28 juin 2011

Fortune

A Amsterdam, il y a (aussi) un quartier chinois. Avec un temple bouddhiste flambant neuf, financé par je ne sais quel mécène taïwanais. Et des petits papiers à tirer au hasard, comme ceux qu'on trouve dans les cookies de la fortune - on peut choisir entre mandarin dans le texte et anglais de cuisine (j'ai pris anglais de cuisine). Le mien se terminait ainsi "You knock a door any place, someone will open it for you". Ce qui a aussi des petits échos évangéliques... Je me demande quand même s'il ne serait pas encore plus judicieux d'apprendre à l'ouvrir toute seule, cette porte.

27 juin 2011

Ecorchés

Ce week-end-là, dans les arènes de Montmartre, il y a eu Lantoine et sa Claire fontaine - il a eu beau ironiser sur la chanson "en hommage aux millions de flûtes à bec massacrées chaque année par des classes de CM2", son interprétation m'aura quand même mis les larmes aux yeux.

Et le Gamin au vélo, des frères Dardenne - un autre écorché vif, les mêmes tendresses à fleur de peau...

22 juin 2011

Gratitude

Nous avions échangé la dernière fois sur le musée Van Gogh, je l'avais encouragée à aller voir l'exposition Van Dongen qui se tient au Musée d'Art Moderne - cette patiente reliée à la réalité par un fil si ténu, mais à la sensibilité artistique remarquable. Elle y est allée - ce qui pour elle représente un réel effort, et une victoire sur sa fragilité. A la fin de la séance, elle m'a offert cette affiche - suis très touchée et par le geste, et par le choix de l'oeuvre, cette femme qui écoute... par cette reconnaissance du lien, par cette tentative pour s'assurer de sa vérité, à travers une trace qui joint si joliment le symbolique et la réalité.

Le même jour, je recevais un mail de remerciement d'une maman dont j'ai accompagné le fils pendant deux ans.

Et au téléphone, une patiente venue pour une IVG me remerciait pour la façon dont je l'avais accueillie la veille.

La patiente du post Prière va garder sa grossesse. Et n'exclut pas que je l'accompagne.

L'équipe associative accompagnée toute cette année m'a fait un très joli bilan de notre travail à ce jour, dans un contexte institutionnel plus que difficile, et s'engage pour le poursuivre.

Autrement dit, le même jour ou presque, ce qui dans nos métiers n'est jamais la règle (la règle, ce sont souvent les entretiens uniques, les histoires sans suite, le passage de relais à des institutions qui ne donneront pas de nouvelles, les patients qui partiront un petit peu mieux peut-être mais sans même penser à le dire...) mais l'exception.

Well - ce jour, c'est moi, qui les remercie.

19 juin 2011

Les amis de Georges

Ca c'est Brassens vu par Joann Sfar vu par Zaza... ai acheté le bouquin de l'exposition, un régal (le livre et l'expo... et l'atelier musical parents-enfants : instruments mis à disposition, et tout un groupe miraculeusement capable, en une heure de temps, de déchiffrer Le Petit Cheval ou Le Gorille).

Il y a des choses qui existent dans mes chansons, des choses vraies qui sont arrivées à des gens de mon entourage. Vous m'auriez dit qu'une fille vous avait laissé dans telle ou telle circonstance, non pas maintenant, mais à dix-sept ans, je vous aurais vu pleurer dans le coin, je vous aurais dit "Ne t'en fais pas mon petit, c'est très grave" - car je sais que c'est très grave d'avoir sa première bulle de savon qui crève. Mais je vous aurais dit "Ne t'en fais pas quand même, avec le temps, cela s'arrangera, bien que les chagrins d'enfant ne s'arrangent jamais peut-être finalement, peut-être que la bulle de savon qui est crevée, elle est crevée définitivement et qu'on ne s'en remet jamais". Mais enfin je vous aurai dit cela, et à l'aide d'autres histoires analogues à la vôtre, alors tout en prenant part à votre chagrin, quand même, cela serait mis à devenir une chanson.

Georges Brassens

18 juin 2011

Mieux vaut en rire

Entretien Léo - médecin :
- Et qu'est-ce tu fais dans la vie ?
- Du karaté.
(Blanc, sourire amusé du médecin)
- Et... accessoirement ?
- Ah, je vais au collège...

- On voit bien que tu sais mettre les choses en perspective, n'est-ce pas ?
En effet. Un peu trop à notre goût, pour ce dernier trimestre...

