21 novembre 2025

Va, Tosca


Il n'y a pas eu tant de transmissions de mon père, mais je peux lui reconnaître celle-ci, son goût pour l'opéra. Quelle chance de découvrir enfin Tosca, que j'ai beaucoup écouté, sur une scène aussi prestigieuse que l'Opera Bastille, avec rien de moins que Roberto Alagna comme ténor... c'était magnifique. Un vrai privilège que d'assister à la générale, avec une excellente vue sur la fosse d'orchestre (et d'y apercevoir Jean-Charles juste devant la cheffe d'orchestre).

13 novembre 2025

Le Noeud

Il est là constamment ces jours-ci. Coincé dans la gorge, la plupart du temps. Plus ou moins serré, plus ou moins volumineux - et le plus souvent il est impossible de distinguer le fil du chagrin du fil de l'anxiété - auxquels s'entremêlent parfois ceux de la colère et de l'impuissance. Il n'est pas nouveau, mais ce qui m'inquiète, c'est cette constance inhabituelle. Les réveils multiples. Les larmes à fleur de peau, pour un oui ou pour un non. L'ampleur du découragement. D'habitude ça va ça vient, je peux l'oublier des semaines, prendre un peu de recul, dédramatiser, me ressourcer. 

Parfois il monte à la tête et se transforme en migraine ou en nausée - ou me met en apnée, dans l'incapacité de prendre une respiration profonde. Mais je ne suis pas dupe, le corps va bien, c'est la tristesse qui s'enkyste, jusqu'au moment où le barrage craque - une soupape bienvenue de temps en temps. 

Double care

Interview dans Folie Douce de Nadège Erika, mère d'un jeune adulte en souffrance psychique et travailleuse dans le médico-social...  

"- C'est comme si elle, ma grand-mère, moi ou mes narratrices, ou tout un tas de femmes que je croise au boulot on avançait sur une deux fois deux voies, on fait deux fois notre boulot, le care dans la vie quotidienne - la vie familiale, personnelle, privée, intime, et le care dans notre vie professionnelle et on avance deux fois en parallèle et comme ça on est deux fois nous.

- Et sur ces deux voies-là vous êtes invisible et personne ne parle de ce que vous faites."

Elle dit très bien, l'indicible de la souffrance psychique - là où pour un autre enfant lui en souffrance physique elle a obtenu soutien et compassion, et l'invisible de ces métiers du care -  parce qu'il n'y a rien de glamour à s'occuper des pauvres, des malades ou des fous. Et la solitude des aidants. Et le fait que les aidants du quotidien soient, dans leur immense majorité, des aidantes.

L'appli qui propose une transcription des podcasts avait écrit, "le coeur dans notre vie quotidienne (...) et le coeur dans notre vie professionnelle", et ça résonne tellement juste... ce coeur qui s'épuise et puis repart, jour après jour. J'aime bien aussi cette phrase suspendue, "on est deux fois nous", qui dit si bien l'engagement du soi, la porosité des espaces parfois.

09 novembre 2025

Relier relire


Je me relie - à cette somptueuse nature d'automne, à Guilou que je n'avais pas vue depuis longtemps, aux craquements du feu dans la cheminée, à la présence tranquille des animaux, et à moi-même dans cet espace-temps où il n'y a rien d'autre à faire que de goûter le silence ou une parole pleine, comme j'en ai avec peu d'autres personnes. Nous relisons ensemble - les mois écoulés, le tissu de nos vies ou de celles de ceux qui nous entourent - et nous partageons nos questions, nos projets ou nos émotions - parfois ça déborde, parce que ce que nous mettons à distance ou sous des tapis épais nous rattrape dans l'avènement de cette parole, et c'est très bien ainsi. Fireplace is a safe place. Une place qui réchauffe, transmute, fait place nette pour repartir affronter ce qui suit.

02 novembre 2025

Ecrire...

Ecrire. Ecrire pour obéir au besoin que j’en ai.

Ecrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.

Ecrire pour ne plus avoir peur.

Ecrire pour ne pas vivre dans l’ignorance.

Ecrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.

Ecrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.

Ecrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m’aimer.

Ecrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.

Ecrire pour déterrer ma voix.

Ecrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m’unifier.

Ecrire pour épurer mon œil de ce qui conditionnait sa vision.

Ecrire pour conquérir ce qui m’a été donné.

Ecrire pour susciter cette mutation qui me fait naître une seconde fois.

Ecrire pour devenir toujours plus conscient de ce que je suis, de ce que je vis.

Ecrire pour tenter de voir plus loin que mon regard ne porte.

Ecrire pour m’employer à devenir meilleur que je ne suis.

Ecrire pour faire droit à l’instance morale qui m’habite.

