29 octobre 2024

Déborder

C'est bizarre, j'ai objectivement connu des moments bien plus durs que celui-ci, mais cette rupture amoureuse semble toucher au cœur de... quoi ? 

Peut-être de ce qu'il y a de très petite enfance au cœur de chaque lien amoureux profond, peut-être de la blessure qui se ravive avec la fin de cette famille adoptée et adoptive, peut-être parce que dans ce chagrin-là il n'y a que moi en jeu et que ça m'autorise à flancher - personne d'autre à soutenir cette fois. 

Peut-être parce l'absence d'une vraie parole sur cette séparation vient répéter d'autres silences. Peut-être à cause de mon coeur qui déborde d'un amour encore bien vivant mais qui ne trouve plus où se poser.

Peut-être simplement c'est le cumul des dernières années, une fois retiré ce filet amoureux qui m'avait rendue si heureuse depuis bientôt trois ans...

...alors, je reste en mouvement bien sûr - déjeuners ou dîners amicaux, le concert d'Arthur Teboul et celui de Nawel, le massage à quatre mains offert par Laurence et Denis, d'autres projets encore. Et surtout, c'est nouveau, je m'autorise à ne pas faire semblant. A appeler. A demander de l'aide et/ou de la présence. A pleurer aussi souvent que nécessaire, et c'est nécessaire tous les jours. A avoir (un peu) moins peur de peser sur l'autre, à ne pas (trop) juger de la légitimité de ma peine. 

Et tout est dans ce (un peu) ou ce (trop). Oui, c'est "juste" un chagrin d'amour. Ou plutôt d'amours. Mais... s'il me permet de baisser un peu la garde, et d'accepter d'être parfois fragile, bien plus que je n'en ai l'air, alors peut-être que ça en vaut... la peine.

PS : un autre regard : Vouloir se rencontrer à l’aide d’un autre qui souhaite se fuir, revient à se choisir un bourreau qui viendra décharger tout ce qu’il refuse de rencontrer à son sujet dans l’espace que nous lui offrons, et qui est à la mesure d’un amour qu’il ne peut contacter en lui.

Cet espace devient alors une abyssale crevasse laissée en plein milieu de notre poitrine par la rupture, devenue inévitable face à notre incapacité de transmuter sa fuite en rencontre.

Stephan Schillinger

24 octobre 2024

Sourire

On n'est pas fort de sourire. Le véritable courage, c'est de faire en soi un espace à la peine. Un lieu immatériel où elle peut s'exprimer. L'autoriser à habiter le coeur et les pensées. Sans la laisser tout coloniser. Juste à sa place. A sa juste place. La vivre comme elle vient, quand elle vient (...). Son sourire d'aujourd'hui ne nie pas sa peine. Au contraire, il la révèle. Il dit la cohabitation des sentiments. Non pas la lutte de puissances que l'on croit s'opposer, mais leur compagnonnage apaisé. Elle peut vivre la joie parce qu'elle sait pleurer dans le noir. 

Anne-Dauphine Julliand, Ajouter de la vie aux jours

23 octobre 2024

Submergée

Mais – il y a une part incontrôlable dans ce chagrin. Un truc enfantin, viscéral, quelque chose du tout-petit qui panique, un arrachement – un chagrin déraisonnable, qui me fait mal physiquement, me donne la nausée, me fait perdre pied et m'effondrer en gros sanglots, quand c'est possible, et ravaler mes larmes le reste du temps. 

Un truc insensé qui cherche ta présence tout le temps, me balance à la gueule tellement de souvenirs magnifiques, et puis tu es partout, depuis que je vis ici, dans chaque pas que je fais dans la rue, dans chaque détail de ma maison. Un truc qui me retourne le cœur dès qu'on me parle d'amour, de sexualité, de famille, de liens brisés, d'incompréhension, de solitude, et je suis payée à ce qu'on m'en parle tout le temps.