L'atmosphère est à nouveau un peu... tendue, à la maison.
Elsa : Ah, vous vous faites une saison 2 ?

(Esth)ét(h)ique

Il fallait donc revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à la réalité cruciale du "entre", à la relation qui unit les êtres, à "ce qui surgit d'entre les vivants, fait d'inattendus et d'inespérés" (...)

Suis très émue par cette formulation, "ce qui surgit entre les vivants, fait d'inattendus et d'inespérés."

Une seule règle me guide : ne rien négliger de ce que la vie comporte ; ne jamais se dispenser d'écouter les autres et de penser par soi-même (...).

Règle adoptée.

...la vraie beauté - celle qui advient et se révèle, qui est un apparaître-là touchant soudain l'âme de celui qui la capte - résulte de la rencontre de deux êtres, ou de l'esprit humain avec l'univers vivant. Et l'oeuvre de beauté, toujours née d'un "entre", est un trois qui, jailli du deux en interaction, permet au deux de se dépasser ; si transcendance il y a, elle est dans ce dépassement-là.

Oui - ça me rejoint. L'expérience de la transcendance, "si transcendance il y a", c'est là que je peux la vivre, aussi - dans la rencontre avec l'autre, avec la nature, avec l'art.

François Cheng, Cinq méditations sur la beauté

17 juin 2011

Je l'ai fait !

...la chorégraphie du spectacle de danse orientale. Un petit pas pour la danse, un (très) grand pas pour moi (voir ici). Avec le costume qui va bien (manque la ceinture en perles, qui n'était que prêtée), le petit coup de stress à l'entrée sur scène, et le vrai plaisir à la fin - ce n'était pas parfait loin de là, mais c'était fait avec amour. Et même si nous n'avons pas vu grand-chose des autres passages, les vestiaires bondés de filles en train de se maquiller et d'enfiler des costumes multicolores, la variété des musiques et des âges (groupes de claquettes, de rock et de hip hop le même soir), c'était chouette... pour un spectacle qui, vu de la salle, dégageait une belle énergie, communicative. Aimé aussi cette impression d'appartenir à un ensemble - les autres danseurs et les spectateurs, ici, ce sont les parents d'élèves, la baby-sitter, nos voisins, des amis - les gens de la vraie vie.

16 juin 2011

Les Demoiselles du Trianon

Toi mon tout mon loubard
Tu s'rais mon lascar superstar
Moi j'ai si peur dans le noir
J'ai tellement besoin d'amour
De tes bras de ta voix de velours...

Brigitte

12 juin 2011

Prière

Je crois qu'une des appellations de Marie, cette figure universelle de la compassion, est Notre-Dame des Douleurs... il me semble que cette semaine, j'aurais envie de lui confier, avec toute mon impuissance et ma tendresse, celles-ci.

28 ans, Congolaise, une silhouette si proche de celles esquissées, anonymes, par les médias - arrestation arbitraire, disparition du père de sa fille, viols collectifs, un milicien qui oublie de fermer la porte à clé un jour... Si ce n'est qu'il ne s'agit plus d'une information qu'on écoute distraitement dans sa cuisine, mais d'une femme bien vivante qui raconte la peur et le courage, le fleuve immense traversé en pirogue dans la nuit ("il m'a semblé tellement plus petit que ma peur"), les rencontres successives qui ont permis la fuite jusqu'à la France, l'infinie précarité d'ici à ce qu'elle obtienne le statut de réfugiée politique (et elle n'y est pas encore), la solidarité trouvée dans les paroisses (quelques vêtements, une nuit ici, une autre là), son incroyable confiance en Dieu, sa gratitude pour chacune des personnes qui l'ont aidée et l'aident encore. Il n'est pas en mon pouvoir de hâter la machine administrative, de là où je suis je ne peux que l'écouter, offrir si elle le souhaite un espace de parole - et puis quoi d'autre ?

11 ans, jolie comme un coeur, haute comme trois pommes - elle vient de perdre son petit frère adoré dans un accident provoqué par un chauffard. Ce qui suffirait à la rendre bouleversante, si ce drame n'était simultanément l'occasion de la révélation de maltraitances qui aujourd'hui prennent la forme monstrueuse d'une accusation de la part du père, qui la rend responsable de l'accident et déverse sa haine... Ecouter. Prendre mentalement des notes en vue d'un signalement. Avoir conscience que l'année touche à sa fin, et qu'il faudrait faire vite... quand il faudrait faire si progressivement.

