31 mars 2015

Crazy Family

Elsa : C'est pas COOL d'avoir un enfant né en 2003 qui aime Sardou ? (Si. J'avoue. C'est grave cool. Surtout quand on enchaîne ensuite avec un karaoké You Tube années 80 qui se termine sur une super home video de LuLuZaZa en train de massacrer Les sunlights des tropiques en pleurant de rire). 

LuLu : On va chez Marion jeudi.
Zaza : Jeudi c'est après mercredi ?
LuLu, perplexe : Bah oui, c'est le demain de demain...
Léo : Ah oui je fais ça aussi moi, ça rapproche les jours quand ils sont trop loin.
Certes...

J'ai réalisé un truc ; mon tatouage, je l'ai pensé comme une boussole : pour ne plus jamais perdre le Nord. Mais comme je ne le vois que dans la glace, il est bien possible que parfois je me croie à l'Est et que je sois carrément à l'Ouest...

29 mars 2015

Tolérance et singularité

J'avais très envie de voir Dear White People. Et puis en sortant, je me suis demandé comment on pouvait espérer démonter les stéréotypes en les enfilant avec cette constance : les petits blancs sont des trous-du-cul arrogants, la passionaria de service a des états d'âme liés à son identité de métisse, le directeur de résidence universitaire est noir mais à la botte du Président blanc bien qu'évidemment plus intègre que lui, l'unique chevelu afro est gay, etc. 

Déçue, j'étais ; mais aussi en butte à la question qui se pose dès que l'on aborde le thème de la différence : y a-t-il une position juste ? un discours juste ? Peut-on ne rien dire ? Peut-on dire quelque chose sans froisser l'autre, dont ne nous savons pas où il se situe sur toute la gamme des positionnements identitaires possibles ? L'idéal de l'absence totale de préjugés est-il tenable, humainement réaliste ? Non, bien sûr... Faut-il préférer la curiosité maladroite, le politiquement (trop) correct ou le silence assourdissant de la différence déniée ?

Même problématique sur les questions de genre, d'orientation sexuelle, de handicap, de culture, de religion... Hors non seulement du contexte, mais d'une connaissance singulière de l'individu singulier qui nous fait face, comment savoir ? Et par conséquent, en parler en groupe, ou face à un groupe : mission par définition impossible ?

Le geek chevelu se voit appeler par le jeune homme dont il rêve depuis des semaines "ma p'tite barre chocolatée" et... il prend la fuite, exaspéré. Et s'ils avaient été blancs tous les deux, et que l'autre l'avait appelé "mon sucre d'orge", aurait-il réagi à l'identique ? "Ma p'tite barre chocolatée" est-il insultant ? Dire quelque chose à l'autre de ce qui nous attire, quand bien même ce serait précisément sa différence, est-il injurieux ? 

La soirée "noire" organisée par l'université est-elle raciste ? Bien sûr, dans le contexte du film, elle l'est, et elle est même spécialement odieuse ; mais dans un autre contexte, ne pourrait-elle pas se vivre sous la forme de l'humour, et même, de l'auto-dérision ? Est-il permis de rire de sa propre différence, de celle des autres - et avec qui ? 

Bref, pour me nettoyer les neurones, le lendemain, je suis allée voir le rafraîchissant "A trois, on y va". Que j'ai trouvé délicieux, ouvert et rieur. Avec des filles dont on ne se demande pas quelle est l'orientation sexuelle parce que ce n'est pas la question et qu'on s'en fout, avec une forme de relation à trois inventée au jour le jour qui fait du bien, à se poser si peu de questions pour simplement être ce qu'elle est : une histoire d'amour.

Le Bord Des Mondes

Déjà, le titre, ça commençait bien. 

Pourtant, j'étais prête à ricaner : juste à côté de l'entrée de la galerie, il y avait un authentique espace en travaux sans ouvriers qui aurait pu amplement prétendre à un label du genre "Installation-happening  sur la disparition de l'homme manuel à l'ère post-moderne". Bref. Du coin de l'oeil on pouvait distinguer les oeuvres de la première artiste, qui ressemblait justement à une collection de parpaings délicatement empilés. 

Et puis... je me suis fait happer par cette première exposante, Bridget Polk - ses équilibres invraisemblables, cette notion d'oeuvre fragile aux matériaux forts. Puis par la variété des univers, démultipliée par la thématique de l'exposition - ces créateurs au bord des mondes, scientifiques, techniques, plastiques - pas tout à fait en marge (même si on n'est parfois pas loin de l'Art Brut), pas tout à fait en dedans (la veille, j'avais vu l'expo Jeff Koons à Pompidou qui m'avait laissé un net sentiment d'exaspération : art ? contemporain ? que vaut un "art" qui ne génère ni beauté ni surcroît de sens ?)

