29 juin 2015

Inside Out

...quelle drôle d'idée de l'avoir titré Vice-versa ? Sens dessus-dessous aurait déjà été mieux... Le film est fabuleux. Incroyablement inventif, en même temps que très juste. Destiné aux enfants de tous les âges. Bouleversant. J'ai retenu mes larmes dix fois - à chaque évocation de la famille en fait - et cette petite Riley, enfant ou pré-ado, a tellement de choses en commun avec mon Elsa de cette année... Et déjà pendant le court métrage. Bref. 

Mais ce qui m'a émue tout particulièrement ce matin, c'est d'entendre une patiente de longue date m'en parler. Une patiente d'origine étrangère que j'ai connue recluse dans l'appartement qu'elle partageait avec sa soeur, au chômage, logorrhéique, avec un évident besoin de prise en charge aussi médicamenteuse que j'ai mis des mois à négocier. Une patiente qui aujourd'hui travaille en CDI, avec un visa longue durée, et vit de façon parfaitement autonome. Qui a apprivoisé au moins un peu sa peur de l'autre, fréquente des cours d'art collectifs, s'est remise à dessiner. Une patiente qui a démonté une partie des dragons infantiles pour arriver à une perception de plus en plus nuancée et finalement tendre de ses proches, et à une bien meilleure reconnaissance de ses besoins à elle. Et qui m'a dit ce matin que le film l'avait fait penser au cheminement que nous avons fait ensemble, à son acceptation progressive de la complexité de ses propres émotions et de celles des autres. Cadeau !

25 juin 2015

Donner des ailes

Parce qu'il n'y a pas d'âge pour réaliser ses rêves
Parce qu'il y a des projets qui apportent autant de joie à ceux qui les préparent qu'à ceux qui les vivent
Parce que nous avions confiance qu'elle serait ravie et en pleine forme à l'atterrissage
Parce que la vie doit passer avant les peurs
Nous l'avons fait !
Pour ses 90 ans, et dans le plus grand secret, ses trois petits-enfants et six arrière-petits-enfants ont offert à Mémé le baptême de parapente dont elle rêvait depuis des années. Au-dessus du Lac d'Annecy.
Pour ses 100 ans, Léo lui proposait de franchir le mur du son en Rafale, mais elle préférerait tester le Wingsuit ;-).

21 juin 2015

En chantant

(...) Des coups de blues, des coups de fil,
Tout recommencera au printemps
Sauf les amours indélébiles (...)
Louane

La vie c'est plus marrant, c'est moins désespérant en chantant (...).
Michel Sardou

15 juin 2015

Rester éveillés

Le premier texte est tragiquement d'actualité, éclaire autrement les débats actuels sur l'accueil des migrants de la Méditerranée : nous n'en sommes pas encore tout à fait là. Mais nous y allons. Le deuxième gagne à être lu en entier, fait écho : sommes-nous si totalement impuissants ? Nous avons la main sur notre façon de consommer, sur l'éducation de nos enfants ; de nouveaux modèles de consommation et d'échange, de pensée du collectif, se développent. Quelles sont nos priorités ?

Vu aussi La Vague, hier, avec Léo : ça fait froid dans le dos. Parce que toutes les conditions sont réunies pour voir émerger de tels mouvements de groupe. Parce que la démonstration est implacable, et la question, incontournable : et nous, qu'aurions-nous fait ? Là encore, la question de l'éducation se retrouve au centre : ceux qui gardent leur capacité de pensée sont ceux auxquels on a donné cette force-là. 

*************************

Welzer montre comment une société peut lentement et imperceptiblement repousser les limites du tolérable au point de remettre en cause ses valeurs pacifiques et humanistes, et sombrer dans ce qu'elle aurait considéré comme inacceptable quelques années auparavant. Les gens s'habitueront (et s'habituent déjà) aux événements climatiques extrêmes, aux épisodes de disette ou aux déplacements de population. Les habitants des pays riches s’habitueront aussi très probablement à des politiques de plus en plus agressives envers les migrants ou d'autres Etats, mais surtout ressentiront de moins en moins cette injustice que ressentent les populations touchées par les catastrophes. C'est ce décalage qui servira de terreau à de futurs conflits.

Comment tout peut s'effondrer, Pablo Servigne et Raphaël Stevens

Notre modèle de société montre son inadéquation, son incapacité à continuer. Si nous nous y accrochons, ce sera le dépôt de bilan planétaire (…) La civilisation moderne est la civilisation la plus fragile de toute l’histoire de l’humanité. Plus d’électricité, de pétrole, de télécommunications et la civilisation s’écroule. Elle ne tient sur rien du tout (…). 

