To care : j'aime ce mot, qui dit à la fois la précaution, l'attention, la responsabilité, le souci, l'importance, le soin. Care box : un néologisme pour quelque chose comme, boîte à attention (littéralement en anglais imaginaire, trousse de secours).
26 mars 2011
Voyage
25 mars 2011
Message reçu
23 mars 2011
Journée de (la) femme
Dans quel monde vivons-nous pour trouver forcément anormal que la première réaction d'une adolescente qui se découvre enceinte – avant que les contraintes de la réalité ne la rattrapent – soit la joie ?
Dans quel monde vivons-nous pour qu'une autre soit si seule avec une grossesse devenue hors délai d'IVG qu'elle ne trouve pas d'autre issue que de se faire rouer de coups pour que « l'enfant passe », comme on dit (et de la mort de quel enfant s'agit-il alors) ?
Et celle-ci, qui revient des mois après son avortement, parce qu'elle n'a trouvé personne – ni mère (probablement déprimée), ni père (vraisemblablement alcoolique), ni petit copain (qui la trouve « prise de tête »), ni frères et soeurs (ils sont pourtant quatre, même si elle est la dernière encore à la maison), ni camarades de classe, ni aucun autre adulte que la dame du Planning pour dire qu'elle n'en peut plus ?
Qui sont ces femmes qui arrivent lourdes d'une histoire dans laquelle la sexualité n'a jamais été synonyme d'autre chose que de douleur – au mieux d'indifférence – maltraitées par elles-mêmes car elles se forcent, par leurs compagnons aveugles ou complices, ou vite lassés, par les médecins qui multiplient les examens inutiles et invasifs quand ils ne prescrivent pas des séances de kinésithérapie périnéale – et qui bien souvent, ne sont pas moins hermétiques à une approche psychique tant elles se vivent comme des machines défectueuses, et non comme les êtres complexes, ambivalents et souffrants qu'elle sont ?
Mais il y a aussi...
Cette patiente pourtant gravement atteinte, qui s'est autorisée une toute première expérience sexuelle à la faveur d'un voyage à l'étranger qui était en lui-même un défi pour elle – et qui revient épanouie, émue par ce qu'elle a vécu, indulgente avec elle-même - c'est nouveau aussi - quant à l'angoisse qui l'a envahie si fort à l'issue de cette nuit, qu'elle n'a pas osé demander ses coordonnées à cet homme...
Cette autre entrée en thérapie il y a sept mois après le décès brutal de son frère, et qui s'est autorisée pour la première fois aujourd'hui à l'évoquer, à le pleurer, à nommer quelque chose de la culpabilité et de l'ambivalence à travers cette formule ambiguë : « Il nous a beaucoup laissé(s) ».
Et ces deux autres, petites soeurs de peine de la précédente, engagées sur le même chemin, celui de la levée du secret et du déni qui pèsent sur la violence et la folie familiales – transgénérationnelles dans les trois cas – pour aller à la conquête de leur propre autonomie ? Elles sont belles, intelligentes, dévastées, et incroyablement courageuses, s'affrontant à l'aveuglette à des démons familiaux redoutables.
Et celle-là, qui rit de se « retrouver elle-même » après quelques mois d'absence dépressive – le temps je crois de faire le deuil des idéaux infantiles pour accepter que le monde adulte serait « pas tout, pas rien » - et qu'il recelait cependant de multiples occasions de joie et de créativité...
Ce soir – je ne me sens pas moins vulnérable que toutes ces femmes – particulièrement touchée par ces histoires de vie qui se déploient dans la rencontre, consciente de la confiance qu'elles me font et de ce qui m'amène à occuper cette place mais aussi fragile : qui, même formé, supervisé, outillé, peut traverser ce que je ressens parfois comme un bombardement et prétendre en sortir tout à fait indemne ?
22 mars 2011
L'amande
Magnifique projet... et belle intuition – que la guérison des femmes ne pourra passer que par celle des hommes, et réciproquement.
Le livre est cependant loin de tenir cette belle promesse : un homme initiateur, inoubliable, follement séduisant autant que follement maltraitant – une femme victime, jouissant malgré – ou à travers (et cette ambiguïté invalide la promesse initiale) ce statut de victime, mais qui le fera payer au prix fort, et dans tous les sens du terme, à la gent masculine...
Pour voir au quotidien les ravages pour les femmes comme pour les hommes de cette confiscation de la parole et de la liberté féminines, je rêverais pour ma part d'un roman de la réconciliation, D'une « Parole de femme » musulmane, transgressive et heureuse, transgressive parce qu'heureuse. Et plus encore, d'une parole d'homme, qui oserait dire ce que signifie grandir dans un monde qui pousse jusqu'au délire la dichotomie entre la maman et la putain, qui oserait dire le prix à payer de l'ignorance du corps de l'autre et ce qu'elle engendre de troubles de la sexualité, qui oserait dire la frustration imposée, et la violence inévitable et malheureuse.
Une parole de femme qui ne serait ni victime ni manipulatrice, une parole d'homme qui ne serait ni agresseur ni par principe dénué de coeur – un livre qui resterait à écrire...
18 mars 2011
Stade du miroir
16 mars 2011
L'hôpital et la charité
Tout bouge autour de moi
Dany Laferrière, Tout bouge autour de moi. Magnifique livre sur le séisme... en Haïti.
Trésor
- Mais, ce sont des perles de ton trésor ? lui-dis-je, un peu étonnée (car le dit trésor est dans une cachette que seule Elsa connaît).
