25 juillet 2009

Franchir le pas

Entre le premier aspect, la première formulation : « il est important de satisfaire une certaine attente » et la deuxième formulation : « ce n’est important que pour nous », il y a un gouffre, une faille par-dessus laquelle il nous faut sauter. Cette faille nous menace, il faut que nous la franchissions. C’est ça le pas à franchir ! Cette faille pourrait s’exprimer par « ça n’a aucune importance ». Entre « c’est important pour l’autre » et « ça n’est important que pour nous » il y a ce passage menaçant, ce passage devant lequel bon nombre de gens échouent, ne fût-ce que provisoirement, ce passage du « ça n’a pas d’importance ».

C’est un piège. Le piège de la dépendance, le piège qui s’illustre dans ce que je vous rappelais tout à l’heure de la fonction du témoin. Tout se passe, au moment de ce piège ou de la chute dans ce piège, dans cette béance, tout se passe comme si notre existence n’avait de d’intérêt qu’à être valorisée par un autre désirant, par un témoin (…) comme si notre désir n’avait de valeur, n’avait d’importance que parce que justement un autre comptait sur nous, que c’était en fait le désir d’un autre. (…) Suivre son propre désir, c’est témoigner envers soi-même de l’aptitude à un risque qui, lui aussi, comporte la mort. Mais l’aliénation vise à une garantie de vie qui prolonge peut-être l’existence mais au détriment du sujet.

Lucien Israël, Marguerite D. au risque de la psychanalyse

Nosographie

L’obsessionnel, répète, l’obsessionnel essaie que rien ne change, tente que rien ne change par opposition du coup à l’hystérie qui va s’avérer créatrice. Le démon créateur que l’on peut repérer chez chacun a ceci de démoniaque qu’il passe son temps à tenter de rompre les amarres. Rompre les liens qui nous rattachent à un certain passé et qui nous obligent à remplacer ce passé mythique par une création nouvelle. Ce qui fait que l’hystérie n’est une névrose que du point de vue de la stabilité obsessionnelle ou, à la limite, de la certitude délirante. Si l’institution est fondée sur la stabilité, sur l’absence de risques, il est évident que la création hystérique va, elle se fonder sur le risque. Il n’y a de création que s’il y a possibilité de ratage. L’obsessionnel, dans les bons cas, ne rate que ses actes manqués.

Lucien Israël, Marguerite D. au risque de la psychanalyse

Amour

La solution qui serait à inventer ce serait celle d’un lien sans contrainte, c’est-à-dire la transformation d’un lien en une relation. La solitude évoquée plus haut (…) devient disponibilité créatrice, mais elle ne s’acquiert qu’au prix de l’arrachement à cet objet, qu’au prix de l’arrachement et du renoncement à ce reflet de soi-même, pour être capable de construire dans ce lieu ou à ce lieu laissé vide, pour être capable d’inventer quelque chose qui n’était pas prévu au programme. (…) …comme si l’amour n’existait que conformément à une représentation idéale valable pour tous ? Alors qu’il n’y a d’amour que dans la mesure où une certaine création permanente, donc paradoxale, donc violente existe, sinon cette création disparaît, on vit l’amour des autres. Ce qui serait peut-être un symptôme à étudier, à moins que des autres parentaux nous obligent à vivre l’amour qu’ils n’ont pas su créer.

Lucien Israël, Marguerite D. au risque de la psychanalyse

23 juillet 2009

Thérapeutique

« Nombreux sont les cas où le retour à la santé d’un enfant anxieux peut être hâté par une position et un comportement de compréhension, ce qui veut souvent dire observation non intervenante d’un médecin non angoissé. » D.W. Winnicott

Le dessein de l’organisme était, selon Freud, de mourir à sa façon. Winnicott, qui allait développer un sens tout à fait différent de ce qu’est une vie, ajouterait à cela que le dessein de l’individu était de vivre à sa façon, ce qui, pour lui, incluait l’acte ultime, non conforme, d’être en vie quand il mourrait. Adam Phillips, Winnicott ou le choix de la solitude.

Une biographie mais aussi revue critique à lire absolument, comme invitation à la liberté et à la créativité cliniques, au non-empiètement comme thérapeutique, à la défense inconditionnelle de l’intime intimité comme signe de notre absolue singularité et comme irremplaçable moteur de notre croissance psychique.

21 juillet 2009

Rétrospectif

Pourquoi suis-je aussi triste, quand je repense à ce temps-là ? Est-ce le regret du bonheur passé ? (…) Est-ce de savoir ce qui vint ensuite, et que ce qui se révéla ensuite était en fait déjà là ? Pourquoi ? Pourquoi ce qui était beau nous paraît-il ensuite détérioré parce que cela dissimulait de vilaines vérités ? (…) Parce qu’on ne saurait être heureux dans une situation pareille ? Mais on était heureux ! Parfois le souvenir n’est déjà plus fidèle au bonheur quand la fin fut douloureuse. Parce que le bonheur n’est pas vrai s’il ne dure pas éternellement ? Parce que ne peut finir douloureusement que ce qui était douloureux, inconsciemment et sans qu’on le sût ?

Bernhard Schlink, Le liseur

20 juillet 2009

Mots d'été

Elsa : Mais Maman l’oursin c’est pas le petit de l’ours ???

Elsa pleurniche : Je me suis cassé le genou ! Léo : Dommage que tu ne te sois pas cassé la langue…. Elsa : Ca se peut pas la langue c’est un mollux (sic) !