Au Palais de Tokyo j'ai tout aimé ou presque : les cristaux de larmes de Roselyn Fisher, qui rappellent le travail d'Emoto ; le cercle inachevé du manque du "mathématicien existentiel" Laurent Derobert ; la vidéo sur ce village turc où les hommes parlent oiseau ; les poétiques pièges à brume d'Espinosa (non seulement beaux, mais utiles) ; les invraisemblables Strandbeests de Jansen et les Chindogu de Kawakami (qui mériteraient un billet à eux tous seuls) ; la toile d'araignée de Saraceno et les robes imaginaires d'Iris Van Herpen. J'ai oublié le temps - comme cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé dans une exposition ; comme si je me tenais vraiment sur le rivage des mondes.

19 mars 2015

Quelque chose en nous de Tennessee

...grâce à Clint, country singer de Nashville, qui a donné à la Zaza une leçon de guitare - You are my sunshine, my only sunshine... Et avec qui nous avons chanté les chansons de O'Brother et d'Alabama Monroe, et puis aussi, This little light of mine, I gonna make it shine...

13 mars 2015

Wonderful Girls

Avant-hier à la Cité, la Saison 1 Episode 3 de mon groupe Girls, meet and talk, et quelques moments de jubilation silencieuse. Pour la variété des nationalités en présence (Chine, Australie, USA, Allemagne, Canada, Tunisie, Mexique...), la diversité et l'excellence des formations représentées (Normale Sup, Instut Pasteur, ESSEC, Institut Pierre et Marie Curie...), la richesse des échanges. Le tout en anglais (majoritairement), en français aussi (langue commune de l'allemande et de la mexicaine !), mâtiné d'un peu d'allemand et d'espagnol.

Deux convaincues de la médiation et du yoga (dont une chercheuse en neuropsychologie pouvant attester de leurs effets cérébraux) expliquant les bienfaits de leur pratique, esquissant un échange possible sur la dimension spirituelle. Et quand on voit ces deux-là - brillantes, mais aussi ancrées, ouvertes à l'autre et au monde, la démonstration est faite !

Un dialogue sur l'art comme une autre façon de se ressourcer, et ce joli témoignage : visitant Giverny, l'une d'elle dit avoir pris conscience que les tableaux de Monet n'étaient pas cette vision vague et floue d'une nature imaginaire, mais l'exact reflet de ce que la nature lui présentait. L'Américaine parlait du Musée d'Orsay, la Chinoise d'Auvers-sur-Oise - que du bonheur.

Le goût partagé du voyage et de la découverte de nouveaux mondes, pour l'attention au corps aussi - sportives, danseuses, ces têtes bien pleines sont aussi vigilantes à leur équilibre physique, loin des clichés sur les élites.

Des propositions spontanées - ce qui est un des objectifs - de s'organiser entre elles pour partager des activités, et une offre d'initiation à la danse orientale, étayée par un discours sur la solidarité entre les femmes, la nécessité de créer des espaces de sécurité - sans rivalité, hors séduction - un petit moment de grâce, qui ressemblait fort à ce que j'avais espéré en imaginant ces rencontres...

11 mars 2015

Singin' in the classroom

Elsa vient d'appeler pour me dire, "Devine sur quelle chanson on travaille ? Singin' in the rain, et j'étais la seule à la connaître ! Alors, elle me l'a fait chanter devant toute la classe !" Fière ou embarrassée ? Un peu des deux mais surtout fière je crois, et joyeuse, car Elsa aime vraiment chanter (et pratique beaucoup, avec son papa au piano). Et moi, je ne peux pas m'empêcher de sourire quand je constate que mes enfants reconnaissent ce que j'essaie de leur transmettre. Je me souviens très bien de la première fois que nous l'avons vu, au Mk2 Quai de Seine, Elsa n'était même pas encore assez grande pour lire les sous-titres ! Et dimanche, après une chouette expo à la Cité des Sciences, Léo me disait qu'à son avis peu de ses camarades étaient allés à la Villette. Et c'est important aussi, cette capacité d'apprécier - j'ai parfois la crainte qu'ils n'aient pas conscience de leurs privilèges, et me réjouis quand je constate qu'ils sont en train de construire cette conscience.

10 mars 2015

Phrase du jour

Rien ne va mieux, sauf moi :-).

05 mars 2015

Minérale

Une patiente à propos du couple : "Dans l'érosion, il n'y a que la pierre qui reste polie..."

04 mars 2015

L'aède

J'aime beaucoup son blog. Et aussi le jeune homme caché derrière. Et j'aime ses portraits de proches (ou plus lointains), oniriques, littéraires, décalés, et parfois un peu tout ça à la fois. Alors être le modèle de l'un d'eux, c'est un très joli cadeau de printemps...


