25 avril 2023

Bonbons des Vosges


Ça devient viscéral ce besoin de sortir de Paris à intervalles réguliers. Ça me questionne parfois - est-ce qu'il y a un moment où ça va devenir impératif d'aller vivre ailleurs ? Du coup c'était chouette d'avoir la chance de m'évader dans une maison au pied des montagnes, et pendant huit jours, de ne rien faire, à part me balader, bouquiner, cuisiner (des Bredele de Pâques !), visiter de jolis villages, manger une choucroute, et même coudre, en tout cas expérimenter l'usage de la machine. Avec deux grands-mères aussi bavardes que gourmandes et deux chats sympa - un excellent casting donc. Un petit saut chez Clara et Thibaud pour constater les progrès d'Aaron, un autre à Lampertheim - moins de progrès hélas. Du temps et de l'espace... enfin.

21 avril 2023

Haut-le(s)-coeur(s)

"Un ordre social est machinal. Il nous agit. On l'a toujours déjà oublié.

Mais toute machine est machinée. Un ordre social est machiné par quelques hommes pour machiner tous les autres hommes. Et plus il va machinalement, moins il va humainement. Ainsi, des intérêts humains - très humains - produisent des rapports inhumains.

Ce qui se voit uniquement en s'extirpant de la langue générale : depuis un ailleurs, le machinal ressemble souvent à une torture énigmatique.

(...) La norme une fois posée, elle n'est plus questionnée. C'est comme ça qu'on fait. La norme est invisible, même si elle est partout, même si elle est atroce. On ne la voit plus, on la prolonge." 

Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils

Un livre coup de coeur mais aussi coup de poing. Qui relate le procès Orange, mais aussi bien plus largement dénonce la novlangue néolibérale, et la façon dont elle soutient, justifie, invisibilise la violence du monde du travail et la folie destructrice du capitalisme forcené. C'est brillant - et terrifiant. Ce mépris assumé de l'humain, que l'actualité politique, sociale, écologique met en évidence jour après jour - les quelques hommes qui machinent et dirigent ne prenant même plus la peine de faire semblant d'être au service du collectif. 

Personne ne sort les fusils - et pourtant il y aurait de quoi.

15 avril 2023

Illuminations

Dans la sécurité du cercle de femmes, je nomme cette façon que nous avons d'encaisser en permanence, toutes et tous, des micro-chocs (ou pas micro d'ailleurs) qui s'accumulent, s'additionnent, finissent par nous fabriquer une peau apparemment épaisse, un supposé détachement - une armure si poreuse en réalité. Un risque majoré par nos métiers - cette façon de nous effacer devant l'émotion de l'autre, de faire comme s'il n'y avait pas d'impact sur nous-mêmes - ou si peu, juste assez pour lui communiquer une empathie profonde, donc encore à son service.

Je me demande comment ce serait, si je m'autorisais à ressentir pleinement, constamment, ce qui vient me chercher, m'atteint, me bouscule - invivable, probablement, la peau de mon âme (ou de mon ventre ?) est en réalité si fine et sensible...

L'autre apprentissage de cette rencontre, en tout paradoxe, c'est cependant la possibilité de choisir : accueillir l'émotion, la laisser me traverser - acceptation salutaire ; ou pas, et c'est jouissif aussi : je constate que j'ai le choix, que je peux dire non, prendre de la distance, refuser le pathos interne et externe.

A plusieurs reprises l'idée s'impose que ce choix est toujours possible, se laisser abuser ou pas par les apparences, comme si là je pouvais toucher du doigt concrètement le fait que tout cela est un jeu, une projection, une fiction – la vie qui (s')expérimente, rien de plus.

Et puis il y a eu cette jolie de phrase de C. sur son étonnement devant la persévérance de la nature, le bourgeon qui ne se pose pas de questions mais croît et fleurit au printemps, quelques soient les circonstances extérieures... la vie têtue, inébranlable.

09 avril 2023

Les petites lumières

Dans le premier film, on ne parle que d'amour, mais c'est l'anti-comédie romantique : rien n'est souligné, tout est suggéré, dans les silences, dans les regards, dans la sensualité des lumières et des matières... et c'est bouleversant. Un amour pudique, profond, plus entier d'être partagé, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire que d'aimer. Ce moment où Mina dit à son homme, tu es l'homme le plus pur, le plus noble que je connaisse, c'est si beau, et si vrai de ces trois personnages généreux et tendres, si délicatement attentifs les uns aux autres - une infinie douceur, tellement rare. Moi qui suis de plus en plus souvent déçue par le cinéma, je suis sortie totalement sous le charme, et restée longtemps émue (j'avais également aimé récemment Empire of light, une autre histoire d'amour fragile et touchante elle aussi).

Dans le second, s'il est question en détail de braquages, de flingues et de peines de prison - c'est tout sauf un film de gangsters. Je verrai toujours vos visages - comme il est dit à la fin, c'est (là aussi), tout ce que notre époque déteste : prendre le temps, tisser des liens, accompagner les hésitations, les ambivalences, accueillir hors de tout jugement. Mettre des mots, chercher à comprendre, et en définitive, à réparer, ou tout au moins permettre à chacun de faire quelques pas dans cette direction. Alors, c'est vrai, il est peut-être un peu trop démonstratif, pédagogique, ce film ; et sans doute les choses ne se passent-elles pas toujours aussi bien. Mais rendre hommage à ce dispositif de la justice restaurative, qui est déjà un miracle en soi dans notre époque pressée et sans nuances, c'est beau aussi.

03 avril 2023

02 avril 2023

Nomades

Pâques avant les Rameaux