27 avril 2025

Entre nos mains

Et quand il n'y a plus de mots possibles, on peut toujours prendre par la main. Une main qui serre, retient, étreint à sa manière, la seule désormais possible, une main qui presque... joue ? Comme on ferait des jeux de doigts avec un nouveau-né...

Une main qui renoue le dialogue, permet pour quelques instants de rencontrer aussi le regard. Assez pour dire : "Tu veux un câlin ?", entrevoir un assentiment, ce tout petit oui de la tête. Pas facile, un câlin, quand on est sanglé dans un fauteuil d'hôpital. Mais possible. 

J'ai senti un minuscule baiser sur ma tempe, et j'ai décidé de pleurer plus tard. Au moment de partir, je lui ai dit, "Je suis contente de te voir", et j'ai deviné dans le mouvement de ses lèvres un "Moi aussi."

22 avril 2025

Gentil coquelicot

...mesdames, c'est une ronde enfantine que ma grand-mère me chantait. Moi je le trouve courageux ce petit coquelicot - au nom ravissant - dans sa manière de (se) pousser entre les failles, le long du bitume parfois, ou au hasard des talus. Et j'adore ce contraste entre son infinie fragilité et sa couleur éclatante, si fièrement affirmée à la face du monde. Impossible à semer - il ne se déplace qu'en liberté, impossible à cueillir - sous peine de le voir mourir, plus éphémère encore que nos courtes vies... et j'aime aussi son nom anglais, qui aurait toute sa place dans les nursery rhymes : poppy !

20 avril 2025

Décider d'être heureux

...ça ne marche pas toujours, et les vagues plus ou moins souterraines sont hautes, quelquefois submersives, et pour tous en ce moment. Mais parfois on y parvient, et ça offre quelques instants de répit, ou même de petits instants de grâce, une version faite maison de "Ensemble, c'est tout". Comme chez Anna Gavalda, nous sommes un petit groupe un peu branlant mais solidaire, avec son (gros) lot de défis, de handicaps et d'inquiétudes ; une toute petite famille, deux grands-mères, deux "grands-petits-enfants", et moi. C'est fragile mais ça tient chaud, et ça ne manque ni de courage ni de panache - comme le coquelicot ci-dessus.


10 avril 2025

Ground Control (to Major Tom ?)

Je l'ai fait ! Avec la trouille d'aggraver mon problème (non), des bouchons d'oreille et une migraine ensuite, mais ça en valait carrément la peine. Avec nos 4 chorales parisiennes, plus de 100 choristes (je me demande si un jour on réunira les 10 en France, mais déjà là, c'était magique). Ground Control plein à craquer, ils ont dû filtrer les entrées. J'ai pris beaucoup de plaisir à planer sur les harmonies de Space Oddity et à reprendre Respire encore, alors que ces deux choix de chansons ne m'emballaient pas du tout initialement - la Symphonie des éclairs, très chouette aussi - sur une vidéo du public, on entend distinctement le type dire, "Heureusement que je prends des anti-dépresseurs sinon je serais déjà en larmes", j'adore, meilleur compliment ever !

08 avril 2025

Sourire et pleurer

Parfois tellement de gravité, de confiance, de profondeur, de sourires et de larmes dans une seule matinée de ce boulot... La première a déposé son souhait profond de pouvoir un jour confier à un homme qu'elle rencontrerait la totalité de son histoire aux multiples traumatismes sans que cela ne bouleverse l'équilibre de la relation ; en attendant, c'est dans la sécurité du cabinet qu'elle en a déployé le cours - sans doute encore bien plus complexe que ce qui a été évoqué. Quelques jours après : Je voulais vous faire un message mais je n’ai pas osé, je voulais aussi être certaine que certains démons étaient partis. Un grand merci.

La seconde a égrené les thèmes de la honte - la nôtre ou celle que l'on hérite de nos parents, les questions des transfuges de classe, les échecs réels ou vécus comme tels, l'impression de ne jamais être à sa place - dans le bon pays, la bonne langue, le bon milieu, la bonne carrière. Mais aussi la suspicion peut-être d'un abus oublié dans la prime enfance, qui viendrait frapper à la porte sous forme de cauchemars récurrents, et au travers de l'omniprésence de cette question de la honte, et d'une menace sourde, d'une insécurité précoce.

La troisième, au-delà de la période actuelle difficile pour elle, a partagé spontanément plusieurs expériences spirituelles profondes qui nous ont amenées sur la question de la psychothérapie transpersonnelle, de la possibilité d'une souffrance qui ne concernerait pas seulement notre petit moi mais qui résulte de la coupure d'avec ce qui en nous est plus grand que nous - et des chemins qui permettent de s'y relier. 

