10 avril 2025

Ground Control (to Major Tom ?)

Je l'ai fait ! Avec la trouille d'aggraver mon problème (non), des bouchons d'oreille et une migraine ensuite, mais ça en valait carrément la peine. Avec nos 4 chorales parisiennes, plus de 100 choristes (je me demande si un jour on réunira les 10 en France, mais déjà là, c'était magique). Ground Control plein à craquer, ils ont dû filtrer les entrées. J'ai pris beaucoup de plaisir à planer sur les harmonies de Space Oddity et à reprendre Respire encore, alors que ces deux choix de chansons ne m'emballaient pas du tout initialement - la Symphonie des éclairs, très chouette aussi - sur une vidéo du public, on entend distinctement le type dire, "Heureusement que je prends des anti-dépresseurs sinon je serais déjà en larmes", j'adore, meilleur compliment ever !

08 avril 2025

Sourire et pleurer

Parfois tellement de gravité, de confiance, de profondeur, de sourires et de larmes dans une seule matinée de ce boulot... La première a déposé son souhait profond de pouvoir un jour confier à un homme qu'elle rencontrerait la totalité de son histoire aux multiples traumatismes sans que cela ne bouleverse l'équilibre de la relation ; en attendant, c'est dans la sécurité du cabinet qu'elle en a déployé le cours - sans doute encore bien plus complexe que ce qui a été évoqué. Quelques jours après : Je voulais vous faire un message mais je n’ai pas osé, je voulais aussi être certaine que certains démons étaient partis. Un grand merci.

La seconde a égrené les thèmes de la honte - la nôtre ou celle que l'on hérite de nos parents, les questions des transfuges de classe, les échecs réels ou vécus comme tels, l'impression de ne jamais être à sa place - dans le bon pays, la bonne langue, le bon milieu, la bonne carrière. Mais aussi la suspicion peut-être d'un abus oublié dans la prime enfance, qui viendrait frapper à la porte sous forme de cauchemars récurrents, et au travers de l'omniprésence de cette question de la honte, et d'une menace sourde, d'une insécurité précoce.

La troisième, au-delà de la période actuelle difficile pour elle, a partagé spontanément plusieurs expériences spirituelles profondes qui nous ont amenées sur la question de la psychothérapie transpersonnelle, de la possibilité d'une souffrance qui ne concernerait pas seulement notre petit moi mais qui résulte de la coupure d'avec ce qui en nous est plus grand que nous - et des chemins qui permettent de s'y relier. 

Le quatrième... a eu le bon goût d'oublier sa séance, et je l'en remercie - bouleversée, ravie, épuisée, et possiblement incapable de m'engager plus dans la relation ? Non - je sais que j'en aurais trouvé les ressources, mais, à quel prix, ces jours-ci ?

Bonnes questions

Entends-tu le son de ta propre respiration ? De ton coeur qui bat ? De la forêt qui pousse ? Il y a de ces sons qui ne font pas appel à l'oreille. Il y aussi, le son du silence.

Il y a aussi des bruits infernaux qu'on entend sans l'oreille : ceux de nos pensées en boucles.

Pourrais-tu te réfugier quelque part ?

Carsten

05 avril 2025

Sourde oreille

Bon mais ces jours-ci je ne suis pas sûre qu'on soit même à 12/20 - il y a la grande Histoire qui semble foncer dans le mur chaque jour un peu plus vite, la Terre qui brûle, et nos petites vies, l'avenir de mes enfants déjà grands, chacun avec ses questionnements, légers ni l'un ni l'autre pour l'instant. J'ai peur pour ce monde, j'ai peur pour eux.

Et puis ces jours-ci pour moi il y a cette oreille en folie qui démultiplie acouphènes, migraines et vertiges, menaçant à la fois mon exercice professionnel et tellement des choses que j'aime dans cette vie - annulation d'un concert que je me faisais une joie de partager avec Léo et Elsa, peut-être abandon de la chorale (?), sillonner Paris oui mais avec des bouchons d'oreille, aller bavarder avec ceux que j'aime dans un café, un restaurant, c'est non, le niveau de bruit n'est plus tolérable pour le moment. L'ORL dit, il faut vous calmer madame, la fatigue et l'anxiété décuplent vos symptômes - elle est marrante la dame... 

J'ai peur - que ça ne revienne jamais à la normale, des dépenses de santé qui se démultiplient, des résultats de l'IRM avec injection qui se profile, d'être appareillée, de finir chaque journée en pleurant d'épuisement parce que me concentrer sur la parole de mon interlocuteur en luttant contre l'acouphène d'un côté, l'hyperacousie compensatrice de l'autre, c'est infernal.

