J'avais rêvé de le voir, une première et peut-être, une dernière fois. Reculé devant les prix prohibitifs. Je me suis laissée cueillir par une offre Starter de toute dernière minute. Et j'ai bien fait.
Le petit grand Charles annonce la couleur, dès les premières minutes : 91 printemps, une mémoire un peu défaillante - "Bien sûr, j'ai un prompteur, comme beaucoup d'autres, s'amuse-t-il. Simplement, moi je le dis !". Un artifice vite oublié, devant ce show de deux heures sans entracte, qui alterne ces chansons gravées dans les mémoires d'au moins quatre générations et des compositions plus récentes, délicates - même si la totalité du répertoire est de toute façon marquée par le temps qui passe, la solitude, une nostalgie jamais amère cependant.
De temps en temps la voix s'efface et tremble devant une orchestration un peu lourde, à d'autres moments elle explose intacte dans des morceaux de bravoure qui font monter les larmes aux yeux du public devant cette incroyable, bluffante énergie, comme s'il était soulevé par la musique (je pense à Désormais, que j'adore...). A d'autres moments elle retrouve, dans l'intimité du piano-voix, sa tendresse et son timbre si familiers : Hier encore, Non, je n'ai rien oublié...
"Qu'est-ce qu'une chanson ? interroge-t-il à un moment. Pour moi c'est d'abord un texte - un texte assez fort pour tenir tout seul, sans le soutien de la musique". Et de commencer à réciter, "Lorsque l'on tient entre ses mains Cette richesse d'avoir vingt ans Des lendemains plein de promesses (...) Il faut boire jusqu'à l'ivresse Sa jeunesse..."
Le concert s'est ouvert sur
Les émigrants, imposant immédiatement un silence au-delà de tout commentaire ; et s'est conclu en apothéose, 4500 personnes debout (je pensais aux derniers concerts de Barbara, au Châtelet) sur un triple rappel avec
La Bohème, Emmenez-moi et
J'me voyais déjà -
"Mes traits ont vieilli bien sûr Sous le maquillage Mais la voix est là Le geste est précis et j'ai du ressort...". Je suis sortie très émue, le suis encore ce matin ; je n'étais pas la seule je crois - je sentais les spectateurs touchés, admiratifs, bouleversés par cette force et cette fragilité si étroitement mêlées, et si palpables - ce sentiment d'avoir vécu un moment rare.
PS : Le commentaire de Yoyo, le lendemain :
"Fragile et fort comme... beaucoup de femmes que je connais bien !!! Charles "ébranle" aussi les hommes ! Sans oublier l'émotion que l'on doit ressentir... de le voir si "petit" sur une aussi grande scène !"