Ecrire pour retrouver – par delà la lucidité conquise – une naïveté, une spontanéité, une transparence.

Ecrire pour affiner et aiguiser mes perceptions.

Ecrire pour savourer ce qui m’est offert. Pour tirer le suc de ce que je vis.

Ecrire pour agrandir mon espace intérieur. M’y mouvoir avec toujours plus de liberté.

Ecrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.

Ecrire pour m’inventer, me créer, me faire exister.

Ecrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.

Ecrire pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.

Ecrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter qu’elle ne demeure comme une terre en friche.

Ecrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.

Ecrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de le révéler à lui-même. De l’aider à se connaître et à cheminer.

Ecrire pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.

Ecrire pour que me soient donnés ces instants de félicité où le temps se fracture, et où, enfoui dans la source, j’accède à l’intemporel, l’impérissable, le sans-limite.'

[Charles Juliet ; extrait de « Ecrire », dans Il fait un temps de poème, anthologie d’Yvon Le Men, Filigranes éditions

Ecrire mais quoi ?

Écrire parce que ça fait longtemps, écrire parce que j'ai l'impression de danser au-dessus du vide, et que je n'écris plus, ne pense plus. L'impression de laisser les algorithmes me manger le cerveau, même ceux supposés avoir une plus-value culturelle (et ne parlons pas des autres), de laisser « l'imaginaire du plein », comme l'écrivait Bobin, me faire disparaître petit à petit.

De rebondir comme une balle de ping-pong entre mon impuissance à grande et à petite échelle – ce monde affolant, l'avenir de mes deux enfants et en particulier celui d'Elsa, sa souffrance que nous ne nommons ensemble que rarement – à quoi bon aller se taper la tête contre les murs – et l'épuisement professionnel, vaguement culpabilisant – plus le temps ni l'argent pour me former, et prendre du recul ou mieux, de la hauteur. 

De me relever et d'y aller quand même, collectionner des moments, des sourires, des caresses, de la beauté, et puis replonger en apnée, suffoquer jusqu'aux quelques prochains jours de répit, de nature ou de mer, et puis essayer de n'oublier personne et n'en faire pourtant jamais assez. Si l'avenir est si incertain, que faire d'autre que d'enfiler quelques brefs instants étoilés à chaque fois que c'est possible ? 

Et en même temps, je ne suis pas dupe. Ça ne suffit pas. Ça ne peut pas suffire. Il faudrait ralentir la course. Prendre du recul. Et des décisions raisonnables. Prévoir. Organiser. Définir des objectifs. Pas l'énergie, ni l'envie de renoncer à la poésie intermittente, ni suffisamment la conviction que nous ayons tant que ça la maîtrise de quoi que ce soit, dans ce monde.

Je fais comme si, et contourne sans cesse l'éléphant dans la pièce qu'est le handicap d'Elsa – le bug dans la matrice, le truc qui fait dérailler l'ordre des choses, les enfants grandissent, et s'en vont essayer de faire un petit mieux que nous, a minima finissent par trouver les moyens du chemin qui sera le leur. Et là... on ne sait pas, avec une gamine bien trop maligne pour ne pas s'en rendre compte, ce qui est un crève-cœur de tous les instants – pour toutes les deux. Il n'y a rien de normal dans notre quotidien... mais je suis la gardienne de la flamme, du « on trouvera des solutions » - alors on fait comme si, et on invente des moments comme autant de cailloux de Petit Poucet, un concert, un voyage, un achat futile, des retrouvailles amicales – et on laisse aussi dans l'ombre les angoisses matérielles – l’argent, la santé, aujourd'hui ça tient à peu près, demain sera un autre jour.

Je me console – par rapport à tant d'autres dans ce monde, je reste tellement privilégiée. Assez d'argent pour le nécessaire et même pour un tout petit peu de superflu (mais sans filet), l'accès à la culture qui me sauve de tant de choses, des cercles multiples, la tendresse funambule de Samir – mon fragile point d'équilibre. Je me console, parce qu'il n'est pas d'humains dans ce monde qui n'aient l'expérience du deuil, de la maladie, du handicap, et que c'est juste la vie quoi, le bordel, comme le chantait Higelin.

Je me console – quand la solitude me pèse, et que j'aimerais un homme à mes côtés, ou qu'un père ou un beau-père manquent tellement pour mes enfants, et me rappelle que vivre à deux n'est pas l'assurance de ne pas se sentir seul, et que j'ai choisi de ne pas rester dans des faux-semblants précaires. Je me console, en devinant que le couple n'est pas la réponse à tout, et que je suis aimée de multiples façons, amoureuses ou amicales, dont aucune ne repose sur un devoir ou un contrat, et que c'est un privilège.

