27 septembre 2009

Au coeur

Dans les turbulences du moment, ce qui est inscrit dans les lignes de Winckler (voir post précédent) est un fil rouge. L’espace où je me sens être, où je me sens être ce que je suis, une petite grande dame, grande dame en devenir, j’espère. Oh bien sûr pas toujours, et avec une grande humilité, et beaucoup d’incertitudes. Mais de rencontre en rencontre, c’est une constante : c’est la place où je souhaite être, celle où je peux être ce que je suis de meilleur.

Dans les consultations, dans l’espace d’écoute en collège aussi. Ce vendredi, deux enfants encore, trop tôt adultes... Un qui aura su mettre des mots sur sa réaction violente face à un éducateur de l’établissement, reparti apaisé (si on avait exigé de voir ma mère sur-le-champ, alors qu'elle est alitée depuis plusieurs semaines et encore en attente d'un diagnostic - comment aurais-je réagi ?).

Un autre, première entrevue, déjà catalogué futur irrécupérable, qui a pu énoncer son besoin d’être regardé autrement, son souhait de faire de sa vie autre chose que son frère tout juste majeur, plus ou moins squatteur, plus ou moins dealer, déjà abonné aux gardes à vue, maintenant à l’âge d’une véritable incarcération. Conscient de tout ce qui l’entraîne sur ce chemin, mais pas encore désespéré – peut-être encore en capacité de reprendre la barre… Un gamin sensible, pas bête, qui peut peut-être encore ne pas devenir Un prophète de notre temps...

Me suis fait remonter les bretelles, les jours passés : ce que tu es vraiment est là – cesse de te battre pour tes amours d’enfance, pour tes peines d’enfance – quand tu es dans cet espace c’est là que tu donnes ta pleine mesure…

Et aussi, quand je larmoyais sur les dites peines d’enfance (et ma terreur de les voir se rejouer), sur le mode, s’il n’y avait pas eu tout ça j’en serais pas là, une affectueuse engueulade : et ALORS ? Tu crois vraiment que tu as à te plaindre, de là où tu en es ? De la personne que tu es devenue, aussi à travers tout cela ? Ouais. OK.

26 septembre 2009

Livres-ressources

Comme toujours – les livres comme compagnons de route – livres qui réchauffent, accompagnent, prennent par la main…

La mariée mise à nu, Nikki Gemmel. En poche, ce qui ne gâte rien ! Un journal de femme, 35 ans, mariée, avec encore tant de choses à découvrir de sa féminité, de sa sexualité… Deux années du journal d’une femme qui se découvre, se révèle, s’invente, trébuche et se relève. Un bouquin bouleversant, drôle, cru, érotique, dérangeant – un livre qui dit souvent tout haut ce que nous pensons tout bas, mais ne dirions jamais au grand jamais à haute voix. Un livre à offrir à ses amies, à ses sœurs, à toutes les autres femmes. Et aux hommes aussi, pour qu’ils apprennent, pour qu’ils comprennent…

Et Le chœur des femmes, de Martin Winckler. Bien sûr, j’y suis comme chez moi : la contraception, l’IVG, les relations amoureuses, ces consultations à mains nues et à cœur ouvert, où l’on reçoit si souvent autant que l’on donne – c’est mon quotidien, mon (extra)ordinaire professionnel. Mais au-delà de cela, c’est aussi un livre à mettre entre toutes les mains – celles des engagés des Plannings Familiaux et des services d’obstétrique, celle de tous les internes en médecine avant qu’il ne soit trop tard, celles des femmes pour qu’elles puissent s’y reposer, celles des hommes pour qu’ils sachent – celles des thérapeutes et futurs thérapeutes aussi… Quelques perles :

Quand on pose des questions, on n’obtient que des réponses.

Elles savent toujours de quoi elles souffrent.

Le soignant, c’est celui à qui le patient prend la main.

Tu ne sauveras peut-être jamais personne. Mais tu peux soulager et soigner presque tout le monde. Choisis.

Tout le monde ment. Les patients mentent pour se protéger. Les médecins mentent pour garder le pouvoir.

Qui soignes-tu en cet instant ? Eux, ou toi ?

Le docteur est pressé. Le soignant est patient.

Partage ce que tu sais. Elles te le rendront au centuple.

Oublie le secret, souviens-toi du chagrin.

Ce qu’une femme ressent est plus important que ce que tu sais. Et ce que tu crois compte beaucoup moins que ce qu’elle ne dit pas.

23 septembre 2009

Questions

Décidément cette Care Box, qui se voulait élégante et légère, qui privilégiait la pudeur, est quelque peu à la dérive - comme la plume qui l'encre (l'ancre ?). Si elle devient un joli moyen de dire - sans grandes conversations pour le moment douloureuses, vacillantes - après tout pourquoi pas...

C'est le mot du moment - pourquoi pas. Quand l'éventail des possibles est à ce point déployé, il y a une certaine légèreté à laisser aller, ne rien exclure. Et une redoutable exigence, à maintenir ouvert, garder la possibilité de se laisser surprendre.

Que dire ?

Merci... pour les messages on ou off, l'amitié vigilante. Pour les gestes anonymes aussi - un cafetier qui, désemparé par mes larmes sur le trottoir et à court de mots, est venu me tendre un verre d'eau, une préparatrice en pharmacie qui, à son conseil sur un contour des yeux, a ajouté spontanément, "Moi, vous savez, mon remède c'est la crème glacée... n'importe quel parfum, mais j'aime bien pistache."

Que dire encore ?