Il y a pourtant un effet de vérité là - dans ce double mouvement, une envie folle de faire la sourde oreille à toutes ces détresses, de fermer les écoutilles, et en même temps de l'autre côté ça rentre à flots, me submerge et m'abîme. Et puis "Sinon, il y a la vie", comme l'a soufflé François Roustang à Nicolas Demorand. Chercher des premiers secours. Du côté du corps - traitement(s), ostéo, massage. Du coeur - ne pas renoncer aux rencontres, amoureuses, amicales, humaines. De l'âme - chercher le Soi derrière les nuages du mental, cette part intangible et tranquille, ce silence contemplatif - un nénuphar flottant tranquillement entre la terre et le ciel.

04 avril 2025

Santé mentale

La vie est trop courte
pour souffrir sans remède
se ramasser sans demander de l'aide
la vie est trop courte
pour la vivre à demi
devenir son propre ennemi...

Jeanne Cherhal, qui chante... son traitement anti-dépresseur.

Et je me suis déconnecté avec cette idée que ça allait aller. Vraiment.(...) Ca va pas forcément aller, mais on VA y aller (...). Moi j'ai toujours voulu que la vie soit 20/20, j'attendais le moment où ça allait s'aligner pour que ça devienne 20/20 mais je crois que c'est en acceptant que ce soit toujours 12 qu'en fait on se retire la pression de la note.

Panayotis Pascot, cité par deux patients cette semaine.

Et puis Nicolas Demorand, qui assume un matin pas comme les autres sa souffrance psychique devant des millions d'auditeurs "Je suis malade mental dans un monde qui ne sait pas ce qu'est la maladie mentale. Qui pense, d'ailleurs, que ce n'est pas une maladie (...). La maladie mentale, sauf cas extrême, reste prise dans un nuage de mépris, de déni et de morale", écrit-il dans son bouleversant  petit livre Intérieur, nuit. 

Voilà - ça bouge, je crois. Et ça ouvre enfin la parole. C'est beau. 

30 mars 2025

Comme une caresse

- Je me sens belle quand tu me touches...
- Tu es toujours belle. Mais tu es belle quand tu arrives, et encore plus belle quand tu repars... 

J'adore. La délicatesse de ce qui n'est pas dit, et de ce qui pourtant est si transparent... et puis, c'est VRAI (et c'est fou que cet homme qui a si peu de mots dise de temps en temps des choses comme celle-ci.)

22 mars 2025

Ordonnance de joie

C'est une question récurrente dans les métiers du soin, la façon dont nous nous chargeons de toutes sortes d'émotions qui ne nous appartiennent pas. Cette semaine, une drôle de dame m'a offert une image intéressante là-dessus - l'idée que cela repose aussi sur une croyance, celle qu'accueillir/aimer l'autre impliquerait de garder tout ce qu'il nous donne - un peu comme on se sentirait obligé de garder le cadeau moche offert par un proche. Elle dit, vous pouvez retenir l'information, sans garder la charge émotionnelle (ou lire le livre puis le faire circuler, autre comparaison intéressante). 

Et elle a lourdement insisté sur ces idées vaguement révolutionnaires : votre joie n'est pas un détail / votre vie compte autant que celle des autres. Ah, oui ? Une invitation à la joie - pas uniquement au plaisir, mais à la joie, sans enjeu et paisible - quelle que soit la forme qu'elle prenne mais un peu chaque jour. A votre façon à vous - une façon de vous nourrir/recharger par vous-même et pour vous-même. Laissez venir. Créez - pas sur un mode mental ou technique mais spontané. Laissez de la place à l'espièglerie, à la magie, à la légèreté - à ma Fée Clochette intérieure donc. Ça me va très bien, comme prescription !

Ce qui m'aide et me connecte aussi, c'est la culture - récemment, Carmen., époustouflante mise en abîme - féministe de surcroît - sur la création de cet opéra qui fête ses 150 ans, Nos assemblées, jolie réflexion - terriblement d'actualité - sur les façons de faire peuple, On ira, film léger et profond sur la liberté de choisir sa fin de vie, et j'attends avec impatience Coup fatal (musique baroque et danse "sapée" congolaise), mardi prochain, qui devrait être un concentré d'énergie atypique et de bonne humeur. Ah, et puis il y a eu aussi Histoire de Souleymane, bouleversant, et Flow, très joli...