Le rôle de l’éducation est souverain : et si on éduquait les enfants au contentement et non à l’avidité permanente ? Une avidité stimulée par la publicité, qui affirme qu’il nous manque toujours quelque chose. Cette civilisation du besoin chronique et permanent, sans cesse ressassé, installe dans les esprits la sensation de manque. Le phénomène de la vie, ce qui fait que nous existons, devrait avoir une place dans l’éducation des enfants (…). Aujourd’hui, les jeunes ne savent pas quelle place ils auront et s’ils auront une place dans l’avenir. Ce système-là peut-il encore perdurer ? Non. Il ne faut donc pas s’illusionner et se raconter des histoires : notre système arrive à ses limites. Il faut maintenant que l’imagination se mette en route, pour en créer un autre.

L’exigence fondamentale, c’est que tout le monde puisse manger, se vêtir, se soigner. Voilà ce qu’une civilisation digne de ce nom devrait pouvoir fournir à tout le monde. Aucun bonheur n’est possible sans la satisfaction des besoins vitaux. 

(…) Qui enrichit ces gens-là ? C’est nous. Ils s’enrichissent parce que des gens insatiables achètent de plus en plus, parce que toute une communauté humaine leur donne les pleins pouvoirs. Ils n’existent que parce que nous les faisons exister. Nous donnons très peu de place à ce qui est indispensable, à ce qui amène véritablement la joie. Et nous ne mettons aucune limite au superflu.

Pierre Rabhi, interview Bastamag

07 juin 2015

Chaleur humaine

J'adore les moments improbables, totalement inattendus : ce soir au pub un peu tristounet du coin de la rue (mais ouvert le dimanche et éclairé par un rayon de soleil), rencontre du troisième type entre un Africain body-buildé, une femme vieillissante, écrivain franco-britannique, et moi-même - et des échanges étonnants sur les familles - parents, enfants, fratries, les rêves - voyager en combi Volkswagen ou en bateau, le racisme, la solitude, quelques phrases qui fusent en anglais, et beaucoup de douceur qui circule - une tendresse perceptible, des humains réciproquement bienveillants.

05 juin 2015

Médecine douce

Mon remède à tout, mon échappée belle : la voile. Il n'y a rien qui me soigne de tout, me porte, me donne des ailes, comme le bateau... Avant même d'y être : je me suis allégée dès l'arrivée en gare de Toulon, je chantais en faisant le marché pour l'avitaillement - et longtemps après - la sensation de tanguer qui demeure, l'esprit lavé de tout, comme neuf.

Psy ou spi, comme dirait Milie ? Bah, les deux, mais là, spi. Un univers sans contraintes et sous la protection attentive d'Yves, un monde clos et flottant, sans autres devoirs que ceux qui contribuent au bien-être de tous - veiller aux repas (merci le marché !), partager l'apéro, papoter comme on ne le fait parfois qu'avec les inconnus, sans image à préserver ou objectifs à servir - juste pour le plaisir de l'échange. Loin de la terre, des news et des réseaux, en plein contact avec l'eau et le ciel, la lune qui se lève, le vent qui joue à cache-cache - en bateau, j'ai l'impression d'être "moi, mais en mieux". Et aussi de trouver un espace protecteur, réparateur, qui répond à un profond besoin d'être délestée parfois de mes responsabilités, bercée, insouciante.

J'ai appris des mots nouveaux, pas le vocabulaire marin (que je commence à maîtriser), mais ceux de notre (somptueuse) zone de nav' : "A m'ment donné" pour au bout d'un moment, "de longue" pour souvent ou depuis longtemps, "dégun" pour personne ou rien

J'ai aussi dépassé un peu ma trouille des manœuvres de port - pas peu fière d'avoir fait la dernière pour rentrer à Toulon, de nuit. Apprivoisé encore un peu plus la carte et la règle de Cras. Et retrouvé quelque chose de ce mythique départ en Corse, moment fondateur de mon amour de la mer : apprendre, oui, mais pas comme une fin en soi - apprendre pour naviguer d'un endroit sublime à un autre (Porquerolles, Port-Cros, Le Levant), pour savoir quand lâcher le contrôle (gilets et chaussures remisés dans les cabines), pour décider de plonger dans l'eau turquoise, pour improviser une course avec un bateau inconnu. Bref, la rigueur, oui - mais au service de la liberté. Jamais stage croisière n'aura mieux porté son nom, et c'est très bien ainsi : après tout, le but ultime n'est pas de savoir faire des empannages parfaits ou de récupérer un homme à la mer en trois minutes, mais bien de naviguer...

C'était chouette de le partager avec ma cousine préférée - qui s'est adaptée à vitesse grand V et dont la joie faisait plaisir à voir, de retrouver Yves, de découvrir un nouvel équipage : le minot, la brute et le méchant, dixit notre chef de bord - à dire vrai, beaucoup d'humour et de gentillesse de tous côtés -  et même un attachant "nouveau sauvage", anarchiste et marginal vivant à l'année sur son bateau avec femme, enfant et chien - un fracassé comme je les aime... mais un amour à distance prudente, désormais.

A peine atterrie, déjà l'envie de repartir, avec la chance d'avoir un horizon à court terme, puisque j'y emmène les enfants dans un mois  : un autre rêve qui se réalise, leur ouvrir la porte de ce monde de la mer et du vent.