13 juillet 2009

Impacts

Après l’Odyssée de l’an passé, un nouveau voyage commence… Ne rien raconter, pour ne pas trahir la créativité des propositions de Patrick et de Cathy (pour en savoir plus, c’est ). Mais donner envie… Un voyage en trois escales – la finitude, l’agressivité, le désir – quelle meilleure ouverture à ce temps de vacances, de vacance, avant la prise de nouvelles fonctions, l’expérience d’une nouvelle alliance ?

Ce qu’il en reste – des visages, un immense sentiment d’amour et de gratitude, de réconciliation, avec moi-même et avec l’humanité – à travers ces humains en quête, fragiles, impliqués, courageux, chancelants, magnifiques. Ca m’évoque le sketch de Nougaro sur la plume d’ange – qu’un seul humain te croie avec ta plume, et le monde sera sauvé – alors, avec trente humains comme ceux-là, que n’est-il pas permis d’espérer !

Et encore, un mot, sur une carte de tarot : Richesse – avec immédiatement, ces questions : ce dont je me sens riche aujourd’hui, qu’est-ce que j’en fais ? Et aussi – comment je le partage ?

Impacts, ce sont aussi des phrases – inscrites sur un tableau : Que ta parole soit impeccable… Quoi qu’il arrive, n’en fais pas une affaire personnelle… Ne fais pas de suppositions… Fais toujours de ton mieux… Fais passer ton ressenti avant ton besoin de comprendre… Remplace la parole par un geste… Honore le silence.

Mais encore, des phrases vivantes, encore portées par les voix qui les prononcèrent : M’ouvrir ou mourir… Tu coupes et t’en rejoues… Ce serait la maison du bonheur, même à fort loyer je suis preneur… Qu’est-ce qu’on s’emmerde avec la parole de l’autre (sur notre vulnérabilité face à la sexualité)… La femme en toi mais encore la mère, la fille, l’amante, la pute, la sainte… (en écho, « moi je suis une femme, mère, fille, amante, salope – oui, salope – et ce que je voudrais, c’est dire aux femmes que je les aime, peut-être encore plus que les hommes, et que les hommes ici rendent hommage à cette femme sacrée en nous »)… Ne pense pas trop vite en ou/ou – n’insulte pas l’avenir… Rappelez-moi au désordre – ces stages ça fout le bordel dans ma vie !

OUI. Et du bordel comme ça j’en veux bien encore – j’en veux bien autant qu’il y en aura, j’en veux bien chaque été parce que ça me nourrit tout au long de l’année qui suit, parce que ça me pousse en dehors de mes retranchements, parce que ça me fait VIVRE.

11 juillet 2009

Jours sans enfants

Ce qui signifie, le temps de paresser, de flâner dans Paris comme si nous découvrions la ville – à Vélib, l’expo Cartier-Bresson à la MAP, le village Saint-Paul où nous sommes tombés sous le charme d’une calligraphe japonaise, les cocktails du Pub Saint-Germain et le tartare parfait du bistrot Pères et filles, la bonne humeur contagieuse du film Good Morning England – à pied, le retour tranquille à la maison. Même pas, l’envie de voir des amis – à deux, comme pour une nouvelle rencontre.

07 juillet 2009

Fêlure

There’s a crack in everything, that’s how the light gets in. Leonard Cohen, 75 ans, élégance totale. Ecouter le Live in London, pour les orchestrations sensuelles, définitives. Ce qui n’est pas sans m’évoquer la phrase d’Audiard, qui portait dans son coeur les fêlés, parce qu’ils laissent passer la lumière…

03 juillet 2009

Impalpable

Pour être tout à fait juste en cette période, il faudrait mettre aussi dans la Care Box des instants qui ne se laissent pas facilement saisir avec des mots... Des échanges amicaux, profonds - de ceux qui nous font sentir plus vivants, d'être en contact avec la même vie, le même désir, le même appel chez l'autre. Une terrasse près de Bastille, et l'autre, au pied de Montmartre. Des bonheurs de famille - un rythme différent, le temps d'aller à la piscine, au cinéma, de faire des cabanes dans le salon et d'y dormir... Le constat qu'à situation égale par ailleurs, la lumière change contamment, et parfois du tout au tout selon les heures - nuées d'orage, pluie interminable et grise, vent déchaîné ou rafraîchissant, grands ciels dégagés et ensoleillés.

02 juillet 2009

Whatever works

...vivons n'importe quoi qui marche, qui rend heureux - serait-ce du n'importe quoi tout court aux yeux des autres. Telle est, en substance, la devise de ce film pour aujourd'hui, où n'agit plus aucun remède universel. C'est une devise pragmatique, qui a de quoi étonner chez un supposé intello comme Woody Allen - il aimait autrefois se peindre en idéaliste malmené par la vie. Et comme ce qui marche un moment ne marche pas toujours, c'est aussi un éloge vivifiant du mouvement, du provisoire, du hasard (...).

Whatever works - à la condition de ne blesser personne, comme le dit Boris, le personnage principal - qui, bien que soi-disant misanthrope avéré, ajoute aussi qu'il est absurde de refuser la plus petite opportunité de recevoir mais aussi d'offrir de la joie dans cette vie. Hédonisme forcené ? Pessimisme pragmatique (notre condition de mortels restant la trame de fond du film) ? Je ne sais pas. Mais nous en sommes sortis le sourire aux lèvres - au-delà des situations énormes, des répliques savoureusement décapantes - à voir en VO, du happy end même pas obligé, quelque chose sonne profondément juste là !