15 mars 2025

Cycles de vie

On considère la visite à sa mère comme un événement privé et banal : il va falloir lui installer WhatsApp parce qu’elle ne comprend rien à son téléphone, l’aider à faire sa déclaration d’impôt, toutes ces activités que l’on juge triviales. Mais si l’on comprend que cette visite s’inscrit dans des cycles cosmiques, elle change de valeur. Votre propre existence, au moment où vous faites ces choses-là, change d’intensité. La visite que l’on rend à sa mère devient une sorte de cadeau métaphysique que l’on fait et que l’on reçoit. Si l’on comprend que notre présence a pour fonction de démontrer sa survie à la mère, de dire : « Maman, je suis là, j’ai survécu à tes défaillances qui m’ont heurté dans ma plus grande vulnérabilité, et, ensemble, nous continuons à survivre », alors cet échange devient tellement chargé de valeur qu’il en est à pleurer de beauté.

Il faudrait, au fond, avoir dans ces moments-là un sentiment comparable à celui que l’on a devant les vagues de l’océan ou devant un coucher de soleil. Or, les vagues, le coucher de soleil, nous ne les observons que comme spectateur. Ce qu’il y a de bouleversant dans le rapport cosmique entre la mère et l’enfant, c’est que l’on y est acteur et actrice. Il permet certaines formes d’amour, qui semblent minuscules, mais ont des enjeux très grands : on participe à quelque chose que j’appelle la régénération. Cette régénération, elle est de très grande amplitude.

Maxime Rovere, interview dans Le Monde

"Emerveillable"

C'est ma grande aptitude. Comme on disait "apte au service militaire", je suis apte à l'émerveillement. En quête. Je me fabrique des étonnements heureux. Je veux toujours voir apparaître le soleil à travers les arbres. 

Je suis sans cesse en recherche de lieux, d'instants qui vont déclencher ma capacité d'enchantement. C'est mon savoir-vivre. Je jubile fréquemment. Ma capacité jubilatoire peut naître sur un coup de vent, sur le ronflement particulier de la mer. 

Certaines lumières m'enflamment. Alors je vibre. Mais ça peut être aussi bien le chant d'une alouette.

Pour un guetteur de ma sorte, il peut y avoir beaucoup de moments pleins de perfection absolue. J'ai l'oeil. Je me le suis fait.

Olivier de Kersauson
De l'urgent, du presque rien et du rien du tout

11 mars 2025

L'Enchanteur

Un lien du coeur inclassable, a diagnostiqué le psy. Ou inc(l)assable ? ou in(c)lassable ? Une bulle multi-dimensionnelle où les catégories amitié-amour-famille-de-coeur n'ont pas vraiment cours, et c'est très bien ainsi. Pas le premier ni le seul, et pourtant tout à fait singulier, autant qu'irremplaçable. J'aime beaucoup ces liens qui libèrent, cette invention permanente en dehors des normes établies de la relation. Cet infini respect de l'altérité. "Peut-être est-ce que toutes les relations devraient s'écrire ainsi - dans ce respect infini de la liberté de l'autre", écrivais-je aussi au début de la relation avec Samir. Peut-être c'est toujours cela qu'on perd et qui nous perd, quelle que soit la relation, et qu'elle soit amicale, amoureuse ou familiale - peut-être est-ce toujours à réinventer. 

08 mars 2025

La beauté du coeur

...il n'est pas de plus grand courage que d'être gentil.

Damien Saez

07 mars 2025

Ouvrants

J'explique à une patiente ce qu'est la "fenêtre de tolérance" - grosso modo, la gamme de situations et d'émotions à laquelle nous pouvons faire face sans en sortir par le haut - agitation, colère, passages à l'acte - ou par le bas - prostration, atonie, dépression. En gros, ce que notre système nerveux est capable d'encaisser sans dérailler. Et là elle me répond du tac au tac - ah oui, moi j'aimerais bien avoir une baie vitrée, et là, c'est plutôt un hublot... 

Cheerleaders

"La force vous l'avez en vous. Votre fragilité est d'en douter, toujours et encore (...) combattez là où vous êtes efficace : dans l'humain... et accompagnez. Vos patients, vos enfants, avec toute la puissante empathie qui est en vous."

"Une des raisons d'espérer c'est ta force et cette bonté en toi, si belle et si puissante (...). Tu es un si joli paradoxe de sensibilité, de fragilité, et de force, et de détermination."

"Tu ressens que tu es seule, ne reste pas coincée là-dedans. Tu es une belle personne, et également communicative. Fais de nouveaux contacts, il y a tellement de gens intéressants. Assure-toi d'être alimentée par une énergie positive (...). You are not all egoistic if you limit to help other people. You are not on this planet only to give and to give. Change this expectation you have on yourself."

"Vous avez des ressources ! Vos enfants, vos patients le savent, Samir et les jumeaux le savent...  il faut que vous en retrouviez le chemin mais elles sont là."

Bon, si avec ça je ne me remets pas debout !!!