Nous avions commencé à rencontrer Mathieu et Kamila, thérapeutes familiaux, dans de bien tristes circonstances. Et ce jour, nous sommes arrivés tous les trois joyeux des changements en cours - Elsa épanouie en service civique, Léo avec nous à la maison et plus engagé que jamais, moi dans nos projets d'achat d'appartement... et nous avons conclu qu'à ce jour, l'équilibre familial semblait suffisant pour clore ce cycle, et nous remercier tous du chemin parcouru ensemble - de cet engagement dans la parole qui nous laisse pour le moment au meilleur de ce que nous sommes.
To care : j'aime ce mot, qui dit à la fois la précaution, l'attention, la responsabilité, le souci, l'importance, le soin. Care box : un néologisme pour quelque chose comme, boîte à attention (littéralement en anglais imaginaire, trousse de secours).
31 mars 2022
27 mars 2022
Checked !
- Marcher sur la plage au soleil ✅
- Me poser face aux vagues. Respirer. Prendre le temps. ✅
- Mettre les pieds dans l’eau (plus, c’est pas sûr, mais possible que j’essaie !) ✅
- Manger des huîtres avec un verre de blanc frais (citron ou vinaigrette ?) et une tartine de pain frais/beurre salé ✅
- (...) ✅
- Aller au marché ✅
- Chanter (pas difficile, je fredonne tout le temps quand je suis heureuse). Danser – sur le sable, dans la maison ? ✅
- (...) ✅
- Déjeuner en terrasse ✅
- (...) ✅
- Envie de légèreté, tout ce qui nous pèse nous rattrapera bien assez tôt lundi…
17 mars 2022
Printemps
Elle a cherché toute seule. Rédigé lettre de motivation et CV. Elle s'est rendue à un entretien mené par deux adultes inconnus, dans un lieu nouveau. Et ils lui ont dit oui. Depuis presque deux semaines, Elsa est en service civique. Pour une belle association, et pour une mission qui a plus que du sens pour elle - sensibiliser les jeunes sur les thématiques liées au numérique - cyber-harcèlement et discriminations, dangers des écrans, de l'addiction aux jeux vidéos au revenge porn en passant par les fake news et les arnaques en ligne. Elle se lève le matin, parfois très tôt. Se forme, intervient déjà. S'intègre dans une équipe. Revient fatiguée mais enchantée, pleine d'une énergie inattendue, d'une confiance en elle toute neuve. Avec plein de choses à raconter, qui témoignent de sa sensibilité, de son intelligence, de sa créativité.
C'est fragile, peut-être. Ou peut-être pas, car elle a déjà anticipé les difficultés possibles de ce changement de vie radical, en a fait part aux encadrants. Et surtout, parce que c'est son projet, qu'elle a impulsé en toute autonomie, et qui la porte autant qu'elle le porte. Et moi, je suis toute émue d'être témoin de cette éclosion inattendue, et tellement heureuse pour elle...
15 mars 2022
Instantanés
Un brunch chaleureux avec Maman et Daniel pour la fête des Grands-Mères. Un restau libanais et un spectacle improbable avec mon filleul préféré (deux ans que le Covid nous privait de ce petit moment partagé). Un dîner chez les derniers vrais cocos de la Butte aux Cailles, à la SCOP Le Temps des Cerises. Un brainstorming au Pub Saint-Germain sur l'intégration d'athlètes russes dans une équipe olympique française. Un cocktail à la Felicita, la sensation retrouvée d'une accélération en moto - qui me fait toujours éclater de rire - cette sensation soudaine d'avoir des ailes. Une coupe de champagne (ou plusieurs) avec la blonde Cécile et la brune Nadia. La remise de diplôme de Léo. Un atelier chant avec la grande Elsa où interpréter avec jubilation J'aime pas, de Boris Vian.
Autant de contrepoids, de contrepoints à l'affolant désordre du monde. Au vertigineux rapport du Giec, à la désolante campagne présidentielle, à la tragédie ukrainienne. A la façon dont tout cela affecte, angoisse, plombe les consultations et donc assombrit aussi mes journées. Aux drames singuliers aussi - les situations d'urgence s'accumulent chez les étudiants ces dernières semaines, suicide, incarcération, décompensation, disparition. Je suis passée au-delà de la fatigue. N'ose pas me faire arrêter, car les grilles de rendez-vous débordent. Mais... jusqu'à quand ?