38 ans. Solitude, travail de nuit, logement minimaliste, impossibilité à maintenir une relation durable avec quelque homme que ce soit. Et une grossesse à l'avenir indécidable - parce qu'elle se reconnaît simultanément incapable de faire face à l'accueil d'un nouvel être et de renoncer à cette (dernière ?) possibilité de donner la vie. Se hâter de ne pas décider. Garder l'oeil rivé sur le délai légal. Essayer de penser malgré l'urgence, avec l'urgence.

12 ans. Elle a perdu son oncle, sa tante et un petit cousin dans l'accident d'avion aux Comores il y a deux ans. Mais ce qu'elle vient pleurer aujourd'hui, c'est que suite à l'accueil chez elle des cousines qui n'étaient pas dans l'avion, elle y a perdu aussi sa mère d'avant, sa chambre, son droit à être seule, et celui d'être lasse ou en colère, jusqu'à ses vêtements, et qu'elle n'en peut plus... Ce qu'elle souhaite ? Que je sois son porte-parole auprès de sa mère, à laquelle elle n'arrive plus à parler. Entendu.

Et quelques autres... douleurs de femmes.

06 juin 2011

No conso

A Amsterdam, Elsa remarque que nous avons peu "fait les boutiques".
-C'est bien, on progresse... remarqué-je.
- Ah non, on "dégresse" ! - s'indigne la Zaza.
(J'aime beaucoup le jeu de mots involontaire...)

Quatre jours de soleil

Deux jours à Amsterdam, deux à Bruxelles, avec les enfants - à crapahuter dans la ville, comme nous savons si bien le faire, mais avec eux, c'est plus nouveau (les voir Routard à la main, c'est même une première, assez jubilatoire).

A Amsterdam, balade en bateau et en pédalo le long des canaux, mais aussi, le musée Van Gogh - ce n'était pas la première fois, mais la force d'impact émotionnel des toiles reste intacte, et c'était chouette de voir Léo comme Elsa s'emparer de nos audioguides (Elsa faisant de surcroît l'effort de me transcrire à sa manière les commentaires écoutés). Touchant aussi, de pouvoir dire quelques mots sur ceux qui créent pour un public, une reconnaissance sociale ou financière, et ceux qui le font par nécessité intérieure - parce que c'est une question de vie, et parfois comme pour Van Gogh, de survie... Etonnée de voir que Léo connaissait l'histoire d'Anne Frank, s'y intéressait, mais maison inaccessible, sauf à faire des heures de queue.

Très drôle, le logement dans une petite chambre style auberge de jeunesse, avec quatre lits superposés (mais à deux pas de Central Staation). Un merveilleux restaurant italien, ici - et un savoureux petit-déjeuner, là.

L'omniprésence des coffee shops et un passage involontaire par le quartier rouge ont donné lieu à de vrais échanges sur le permis et l'interdit, les différences d'un pays à l'autre, les représentations de la sexualité - essayer de donner un point de vue à la fois structurant et nuancé, le plus humain et le moins dans le jugement possible - que ce soit par rapport aux vendeurs - et ...vendeuses, aussi, en l'occurence, et aux clients.

Quant à Bruxelles... bien sûr, le musée de la BD et le musée Magritte, les gaufres et les bières, les petits passages de la vieille ville, les superbes bâtiments Art Nouveau et la Grand Place, le Manneken Pis (what else ?) et l'Atomium, mais tout d'abord, cet accueil dans une merveilleuse maison avec jardin - et le temps de prendre le temps - celui de paresser au soleil, de faire de la musique ensemble (guitare, piano, chant), d'initier les enfants au tir à l'arc (et à la lecture intensive de BD !!!), d'échanger de coeur à coeur, de partager de délicieux repas, de rire aussi... Encore un merci tout spécial au maître des lieux !

Si ce week-end était une chanson, je crois que Le Sud ferait assez bien l'affaire (un comble, pour ce week-end du Nord !) - pour cette impression de fluidité, d'un monde chaleureux et paisible, ouvert...

A Amsterdam, Elsa râlait - chaleur, kilomètres à pied, je ne sais plus quoi - et je lui ai demandé, Mais quand est-ce que vous allez arrêter de vous plaindre ??? Réponse : Quand le monde sera parfait. Eh bien, ces quelques jours je crois bien qu'il l'a été :-).