26 avril 2011

Bonheurs

Trouver du muguet sur la table en arrivant à la maison des vendangeurs. Rentrer à Paris avec du lilas.
Retrouver les petits et grands cousins, et la joie d'être perdus au milieu des vignes, loin de l'agitation parisienne et de la consommation frénétique.
Emmener les enfants assister au concours d'équitation d'Emilie - dressage, obstacles et cross - en ramener une Zaza émerveillée et partante pour un stage de poney cet été.
Se balader dans les arbres (ramener quelques bleus de l'acrobranches).
Lire au soleil : une biographie de Jeanne Moreau, décevante (la bio, pas Jeanne !). Bienheureuse Infidélité, décidément inspirant. Une nouvelle revue sur la sexualité, pour le boulot, GQ, pour le fun (les rédactrices mode des féminins sont des petites joueuses à côté de leur brigade du style), Nouvelles clés, pour soutenir l'envie de simplifier, élaguer, trier, aller à l'essentiel.
Réunir pour la première fois les six petits-cousins pour une chasse aux oeufs dans le jardin.
Fêter l'anniversaire de ma maman.
Découvrir de nouveaux artistes - L. et son étrange Initiale, et les toniques Brigitte (Irrésistiblement amoureuse c'est emmerdant - irrésistiblement emmerdeuse c'est amusant...).
Avoir la surprise de trouver dans la boîte aux lettres du retour, un délicieux bouquin pour vrais amoureux des livres, Pourquoi lire ? de Charles Dantzig.
Me régaler de la folie douce et sympathiquement incorrecte de Thomas Fersen à la Cigale.
Remettre la Care Box à jour.

14 avril 2011

Malaise dans la civilisation

...pour le mépris de l'humain, de l'intime, mais aussi de la jutice et de la dignité qui éclatent de façon de plus en plus nauséabonde ces jours derniers - en une semaine, le voile, les jurés en correctionnelle, la pénalisation des clients de la prostitution, l'effarante loi sur la psychiatrie, et j'en passe - sans parler des démantèlements de fond de l'éducation, de la santé et de la justice...

Coup sur coup, deux jolis coup de gueule sur ce mépris du sujet : celui de Caubère, dans Libé, sur la pénalisation des clients de prostituées, qui défend vigoureusement le droit à une certaine forme de "gratuité" du sexe tarifé entre adultes consentants - comme espace de liberté, et stigmatise l'obscénité des médias qui mettent en scène les "chasses policières" à des clients nécessairement considérés comme agresseurs - de prostituées nécessairement victimes et décérébrées.

Et dans le Monde celui d'une avocate à la Cour, maître Dosé, qui s'interroge sur la peine hors justice, publique, et sans fin infligée à Bertrand Cantat - une "mise au pilori qui finit par devenir l'instrument d'une dictature de l'émotion, celle des victimes", un "fantasme propre à nos sociétés, celui d'éliminer socialement tout condamné ayant purgé sa peine, de nettoyer le corps social". Bref, des questions qui vont bien au-delà de l'affaire Trintignant. Sans parler de la peine intérieure, elle à perpétuité, d'un homme qui fut violent au-delà de l'imaginable mais n'en reste pas moins un homme, et dont la sensibilité écorchée est bien antérieure au drame ?

Discutable, tout cela ? Mais oui, ô combien, et tant mieux. Ce qui me terrifie, c'est de vivre dans un Etat où l'on n'en discute plus.

08 avril 2011

Lulu in the Sky

Mercredi soir, enfin de retour après une journée de... quatorze heures, je bulle sur le canapé, et ma Zaza n'a toujours pas renoncé au Maman ! Il faut que je te dise... A la cinquième édition, la mère indigne répond, il va falloir que t'aies un truc VRAIMENT intéressant à me dire, sinon... Réponse de l'intéressée : Maman, j'ai INVENTE une constellation. Dessins à l'appui. Ok, ça l'fait...

03 avril 2011

Et il m'a fallu des années avant d'esayer d'imaginer ce que pourrait être d'avoir un père "normal" (...). Ce cliché, il me semble que je l'ai composé à partir d'images auditives, de ce mélange d'assurance et d'enfantillage qu'ont dans la voix les filles-qui-ont-un-père (ou, pire encore, qui écrivent sur leur père). Mais le plus difficile, et le plus intéressant, c'était d'essayer d'en capter l'effet : autour de cette image, le monde était raffermi, recomposé, sillonné de routes droites et claires, et j'avais la sensation précise, quoique fugace, que sur ces routes je pouvais avancer, droite, moi aussi, et ferme, et campée, sans inquiétude ni curiosité, ignorante des marges et des dérives, radieuse et bornée.