Je me suis retourné et j’ai vu son visage. La ligne pure et sereine de sa mâchoire, la mèche de cheveux sombres qui balayait son front, et ses yeux qui fixaient sur ce petit groupe de profs égarés dans un aéroport un regard plein d’une surprise amusée. Elle nous a dit que oui, elle aussi allait, comme nous, se perdre dans les montagnes de Sicile durant quelques jours. Je n’ai pas écouté. J’ai entendu. Sa voix qui se déployait, timbre sur timbre, sur timbre. Grave et frêle, triste et gaie, pleine de sérieux et d’ironie. Une aède aux cordes vocales pleines d’histoires. Elle m’a impressionné. Et pendant qu’on sautait par-dessus les flots, je me suis dit qu’on n’était pas du même monde. J’ai laissé les autres profs, les grands, partager avec elle.

Mais on s’est retrouvé côté à côté, un peu par accident. Et comme toujours quand je suis nerveux, j’ai sorti de mes poches deux ou trois univers fictifs. C’est là qu’elle s’est mise à danser. Le long des allées du château de Peau d’Âne, autour des salles de répé d’improbables lycées américains. J’ai inspiré, tourné la tête, et l’ai regardée. 

L’aède a tous les âges.

Je l’ai croisé parée de tant d’atours. Les pas hésitants de la jeune danseuse, les mains croisées de celle qui scrute, le rire de la compagne de soirée. Parce que l’aède est restée. Elle ne noue pas de liens, elle ne demande rien, jamais. Mais parfois, elle propose une escapade, une aventure. Une blague de collégiens, un dîner d’adultes. Et chaque fois que je la retrouve, le cou toujours droit, la plus douce des ironies au coin des lèvres, le monde paraît un peu moins marécageux. Ses phrases, son ton donnent de la substance. De la campagne sicilienne au Casablanca rêvé de Bogart. 

Petits bonheurs

Blog en sommeil, Lu en hibernation ? Plutôt en apnée, depuis quelques mois, mais ce matin pour la première fois depuis longtemps, j'ai senti comme un début de printemps, le retour de la capacité à savourer vraiment un petit bonheur simple, indépendant de quelque autre que ce soit et gratuit - en l'occurrence, écouter Simon & Garfunkel au soleil, sur mon Vélib', en partant bosser. (Oui, oui, un seul écouteur, je fais gaffe au trafic, promis). 

Du coup j'ai commencé à lister les autres petits bonheurs récents. Un dîner sur le thème du Japon avec une vraie passionnée (deux en fait, en comptant Elsa qui a pris des notes), un autre place Sainte-Marthe. Un montage de nos meilleurs souvenirs de New York, "Home made with love". Deux jours tout doux à Chateaufort alors qu'on était tout flapis par la grippe (même pas peur des virus). Un vrai massage thaï (malgré les tensions récalcitrantes : "Pas Crac !", a rigolé la masseuse). Un hammam avec Marion. Les petites réparations dans la maison faites par Bizzou (avoir moins l'impression que tout part en vrille). Une expo sympa sur la télé de notre enfance, et les images qui nous ont marqués, ces dernières décennies. Du plaisir de penser, dans un séminaire psy (si, c'est possible). Quelques bons bouquins. Un déj impromptu pour la Fête des Grands-mères. Découvrir enfin Casablanca (Play it Sam. Play As time goes by...).

En cours de convalescence ? Assez pour rire à nouveau de ceci, qui n'est d'ailleurs peut-être pas qu'une boutade : Ce n'est pas important de savoir si le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Ce qui compte, c'est qu'il y a clairement assez de place pour davantage de vin :-))).

01 mars 2015

Frontières invisibles

Quand je rentre tard, je passe devant cet immeuble, qui a tout d'un de ces dortoirs clandestins tristement célèbres pour leur insalubrité, voire leur dangerosité (à quelques centaines de mètres de là, quatorze enfants scolarisés dans la même école que les miens avaient péri dans un incendie en 2005). Ce n'est pas un foyer de jeunes travailleurs, pas davantage un centre d'hébergement, juste un empilement de boxes dont la lumière nocturne révèle l'absolu dénuement : des chambres vides et sans rideaux, et par terre, probablement, des matelas crasseux et ces grands sacs que je les vois traîner jusqu'à la laverie en bas de la maison. Uniquement des hommes, immobiles et seuls, postés derrière les fenêtres - des silhouettes anonymes découpées par la lumière blafarde des pièces. Lorsque je me suis arrêtée, l'un a deux a levé la main, et je suis partie, mal à l'aise. Avec en tête la question de mon ami Halo sur la présence de personnes de couleur dans mon environnement. Au-delà de la diversité riante (et paisible) des écoles du quartier, il y a ces îlots de misère et de solitude, ces hommes invisibles qui n'apparaissent qu'à la nuit, pour qui veut bien lever la tête.