Je me console, quand un rayon de soleil vient illuminer mon petit chez-moi ce dimanche matin, que le thé brûlant sent bon et que les chats dorment tranquillement près de moi.

27 octobre 2025

Lu et approuvé

"En matière de psychiatrie, évidemment qu'il faut agir conformément aux données de la science (...) et en même temps le coeur de l'exercice a trait au récit d'une personne, et rien n'éduque mieux à la compréhension et à la perception d'un récit que la littérature, donc pour moi, un psychiatre c'est à la fois un scientifique ET un littéraire, ou plus exactement c'est quelqu'un qui ne maîtrise ni l'un ni l'autre parfaitement mais qui s'efforce de tenir l'un et l'autre, un peu comme il faudrait tenir un grand écart."

Raphaël Gaillard, interviewé par Eva Bester dans la 20e heure

Ca me fait tellement plaisir, à moi qui dis si souvent que mon outil de travail, ce sont les mots, que la psychothérapie consiste - entre autres choses - à écrire un nouveau récit à quatre mains, et qui m'autorise régulièrement à partager une lecture ou une citation, quand elles me semblent pertinentes. Et qui ressens au quotidien combien ma pratique - et ma façon d'être au monde par ailleurs - sont profondément nourries de toutes mes lectures, depuis aussi loin que je peux me souvenir. 

25 octobre 2025

Petit grain

Le vrai charme des gens, c'est le côté où ils perdent un peu les pédales. C'est le côté où ils ne savent plus très bien où ils en sont. Ca ne veut pas dire qu'ils s'écroulent au contraire, c'est des gens qui ne s'écroulent pas mais, si tu ne saisis pas la petite racine ou le petit grain de la folie chez quelqu'un, tu ne peux pas l'aimer.

Gilles Deleuze

23 octobre 2025

Tout simple


 Tout simple, tous les trois, tout doux, anniversaire de Léo, 1er round !


Et 2ème round, quelques jours plus tard...

20 octobre 2025

Enfants de choeur

Ca me traverse, en ce moment, les questions du collectif et du local. A terme, autour de l'engagement associatif, politique, peut-être. Pour le moment, il y a déjà ce petit collectif de la chorale, qui réunit à la fois le bonheur de chanter, le soutien du Pot Commun, et le tissage de liens de voisinage. Le groupe de l'année passée était très chouette, les nouveaux sont vraiment sympa aussi, et on est déjà tellement bien ensemble - et conscients que c'est précieux, une bulle d'oxygène dans nos semaines - qu'on se retrouve même les semaines où il n'y a pas répétition ! Ici, pour faire un karaoké, et l'année dernière, souvent au bar du coin. 

C'est nouveau ce sentiment d'appartenance (je ne me souviens pas l'avoir eu à Paris), croiser des têtes connues au ciné, au théâtre, au marché, à la librairie, à la médiathèque - bien souvent ce sont les mêmes, intérêts communs et valeurs identiques, dans ce petit centre-ville j'ai l'impression d'y être comme chez moi.

Et puis maintenant, il y a l'idée d'un karaoké full Starmania avec les plus fous d'entre eux, et ça c'est du projet !

10 octobre 2025

Jeanne

Concerts du Festival de Marne : super programmation et petites salles, donc places bien meilleures et bien moins chères qu'à Paris : je ne pouvais pas rater Jeanne Cherhal, dont j'ai aimé chaque album. Je n'ai pas été déçue, c'était un concert généreux qui nous a baladés dans toute sa discographie et ses multiples facettes graves ou rieuses, engagées ou coquines. Jeanne est un lutin plein de surprises, qui bondit sur le piano double et s'invente en showgirl façon cabaret, peur de rien, j'adore !

05 octobre 2025

Retrouvailles


L'année prochaine, ça fera 20 ans qu'on se retrouve une fois par an, et qu'on se raconte nos vies, qu'on marche dans nos pas - joies, drames, étapes de vie, petits et grands soucis, projets et rêves. Et des projets, ils n'en manquent pas ! Le dernier en date, Joëlle part faire un trek sur l'Annapurna pour ses 70 ans, voilà, faut pas (toujours) avoir peur de prendre de l'âge, Laurence est un courant d'air, nouvelle vie amoureuse, ateliers de massage, festivals de musique, projets d'habitat partagé, Eric se réinvente en AESH (après chef d'entreprise, faut le faire), je ne sais pas encore ce que fera Isa mais je suis sûre que cela va nous donner des idées, à Céline et à moi.

Cette année j'étais ravie de les accueillir à la maison, de partager des choses très simples - faire le marché, une balade au parc, une après-midi jeux au Pot Commun, un tour au MacVal - pas besoin d'aller loin ou de faire de grandes dépenses, juste être ensemble, ça suffit.