Elle pense à tout, tout le temps.
Elle pense à tout, comme si le monde dépendait d’elle, comme si le quotidien des autres reposait sur ses épaules. Elle se dit que si elle lâchait, ne serait-ce qu’un instant, tout s’effondrerait. Alors elle ne lâche rien, jamais.
Elle tient, elle soutient, elle retient.
Elle s’occupe des rendez-vous, des devoirs, des courses, des Post-its sur le frigo. Elle pense à ce qu’il faut faire, mais aussi à ce qu’il ne faut pas faire, pas dire - pour ne pas déranger, pour rester cette femme qui assure, qui pense à tout, et qu’on oublie de remercier justement parce qu’elle le fait trop bien (...).
Elle pense à cette colère qu’elle maquille en bonne humeur pour ne pas contrarier.
Elle pense à tout ce qu’elle ne dit pas, à tout ce qu’elle ne demande pas, à tout ce qu’elle attend en retour – qu’on remarque, qu’on prenne le relais, qu’on la devance peut-être, qu’on la libère enfin d’avoir toujours à penser pour tout le monde sauf elle.
Mais elle ne dit rien, parce que dire, ce serait se plaindre, ce serait expliquer, ce serait affronter ce regard-là : celui qui ne comprend pas pourquoi elle est épuisée alors qu’elle n’a « rien fait de spécial ».
Et malgré tout elle continue. Elle continue parce qu'elle aime, parce qu'on compte sur elle, parce qu'elle est devenue cette femme qu'on admire pour sa force, sans voir combien cette force est faite de milliers de pièces fragiles.
Elle pense à tout, tout le temps. Et elle aimerait juste qu'on pense à elle avec la même tendresse, le même dévouement.
Elle espère qu'on la voie pour ce qu'elle est, et pas pour ce qu'elle fait. Elle espère qu'on la tienne. Qu'on la soutienne. Qu'on la retienne. Qu'on lui tire la chaise et qu'on lui dose :"Repose-toi. Je suis là."
Valentin Auwercz, alias ptitcrayon