Le premier texte est tragiquement d'actualité, éclaire autrement les débats actuels sur l'accueil des migrants de la Méditerranée : nous n'en sommes pas encore tout à fait là. Mais nous y allons. Le deuxième gagne à être
lu en entier, fait écho : sommes-nous si totalement impuissants ? Nous avons la main sur notre façon de consommer, sur l'éducation de nos enfants ; de nouveaux modèles de consommation et d'échange, de pensée du collectif, se développent. Quelles sont nos priorités ?
Vu aussi La Vague, hier, avec Léo : ça fait froid dans le dos. Parce que toutes les conditions sont réunies pour voir émerger de tels mouvements de groupe. Parce que la démonstration est implacable, et la question, incontournable : et nous, qu'aurions-nous fait ? Là encore, la question de l'éducation se retrouve au centre : ceux qui gardent leur capacité de pensée sont ceux auxquels on a donné cette force-là.
*************************
Welzer montre comment une société peut lentement et imperceptiblement repousser les limites du tolérable au point de remettre en cause ses valeurs pacifiques et humanistes, et sombrer dans ce qu'elle aurait considéré comme inacceptable quelques années auparavant. Les gens s'habitueront (et s'habituent déjà) aux événements climatiques extrêmes, aux épisodes de disette ou aux déplacements de population. Les habitants des pays riches s’habitueront aussi très probablement à des politiques de plus en plus agressives envers les migrants ou d'autres Etats, mais surtout ressentiront de moins en moins cette injustice que ressentent les populations touchées par les catastrophes. C'est ce décalage qui servira de terreau à de futurs conflits.
Comment tout peut s'effondrer, Pablo Servigne et Raphaël Stevens
Notre modèle de société montre son inadéquation, son incapacité à continuer. Si nous nous y accrochons, ce sera le dépôt de bilan planétaire (…) La civilisation moderne est la civilisation la plus fragile de toute l’histoire de l’humanité. Plus d’électricité, de pétrole, de télécommunications et la civilisation s’écroule. Elle ne tient sur rien du tout (…).
Le rôle de l’éducation est souverain : et si on éduquait les enfants au contentement et non à l’avidité permanente ? Une avidité stimulée par la publicité, qui affirme qu’il nous manque toujours quelque chose. Cette civilisation du besoin chronique et permanent, sans cesse ressassé, installe dans les esprits la sensation de manque. Le phénomène de la vie, ce qui fait que nous existons, devrait avoir une place dans l’éducation des enfants (…). Aujourd’hui, les jeunes ne savent pas quelle place ils auront et s’ils auront une place dans l’avenir. Ce système-là peut-il encore perdurer ? Non. Il ne faut donc pas s’illusionner et se raconter des histoires : notre système arrive à ses limites. Il faut maintenant que l’imagination se mette en route, pour en créer un autre.
L’exigence fondamentale, c’est que tout le monde puisse manger, se vêtir, se soigner. Voilà ce qu’une civilisation digne de ce nom devrait pouvoir fournir à tout le monde. Aucun bonheur n’est possible sans la satisfaction des besoins vitaux.
(…) Qui enrichit ces gens-là ? C’est nous. Ils s’enrichissent parce que des gens insatiables achètent de plus en plus, parce que toute une communauté humaine leur donne les pleins pouvoirs. Ils n’existent que parce que nous les faisons exister. Nous donnons très peu de place à ce qui est indispensable, à ce qui amène véritablement la joie. Et nous ne mettons aucune limite au superflu.
Pierre Rabhi, interview Bastamag