Le quatrième... a eu le bon goût d'oublier sa séance, et je l'en remercie - bouleversée, ravie, épuisée, et possiblement incapable de m'engager plus dans la relation ? Non - je sais que j'en aurais trouvé les ressources, mais, à quel prix, ces jours-ci ?

Bonnes questions

Entends-tu le son de ta propre respiration ? De ton coeur qui bat ? De la forêt qui pousse ? Il y a de ces sons qui ne font pas appel à l'oreille. Il y aussi, le son du silence.

Il y a aussi des bruits infernaux qu'on entend sans l'oreille : ceux de nos pensées en boucles.

Pourrais-tu te réfugier quelque part ?

Carsten

06 avril 2025

Les Fabuleux

... ce qui est plus surprenant, c’est sans doute ce lien bizarre qui en résulte, une forme d’intimité amicale. Les amis. Ça ne ressemble à rien, mais c’est joli.

Ah, et puis un des deux m'aura aussi offert ceci : Je ne crois pas à ceux qui "cherchent une relation sérieuse", la relation devient sérieuse toute seule si elle en a envie. Ca semble évident dit comme ça, mais j'ai trouvé ça infiniment libérateur. 

05 avril 2025

Sourde oreille

Bon mais ces jours-ci je ne suis pas sûre qu'on soit même à 12/20 - il y a la grande Histoire qui semble foncer dans le mur chaque jour un peu plus vite, la Terre qui brûle, et nos petites vies, l'avenir de mes enfants déjà grands, chacun avec ses questionnements, légers ni l'un ni l'autre pour l'instant. J'ai peur pour ce monde, j'ai peur pour eux.

Et puis ces jours-ci pour moi il y a cette oreille en folie qui démultiplie acouphènes, migraines et vertiges, menaçant à la fois mon exercice professionnel et tellement des choses que j'aime dans cette vie - annulation d'un concert que je me faisais une joie de partager avec Léo et Elsa, peut-être abandon de la chorale (?), sillonner Paris oui mais avec des bouchons d'oreille, aller bavarder avec ceux que j'aime dans un café, un restaurant, c'est non, le niveau de bruit n'est plus tolérable pour le moment. L'ORL dit, il faut vous calmer madame, la fatigue et l'anxiété décuplent vos symptômes - elle est marrante la dame... 

J'ai peur - que ça ne revienne jamais à la normale, des dépenses de santé qui se démultiplient, des résultats de l'IRM avec injection qui se profile, d'être appareillée, de finir chaque journée en pleurant d'épuisement parce que me concentrer sur la parole de mon interlocuteur en luttant contre l'acouphène d'un côté, l'hyperacousie compensatrice de l'autre, c'est infernal.

Il y a pourtant un effet de vérité là - dans ce double mouvement, une envie folle de faire la sourde oreille à toutes ces détresses, de fermer les écoutilles, et en même temps de l'autre côté ça rentre à flots, me submerge et m'abîme. Et puis "Sinon, il y a la vie", comme l'a soufflé François Roustang à Nicolas Demorand. Chercher des premiers secours. Du côté du corps - traitement(s), ostéo, massage. Du coeur - ne pas renoncer aux rencontres, amoureuses, amicales, humaines. De l'âme - chercher le Soi derrière les nuages du mental, cette part intangible et tranquille, ce silence contemplatif - un nénuphar flottant tranquillement entre la terre et le ciel.

04 avril 2025

Santé mentale

La vie est trop courte
pour souffrir sans remède
se ramasser sans demander de l'aide
la vie est trop courte
pour la vivre à demi
devenir son propre ennemi...

Jeanne Cherhal, qui chante... son traitement anti-dépresseur.

Et je me suis déconnecté avec cette idée que ça allait aller. Vraiment.(...) Ca va pas forcément aller, mais on VA y aller (...). Moi j'ai toujours voulu que la vie soit 20/20, j'attendais le moment où ça allait s'aligner pour que ça devienne 20/20 mais je crois que c'est en acceptant que ce soit toujours 12 qu'en fait on se retire la pression de la note.

Panayotis Pascot, cité par deux patients cette semaine.

Et puis Nicolas Demorand, qui assume un matin pas comme les autres sa souffrance psychique devant des millions d'auditeurs "Je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu'est la maladie mentale. Qui pense, d'ailleurs, que ce n'est pas une maladie (...). La maladie mentale, sauf cas extrême, reste prise dans un nuage de mépris, de déni et de morale", écrit-il dans son bouleversant  petit livre Intérieur, nuit. 

Voilà - ça bouge, je crois. Et ça ouvre enfin la parole. C'est beau.