24 avril 2013

Asile

Ce matin, j'étais aux urgence psychiatriques, dans l'espoir de faire hospitaliser un patient violemment délirant (éviter les passages à l'acte du patient comme de l'institution ; garder le souci d'une intervention humainement acceptable).

Dans la salle d'attente, une très jeune femme sanglotante, schizophrène ? toxicomane ? les deux ? interroge en boucle : Mais qu'est-ce qu'il y a à faire sur la Terre ? et pleure son impuissance et son échec, avec des gémissements qui me prennent à la gorge, aux tripes - sortie contre l'avis des médecins, la voici revenue à la case départ. Sa mère l'accompagne, grise et usée.

Une autre mère, celle d'un jeune homme bipolaire, en attente d'un entretien avec l’infirmier psychiatrique, probablement suite à une tentative de suicide, l'exhorte et le rassure tour à tour, à voix basse de soignante-malgré-elle, lui parle d'un philosophe vu la veille à la télévision qui disait ceci : Ne pas choisir, c'est déjà avoir fait un choix. Il lui répond doucement, évoque des projets dérisoires, je suis touchée par ce qu'il faut d'amour pour s’accrocher à ces miettes d'espoir sans cesse relancé, toujours déçu.

Comme un écho à cette scène, il y a quelques années : dans le bus un homme - alcoolique ? psychotique ? marmonne en boucle d'une voix pâteuse : "Un qui, qui suis-je ? il y a toujours un qui... Malraux disait - il est mort Malraux : juger, ce n'est pas comprendre... qui je suis, moi ? Est-ce que j'aime la vie que j'ai ? Un qui, il y a toujours un qui..." - Les voyageurs l'ignorent, sourient vaguement, ou baissent la tête ; et je me demande : combien sommes-nous à nous sentir concernés par ce qu'il interroge ?

Dans ces lieux de souffrance de l'âme, c'est toujours l’essentiel qui surgit : où ailleurs l'humain s'interroge-t-il avec une telle crudité ? Dans quelles officines la parole en attente du médecin se fait-elle si instinctivement existentielle, philosophique ? 

23 avril 2013

Caustique Léo (bis)

Sur les quais au soleil ce dimanche, nous croisons un groupe du 3ème âge - voire 3ème âge et demi - à vélo.
- Mais où vont-ils comme ça ?  m'interrogé-je ?
- Au paradis... et ils y vont à vitesse grand V, me répond le Léo (je ne lui connaissais pas ce goût pour l'allitération ?)

J'explique à Léo les bases du théâtre de Racine : A aime B qui aime C qui aime A...
- CQFD ! commente-t-il du tac au tac. Littéraire au sens littéral, ce jeune homme...

20 avril 2013

Pas de deux

Ce que j'ai retenu du tango - au tout petit niveau qui est le mien : c'est un miroir redoutable de notre relation au corps, à l'autre et à nous-mêmes. Impossible de danser sans s'accorder ; et de s'accorder sans une profonde et réelle écoute de soi et de l'autre...

Impossible de danser sans être étroitement connectés, et pourtant chacun dans son espace propre : il ne s'agit pas de s'effondrer sur l'autre ou de se laisser porter, pas davantage de le contrôler ou de faire à sa place... c'est parce que l'un et l'autre sont capable de se tenir de manière autonome, d'équilibrer présence habitée et respect de l'espace de l'autre que la danse est belle, fluide.

Il s'agit cependant de faire confiance - d'accepter une intimité sensuelle, la rencontre avec l'inconnu. Il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter d'être invitée par des danseurs que je ne connaissais pas, moins en raison de mon niveau que de ce qui se joue dans ce temps d'accordage... ou non, dans lequel je retrouve toutes mes appréhensions et fragilités en l'espace de quelques minutes - et pour ce que j'en ai observé, le révélateur est le même pour tous : dis-moi comment tu danses... (aussi apprendre en couple me semble un exercice hautement périlleux !)

Je danse nettement mieux lorsque je suis en confiance (et si je ne connais pas je préfère danser "ouvert", à distance) ;  et je me vois bien ne pas prendre le risque, privilégier le lien déjà établi à l'expérience nouvelle - alors même que la surprise est parfois bonne ! J'ai bien trop peur que l'autre ne me juge, ne me lâche, ou n'assure pas ma sécurité - même en confiance, les figures qui exigent d'accepter que l'autre me rattrape, me retienne sont à ce jour quasi impossibles pour moi.