- Mais c'est parce que tu fais partie de mon trésor ! me répond-elle très sérieusement. Seulement, tu ne peux pas tenir toute entière dans un coffret !
14 mars 2011
Pile et face
Le merveilleux portrait de femme libre de Toute une histoire - chez Actes Sud. Un des meilleurs, et plus jolis bouquins que j'aie lu ces derniers temps. Une recommandation spéciale 8 mars !
Un concert de Jamait - voix bouleversante et textes rares ; pour les suberbes Mains de femmes, Quitte-moi et Dimanche (caresse-moi), le malicieux Les deux amants, et le revigorant OK tu t'en vas.
Une trop bonne adresse à partager entre gourmands gourmets : Les Papilles (le menu dégustation, qui change chaque jour avec le marché, est à tomber par terre... réservation indispensable).
Un déjeuner de famille... sans la famille ! Enfin, sans la nôtre... pour un premier anniversaire. C'est bien aussi, ce plaisir du repas partagé sans les agacements historiques, juste le plaisir d'être ensemble.
Et... côté pile ? Des liens de coeur bousculés, essentiels pourtant ; des histoires de patients, tragiques ou émouvantes (il m'a semblé cette semaine que les femmes payaient un tribut particulièrement lourd à la souffrance - mais bien sûr, le lieu où je travaille appelle ces histoires complexes de féminité, de sexualité et de maternité)... des moments ces derniers temps où je me sens dépassée par les enfants et notamment par l'effronterie grandissante d'Elsa - prix d'une complicité affectueuse trop peu distanciée ? toujours est-il qu'il y a un immense désarroi à me sentir épuisée sur tous les fronts... et à payer le prix d'une angoisse diffuse mais récurrente, qui me serre alternativement la gorge et le coeur, bouscule mes nuits, sans que je puisse la nommer tout à fait - ni dire ce qui appartient aux intermittences du coeur, à ces entretiens dont je ne sors pas forcément indemne (et le jour où ce sera le cas, il sera temps que je pense à faire autre chose), ou encore à ..?
Doublure
Et depuis deux semaines... une question insistante, qui a, momentanément je pense, arrêté l'écriture : pourquoi écrire ? Pourquoi continuer - ou pourquoi ne pas arrêter ? Pourquoi, je le sais... la première version s'appelait la Boîte à Bonheur. Et mon souhait alors, était d'exercer mon regard - de trouver chaque jour, quelle qu'ait été la journée, un petit trésor à garder, un petit bonheur qui serait autrement passé inaperçu. Avec le temps, la Boîte à Bonheur devenue Care Box est devenue aussi un album de souvenirs doublement précieux : ceux qui y sont épinglés (j'aime bien cette image de l'épingle, du bâti, de l'atelier, de quelque chose d'un work in progress), et ceux que j'y retrouve entre les lignes, et qui font de la Care Box cet espace sur la frontière entre l'intime et le secret.
Sur l'envers de ce patchwork, visible dans la doublure pour peu que l'on y soit un peu attentif, il y a donc aussi la face cachée de la Lu - une mélancolie discrète au coeur de chaque instant de bonheur, et ce besoin de retenir l'instant précisément parce que je le ressens toujours comme menacé et fragile - une conscience de la perte toujours possible, et d'une certaine façon toujours certaine, qui me suit depuis l'enfance.
David me faisait remarquer hier qu'il me sentait plus touchée par les information sur le tremblement de terre au Japon que par les autres drames humains - politiques, militaires, sanitaires, qui frappent actuellement la planète. C'est vrai... il y a quelque chose de l'invraisemblable fragilité de nos vies et de l'irrémédiable, et aussi, la dignité des populations, qui m'accroche et me retient là.
Au regard des ces événements, la Care Box apparaît à la fois comme un exercice bien narcissique (pourquoi continuer à écrire ?), et pourtant sans doute essentiel pour moi - pour les mêmes raisons... mon propre petit barrage contre le Pacifique - une réponse minuscule à ce sentiment de la fragilité humaine.
02 mars 2011
Au coeur, extrait
Depuis aussi loin que je me souvienne, mon moteur c’est le lien, la rencontre, l’émotion et l’échange. Je ne sais pas faire autrement. Ni sans la liberté que cela suppose. Je ne sais pas si c’est bien ou mal – mais je sais que c’est… et que je suis comme ça. Eteinte sans ça. Et, comme disait un homme que j’ai beaucoup aimé, il vaut mieux être allumé(e) qu’éteint. Je n’ai plus de jugement là-dessus, ni l’espoir d’une hypothétique guérison ? maturité ? qui ferait que par je ne sais quel miracle je me contenterais de rester à ma place, et d’espérer un petit bonheur raisonnable si je suis bien sage.
Mais alors ? Alors ?
Alors "peut-être faut-il l'accepter tout simplement cette complexité, et d'en être heureuse et/ou malheureuse, et de partager cela avec l(es) autre(s) concerné(s)." Oui. Peut-être en effet n'y a-t-il rien d'autre à faire. Et aussi - ne pas oublier de respirer.
La grâce d'être fragile
Nés pour combattre
Nous heurtant, nous abîmant
La guerre est une mise en abîme
Nous sommes des êtres de verre,
Nés sous le signe de la fragilité
Nous cassant, nous brisant,
Mourant chaque jour
Nous sommes errants
Terrorisés, dociles,
Et pourtant émouvants, subtils
La grâce d'être fragile
Alain Delourme, été 2006