, et j'ai réalisé combien les analysands qui ne parlent pas à partir d'un point de silence sont hors d'eux, combien leur parole est une mascarade, qui leur permet de se cacher derrière semblant et leurre... Les analysands qui parlent sans silence ne font que du bruit, on n'entend pas leur source.

Alain Amselek, L'écoute de l'intime et de l'invisible

02 août 2008

Parigote...

...émerveillée. Parce qu'en arrivant chez les cousins de Provence, nous avons été accueillis par un panier de légumes fraichement cueillis, une bouteille de l'huile de leurs oliviers, et le rosé au frais. Plus fort que la corbeille de fruits exotiques des grands hôtels ! Parce que les enfants se sont goinfrés de pêches et de brugnons encore chauds du soleil qui les a dorés, cueillis directement sur les arbres. Parce que l'espace - le silence, la maison au bout d'une route de cailloux, le soleil qui se couche sur la vallée. Parce que dans la maison des vendangeurs, qu'ils nous prêtent, la fenêtre de notre chambre ouvre directement sur les vignes.