13 mars 2022
La clé sur la porte
Bonheur du jour : Léo évoque les somptueux appartements haussmanniens ou les immenses maisons de campagne de ses petits camarades de Master à l'ESCP. Puis notre petit 54m2 où nous campons à 3, et parfois à 4 ou 5, parce que l'accueil de nos amis, de nos amours (et des amis de nos amours ou inversement) y est la règle. Une maison où les débats sur tous les sujets, les blagues, les confidences sont toujours les bienvenus. Il dit : je n'échangerais pas. Trop contente. Et assez fière. Je rends ça possible. A moi toute seule. Yesss !
03 mars 2022
Samir
Je n'y arrive pas. A contenir tout à fait ce que me fait ressentir cette improbable histoire – je déborde, de l'envie de le lui dire à lui, de le raconter à d'autres. A prendre de la distance. A m'accrocher à la raison, qui dit : cette rencontre n'avait pas lieu d'être, et ne durera pas.
Je m'attendris. Devant un détail insignifiant, un message banal, et devant ma propre bêtise, qui me fait tout autant monter le sourire aux lèvres. Une vraie gamine, qui s'enchante d'un verre dans un lieu à la mode, d'une pointe de vitesse en moto, et du constat réciproque, vaguement émerveillé, d'un désir inexpliqué, mais non négociable.
Je me reconnais. Dans ma façon d'entendre ce qu'il ne dit pas, mais aussi, d'être bouleversée par ce que je pressens d'inaccessible, de pudeur et de fragilité. Dans mon élan à aider, à aimer, à soutenir, si possible, et même là où ça ne l'est pas – dans cette sollicitude inquiète, cette mélancolie attentive dont Steinbeck écrit qu'elle annonce l'amour (et qui pour moi ne s'en différencie pas toujours). Dans mon goût immodéré pour les histoires impossibles et les hommes à failles...
Je triche. Ferme parfois à moitié les yeux pour ne pas voir ce qui nous sépare, les espaces que nous ne partagerons pas, et l'absence, d'ailleurs, d'un nous possible. A la place, j'invente de nouvelles définitions d'aimer. Hors du possible, du vraisemblable, du projet. Un simple constat : à cet instant précis, mon cœur bat, c'est une chance, une possibilité de gratitude, et cela suffit à embellir ma vie.
Je m'étonne. De mon corps si vivant, sans âge autre que celui d'un désir nouveau, de cette fluidité, de cette simplicité. De me sentir belle dans le regard d'un homme beau sans qu'il le sache. De cette féminité évidente, momentanément débarrassée de tout jugement esthétique ou moral. De ce désir gentiment obsédant, de cette constante envie d'être physiquement en contact – pas seulement à travers la sexualité mais – aussi dans le toucher, la caresse, m'endormir dans ses bras. Une histoire de peaux, de rythmes, ça danse, s'accorde sans qu'il soit besoin d'y penser. De ma fascination amoureuse pour ce corps lisse et doux, mince mais musclé, et doré, si loin de celui de la plupart des hommes de notre âge.
Je m'inquiète. Du moment et de la façon dont ce fragile équilibre se rompra ; car il tient sur des fils ténus – une intelligence intuitive de l'autre au-delà de nos différences, un désir aigu mais possiblement éphémère, une part de relatif mystère, qui supporterait sans doute mal une lumière trop crue, d'un côté comme de l'autre.
J'apprends. A interroger mes préjugés. A reconnaître mes privilèges, à commencer par celui de la santé. A contenir mes insécurités. A ne rien attendre, pour que tout soit un don.
Je souris aux anges, lorsqu'il est là et aussi lorsqu'il ne l'est pas. Devant l'adolescence retrouvée, maladresse et intensité mêlées. Je fonds, lorsqu'un mot ou un geste viennent démentir sa distance apparente. J'oscille avec les marées de nos ambivalences, ouverture, protection, intimité, distance, autant de signaux contradictoires et donc troublants. Et puis je reviens à la simplicité du toucher, à la douceur de la voix, à la profondeur du regard : quel que soit l'avenir, ce présent ne ment pas.
(Ce que je devine dans l'insondable de ce regard, qui me donne l'élan d'écrire - et qui n'appartient peut-être qu'à moi...)
Je me retiens. De lui dire tout cela. Parce que je sais que ce serait la meilleure façon de le faire fuir - d'anéantir ce miracle précaire et délicieux...