15 mars 2025

Cycles de vie

On considère la visite à sa mère comme un événement privé et banal : il va falloir lui installer WhatsApp parce qu’elle ne comprend rien à son téléphone, l’aider à faire sa déclaration d’impôt, toutes ces activités que l’on juge triviales. Mais si l’on comprend que cette visite s’inscrit dans des cycles cosmiques, elle change de valeur. Votre propre existence, au moment où vous faites ces choses-là, change d’intensité. La visite que l’on rend à sa mère devient une sorte de cadeau métaphysique que l’on fait et que l’on reçoit. Si l’on comprend que notre présence a pour fonction de démontrer sa survie à la mère, de dire : « Maman, je suis là, j’ai survécu à tes défaillances qui m’ont heurté dans ma plus grande vulnérabilité, et, ensemble, nous continuons à survivre », alors cet échange devient tellement chargé de valeur qu’il en est à pleurer de beauté.

Il faudrait, au fond, avoir dans ces moments-là un sentiment comparable à celui que l’on a devant les vagues de l’océan ou devant un coucher de soleil. Or, les vagues, le coucher de soleil, nous ne les observons que comme spectateur. Ce qu’il y a de bouleversant dans le rapport cosmique entre la mère et l’enfant, c’est que l’on y est acteur et actrice. Il permet certaines formes d’amour, qui semblent minuscules, mais ont des enjeux très grands : on participe à quelque chose que j’appelle la régénération. Cette régénération, elle est de très grande amplitude.

Maxime Rovere, interview dans Le Monde