Je ne sais pas. S'il faut se battre ou renoncer. S'il faut laisser couler - dans le sens d'une acceptation, ou dans celui d'une philosophie : cela aussi passera, la patience suffit. Ce qui est juste. Si la vie propose un changement - ni de quel changement il s'agit. Ce qui est possible. Ce qui est souhaitable. Pris dans la déferlante, comment savoir ce qui appartient à la peur et ce qui appartient à l'amour, ce qui appartient à la tête, ce qui appartient au corps et ce qui appartient au coeur ?

22 septembre 2009

Pleure pas

Pleure pas
L'amour s'en va
Mais tu le savais déjà
C'est mieux d'être seule
Que de se mentir à deux
Quand tout se désagrège,
Quand l'amour se défait,
Quand l'habitude est un piège
Où l'on s'est enfermé
Laisse aller ma chérie,
Laisse aller, viens
On ira Rue de Vam chercher pour toi
Ces boucles d'oreilles en cristal, comme tu aimais autrefois.
J'ai vu ce matin qu'il est sorti chez Moussia
Ce livre d'Eluard que tu attendais, je crois.
Pleure plus, c'est bien d'être venues
Dans ce parc Montsouris
Où tu jouais, lorsque tu étais enfant.
C'est fou comme Paris est séduisant, aujourd'hui
Viens, asseyons-nous près du kiosque à roudoudou
Tu sais, quand le désir
N'est plus le désir,
Quand, dans un regard,
On ne se reconnaît plus,
Si tu ne tremblais plus
Quand tu l'entendais venir,
Si tu ne savais plus
Le rejoindre partout, n'importe où,
Laisse aller ma chérie, laisse aller
Allez viens, ma petite fille, viens
Allons rue de Vam te chercher ces boucles en cristal
On rentrera par la rue du petit lézard gris.
Regarde comme Paris est superbe aujourd'hui
Allez, pleure plus, ma chérie
Pleure plus, mon enfant
Pleure plus, pleure plus, ma chérie...

Barbara

13 septembre 2009

Lunambule

Sur le fil, entre l’angoisse qui s’infiltre, s’agrippe (mais n’est pas de l’amour, mais une marée noire, qui englue et noie, moi, toi, et le lien, et le temps) - et – les élans d’amour vrai, qui se heurte à la crainte d’embarrasser, à la peur de n’être pas reçu, s’élance quand même, se réjouit quand il est accueilli, partagé, s’étonne de pouvoir (parfois !) rester tranquille quand il ne peut pas l’être (et c’est un bel apprentissage).

Sur le fil, entre les moments de déchirure, de fermeture, d’incompréhension, de découragement, de dés-espoir, et des instants de grâce – une qualité de relation, d’intimité, d’intelligence réciproque, de rencontre auparavant jamais touchée. Il y a du bonheur là-dedans ! Un bonheur inédit, vivant, joyeux, aux possibilités créatives infinies – et que je n’échangerais certes pas pour le statu quo d’il y a quelques années… ah ça non ! Un bonheur où la femme et l’homme que nous sommes peuvent enfin se reconnaître, se re-connaître… J’aime l’homme que tu es, que tu es devenu, que tu deviens – ou que tu as toujours été mais qui aujourd’hui apparaît, s’incarne, rayonne. Et il en est de même pour moi.

Sur le fil, entre des blessures d’enfance, des blessures de femme qui s’entremêlent – et – une légèreté qui touche parfois à l’insouciance – pourquoi me soucier de ce sur quoi je n’ai pas prise (mais jusqu’où, ai-je cependant la possibilité et le devoir d’agir ?), une gravité dansante, vivante : le cœur serré mais ouvert

Sur le fil des questions de tout lien inscrit, construit dans une durée : faut-il tolérer ou bien affirmer ? faut-il dire la vérité ou bien se taire pour épargner, pour protéger ? faut-il laisser échapper ou persévérer ? ces autres rencontres à laquelle la vie nous amène, faut-il savoir y renoncer (et quel serait le moment juste alors) ou simplement les accueillir – puisqu’elles sont ce qui est, à ce jour (« J’honore chaque lien d’amour… », disait Nadia) - même si c’est difficile – et au risque de s’y perdre (dans toute l’ambiguïté du terme) ?

Sur le fil, entre l’envie par moments de reprendre la main de la seule manière qui serait – briser avant de voir, peut-être, (se) briser – et la confiance – quels que soient le temps, la forme, notre lien est unique, est premier ; ce n’est pas l’amour qui est mis à l’épreuve, mais la patience du cœur à accompagner une évolution, un chemin de transformation que j’ai parcouru moi-même, que je respecte fondamentalement chez toi

Sur le fil, mais dans la main d’une vie qui donne sans compter : dans cette traversée, et quelle qu’en soit l’issue, je ne suis pas seule. L’amour, l’amitié, le soin attentif veillent, là où je les attendais, et aussi là où je ne les attendais pas… et je sais pouvoir compter sur mes propres forces.

Sur la piste d’un secret qui délivre – que je devine mais auquel je ne me sens pas encore la force d’oser le OUI : ce oui inconditionnel qui embrasserait d’un même geste la possibilité d’une séparation et celle d’un nouveau départ, hors de l’exigence d’un quelconque délai. Un oui qui se libérerait de la peur – cette peur qui retient les possibles, enraye le mouvement de la vie, marchande, corrompt même ce que je désire le plus profondément… Un oui de confiance : oui à l’espace des possibles ouverts par une éventuelle séparation, oui à la liberté de nous choisir à nouveau, dans une nouvelle profondeur et avec toute la créativité et l’amour dont nous sommes capables…

A ce jour – je sens combien pour moi ce oui reste conditionnel, effrayé, douloureux. Un oui qui aurait encore drôlement une tête de non ! Mais je suis sur le chemin.