Et il y a les premiers secours envoyés par les amis. Celui qui dit, cet homme ne peut pas vous rendre cela, et faire vivre cet amour avec un minimum d'équilibre et de réciprocité entre vous deux, et il le sait. Ses colères sont en fait tournées vers lui-même, car il se sait impuissant à changer. Cette autre qui évoque la petite fille qui tambourine devant la porte d'une mère effondrée - ce n'est pas qu'elle ne t'aime plus pourtant, c'est qu'elle n'est pas en capacité de manifester son amour. Celui-ci encore, qui m'écrit, Arrête de voir des belles choses dans les failles des autres, arrête ! Et cet autre qui me transmet un article qui au titre évocateur, Rescuing the rescuer. 

21 octobre 2024

Un regard perdu

Et puis le lendemain, je suis partie avant le jour à Strasbourg, pour une audience avec le juge des tutelles dans l'EHPAD où réside désormais mon père. Là aussi, mission accomplie, nous les enfants prenons la main... mais tout était trop pour mon coeur, la désorientation si visible de Gene, les larmes de Clara essayant de dire à notre père que celle-ci n'est plus en état de prendre soin de lui, la colère rentrée de Cyril - sa façon à lui de gérer son anxiété je pense.. 

Et surtout le regard perdu de Patrice, incapable de répondre à une question du juge, puis prenant lentement conscience, après le départ de celui-ci que quelque chose s'est passé - quelque chose dont il ne saisit pas les enjeux, mais dont il interprète que ce ne peut être que contre lui... ses derniers mots auront été l'expression de sa déception, il s'est fermé, nous l'avons raccompagné non sans mal dans le service. 

J'ai souri tristement à l'aide-soignante qui l'a aidé à s'installer à table, elle m'a dit, vous avez le même sourire que votre papa - il y a eu un éclair de douceur dans ce mot spontané, et l'idée que peut-être alors, il lui arrive encore de sourire. 

20 octobre 2024

We did it !


Comme dans le dessin animé que les enfants regardaient autrefois, cette petite Dora qui devait franchir des épreuves, résoudre des énigmes. On l'a fait et tout le monde a fait le job, famille et amis, parce que l'important, c'était cette belle fête, pour Léo. Le mot de Grand-Mère, la chanson de YoYo, la présence, pour la première fois depuis longtemps de ses deux parents pour lui. 

Hello , les Amigos
Je vais me faire le héraut du héros Léo
Petiot, quand nous le gardions , avec Yoyo,
Il fallait compter les " dodos" !
N'aimant pas l'eau , pour la douche, fallait le chrono !
C 'est, n'est-ce-pas Elsa, un excellent frérot ?
Puis, aux sports accro, il s'est fait des abdos
Plus beau que le lavabo, il est devenu coeur d'artichaut !
Par la suite, voyages à gogo, études avec brio
Now, banco pour le bio
Il ira haut... peut-être, jusqu'au CHÂTEAU ?...
BRAVO Léo , notre écolo !!

Moi aussi, j'y suis allée de mon petit mot, tissé de ses mots d'enfant retrouvés ici même dans la Care Box. J'ai accroché mon plus beau sourire, essayé d'oublier l'absence de Samir et des jumeaux, bu un petit peu trop de champagne, et... we did it.

08 octobre 2024

Ailes

Tu m'as donné des ailes. Et je suis terrifiée à l'idée de marcher à nouveau seule sur cette Terre désormais. 

Mais : merci pour les ailes, c'était magnifique. Et merci pour hier, c'était tellement important pour moi de ne pas rester dans la colère, l'incompréhension et le silence. De dire merci. De dire je t'aime,  même si ça doit prendre une forme différente aujourd'hui.

(Ne pas oublier : mesurer ce que ça représente pour lui, d'avoir accepté de suspendre la fuite en avant, d'essayer de mettre des mots, dans la mesure de ses possibilités. De prendre le temps de m'écouter - d'accueillir une longue déclaration de gratitude, d'amour et de chagrin infinis. De dire lui aussi merci, de reconnaître ce que nous nous sommes donné l'un à l'autre, sur tous les plans, depuis presque trois années. D'évoquer ses fragilités, et ce pourquoi il lutte - un mode de survie dans lequel il n'y a pas de place pour moi, ni pour lui d'ailleurs. De m'ouvrir ses bras pour que je m'y endorme, même en larmes, une dernière fois).