Analyse, relation et représentation :
L'analyse là ne se joue pas fondamentalement et prioritairement (...) dans l'élaboration mentale-et-verbale, mais dans l'élaboration affective-et-charnelle à travers la relation et le cadrage analytiques, et elle s'avère devenir en même temps un voyage régressif dans lequel le sujet aura non seulement à reconnaître le refoulé dans son retour, mais à retrouver les racines plus profondes de son être-en-devenir (...).
Plus que faire des liens, c'est "faire du liant" qui est le plus important. (...) Il n'y a pas à réduire la passion, le non-sens, la folie, le conflit, il n'y a pas à les "comprendre" au sens de les objectiver, les rationnaliser, les ex-pliquer, mais seulement à les "com-prendre" au sens de les prendre en compte tels qu'ils apparaissent : les "con-tenir", "rester avec" et "laisser être, laisser passer, laisser avec...". L'affectivité se régule ainsi elle-même au contact d'une "présence" charnelle et "contenante", qui lui sert de pare-excitations et apaise ses intensités pulsionnelles. Non seulement elle n'a pas besoin de la représentation pour cette régulation, mais c'est toujours, contrairement à ce qui se dit généralement, la représentation qui vient faire obstacle et créer des problèmes (...)
La représentation (…) est un déplacement fictif hors d’eux-mêmes, hors de leur vérité, des « représentés ». Par la représentation, on les fait s’absenter de leur corps, de leur être, de leur actualité réelle et mouvante, de leur potentiel de devenir et d’irreprésentabilité pour les changer en quelque sorte de perspective et pouvoir les objectiver, les transformer en objets. Finalement, il s’agit d’une nouvelle présentation dans une autre place que la leur, à une place de substitution et de mort, dans l’ailleurs de l’image ou l’ailleurs du langage.
Le silence :
Ce silence, matrice de la parole, toile de fond d'où jaillit toute parole et sur laquelle se déploie tout discours, n'étant pas le silence des non-dits, le silence du mutisme, mais le silence du corps (...), c'est-à-dire un silence qui n'est pas fait de l'absence de bruits, mais de l'absence de paroles (...), un silence plein et habité affectivement, le silence où parle dans son propre langage inarticulé et archaïque la vie dans toutes ses tonalités et modulations, ses vibrations (...).
C'est là que j'ai découvert la différence entre les mots insérés organiquement dans le silence et les mots qui ne sont là que pour dominer et déchirer ce silence, pour le fuir en fait, et j'ai réalisé combien les analysands qui ne parlent pas à partir d'un point de silence sont hors d'eux, combien leur parole est une mascarade, qui leur permet de se cacher derrière semblant et leurre... Les analysands qui parlent sans silence ne font que du bruit, on n'entend pas leur source.
Alain Amselek, L'écoute de l'intime et de l'invisible