J'ai eu un père. Ce père n'était ni un héros, quoique sa vie entière il ait combattu l'ombre en lui, ni un homme ordinaire. Mais il m'a légué un monde héroïque, un monde infini et labile, opaque et foisonnant, plein de chausse-trapes et de coulisses, de bas-côtés et de lignes de fuite, de monstres, aussi, et de spectres plus ou moins arrangeants, et avec ce monde le désir de l'arpenter et de le dire.

Gwenaëlle Aubry, Personne

Qui est un livre magnifique et profond sur la folie et sur l'écriture, sur la douleur des enfants de grands malades psychiques, sur l'élan et la créativité qui peuvent naître de cette proximité, promiscuité avec la souffrance de l'âme.

01 avril 2011

Décadrage

J'aime beaucoup me laisser surprendre par la tournure de pensée d'Elsa, souvent imprévisible...

Elsa s'interroge sur ce que mangent les petits Africains. Léo : En tout cas, ils ont pas de Nutella ! Elsa, pensive : En plus, sur eux, on ne verrait même pas s'ils ont des moustaches...

Nous jouons au Taboo. Je cherche à faire deviner : dolmen. - Obélix il porte des ...menhirs ! Et... l'autre mot ? Elsa : Des Romains ???

Complètement siphonnées : 22h30, je trouve Elsa dans la salle de bains, la ventouse sur la tête. - Bah oui, il faut se débourrer le crâne avant d'aller se coucher, sinon il y a trop d'idées et on ne dort pas bien ! (Tu m'étonnes... lui ai demandé de m'appliquer le même traitement, ça marche très bien.)

Elsa essaye de longs clips d'oreilles en forme de coeur. Lulu : Garde-les, c'est rigolo ! Elsa : Ah non, ça fait "quiche" !

Regret

C'était son dernier jour - menacé d'exclusion, sursitaire, changé de classe, jamais en cours, faisant le mur à chaque occasion, exclu à nouveau, définitivement ce soir, mêlé hier à une histoire de départ de feu dans le collège, puis à une bagarre à coups de livres - j'avais parlé de lui déjà, ici. Je l'avais reçu ce matin - semi-dialogue, la violence du père, qui va enfin faire l'objet d'un signalement mais - trop tard ? - sa colère à lui contre l'Etat - les professeurs, les policiers, les administrations dont le père dépend pour sa carte de séjour - tous ces gens titulaires de droits qu'il n'a pas, et qu'il n'a de cesse d'outrepasser.

Aussi quand il a voulu profiter de ma sortie de l'établissement pour une fois de plus filer en douce, j'ai dit non. Un peu inquiète, un peu en colère, un peu contre lui pour sa toute-puissance, un peu contre l'institution pour son impuissance... Mais je n'étais pas prête à me démarquer de l'équipe éducative, ni prête à prendre la responsabilité de la énième sortie clandestine, toujours susceptible d'amener à la énième ânerie - qui se terminera un jour ou l'autre par la convocation dans un commissariat d'un père violent et sans-papiers - et après ?

J'ai donc résisté à la tentative de charme, et prévenu la tentative de choc - en appelant un surveillant à la grille. Car je le sentais fermement décidé à tenter le passage en force, et ne voyais aucun sens à m'opposer physiquement à cette boule de nerfs et de désespoir de treize ans...

Ce soir pourtant je m'en veux. Qu'est-ce qu'il a d'autre ce môme que sa vitalité, sa capacité à résister, à refuser, à préférer sa liberté ? Quel sens cela pouvait-il avoir, dans ce contexte, quatre heures de consigne supplémentaire ? Est-ce que je n'aurais pas été plus à ma place en lui permettant de quitter à sa manière cette école qui l'exclut et qu'il abhorre ? Est-ce que la position juste n'était pas de délivrer ce message, je comprends que tu sois infiniment en colère, et l'importance pour toi de t'en sortir par toi-même, la tête haute ? Si. Je crois. Si c'était à refaire...