Dans le tango, je suis au cœur des débats contradictoires et houleux entre ma tête (et il y a tant de "bonnes" raisons de rester dans la tête : penser à lancer plus loin la jambe en arrière, à rassembler les chevilles, garder une posture juste, rester en équilibre...), mon corps (ami ou ennemi ? suivra, suivra pas ?) et mon cœur (fermer les yeux, ne surtout pas chercher à comprendre et encore moins à anticiper...m'abandonner).

Dans le tango, je suis comme nue : parce que je ne maîtrise pas suffisamment la danse pour jouer, me dissimuler derrière les codes de la séduction ; c'est inconfortable, exigeant, et pourtant passionnant - lorsque la danse s'arrête, je n'ai qu'une envie c'est : encore ! Ré-essayer, être ravie quand le temps de quelques pas, ça passe, je vole...

Dans le tango, je suis heureuse, parce que j'y retrouve des gens que j'aime, et un monde dans l'homme guide et protège, dans lequel la femme écoute et accompagne - un monde que je vis comme un espace de complémentarité et non de lutte, un espace de récréation, et j’espère  lorsque j'aurai avancé, de co-création.

Incroyable, comme écrire sur le tango me rend (trop) sérieuse, presque grave ? Heureusement, il y a aussi la zumba  : fiesta latina loca, Elsa a testé et approuvé ce matin ! 

17 avril 2013

Trop bien vu !

Zaza me parle des différents surnoms dont les élèves s'affublent à l'école. Et notamment de celui qu'elles se sont choisi avec Joséphine, (qui ressemble fabuleusement à celle de Pénélope Bagieu), son inséparable amie depuis la maternelle : Eddy et Crash. Trop bien vu ! Car qui sont Eddy et Crash ? Les deux opossums insupportables mais tordants de l'Age de Glace... l'équivalent des petits vieux du Muppet Show - Statler et Waldorf, pour les quadras déjà guettés par l'Alzheimer précoce que nous sommes...


Elsa, à ma grande consternation, lit Trinity Stars. A dix ans ? Et qu'est-ce que tu vas lire après, lui demandé-je ? Ben, Trinity Stars 2, c'est pour les plus grandes... Et après ? Elle réfléchit... Soledad ? OK, 1 point...

Les voyages forment la jeunesse

Léo est en Angleterre avec sa classe - premier voyage loin de Papa Môman. Texto après la nuit en car : J'arrive dans une vingtaine de minutes...y a des moutons partout ! J'espère que ça va être bien...Texto du premier midi, sur demande de news : Je suis au Starbucks Café en train de jouer à CoC et de fumer du shit pk ? (traduire : de jouer à Clash of Clans... pourquoi ?)
Réponse de la Lu : Tant que c'est (le) CoC et pas la coke...

(Un petit goût de Avec Maman ?)

14 avril 2013

Désirs de femmes

Je suis allée souvent au cinéma ces temps-ci, voir des films oubliables la plupart du temps, mais deux d'entre eux m'auront vraiment marquée - deux films, trois personnages. Deux films très sensuels, incroyablement lumineux, hymnes au désir dans ce qu'il a de de non négociable, de politiquement incorrect, d'irrémédiablement vivant, quel qu'en soit le prix - deux films dans lesquels les femmes assument leur désir, leur âge, leurs contradictions et leurs choix - ni petites filles, ni belles endormies.

Perfect mothers pourrait, devrait être un huis clos incroyablement étouffant, violemment incestuel ; il est dérangeant à force de ne pas l'être, de choisir le parti des sentiments, du trouble, du terriblement humain, au mépris de la morale, du bon sens, de l'évidence... et pousse la provocation jusqu'à se terminer (provisoirement) bien.

Le temps de l'aventure est un portrait de femme dans lequel je ne pouvais que me reconnaître - maladroite, vulnérable, vivante, têtue, fleur bleue et culottée, pragmatique et rêveuse - jusque dans son ultime décision, sur le fil jusqu'au bout... 

12 avril 2013

Après la pluie...