J'ai fait de longues études, auxquelles se sont ajoutées des formations que j'ai financées. Je fais un job que j'aime. Mon taux horaire de rémunération est bon. ET pourtant... un changement de régime libéral vient de me priver d'un TIERS de mes revenus. Ce qui, pour une maman solo, implique la disparition non seulement du superflu mais aussi des difficultés sur le nécessaire.
Je sais depuis longtemps que je ne fais pas partie de la catégorie des héritiers, ni des propriétaires, ni de ceux qui pourront se constituer un patrimoine par eux-mêmes. Statistiquement, parent solo de deux enfants, mes revenus me placent sur le bas de la classe moyenne. Juste au bord du vide...
Dans 5 ans, j'aurais 50 ans, c'est-à-dire plus guère de chances de trouver du travail dans un secteur médico-social sinistré et aux niveaux de salaires par ailleurs consternants. Je n'aurai pas non plus de retraite : temps partiels quand mes enfants étaient petits, multi-statuts et donc bouts de ficelle depuis : temps partiels contractuels, libéral, vacations... Si demain les honoraires s'arrêtent, je n'aurai pas non plus de chômage. Sans parler des conséquences qu'aurait un arrêt-maladie un peu conséquent. Le bon sens voudrait que j'épargne de mon côté. Le bon sens dit également : mais épargner QUOI, dans ce contexte ?
Je l'ai fait pourtant, dans la mesure de mes modestes moyens. Un peu pour la retraite, un peu pour les études des enfants (dans le public et sur Paris !), un peu en plus pour les petits imprévus, Ce qui va me permettre d'absorber le choc au moins les 6 premiers mois, peut-être la première année. Le temps j'espère de trouver de nouvelles stratégies, qui n'iront pas je crois aussi sans un minimum de chance dans le contexte actuel.
Parce que je savais que je n'aurai pas la possibilité de faire de grands projets, j'en ai aussi fait des petits mais chouettes : multiplier les idées pour voyager, naviguer, avoir une vie culturelle enrichissante, avec un budget minuscule. Je suis devenue très efficace et très bien informée pour ça ! Mais si ces modestes horizons se ferment à leur tour, que me reste-t-il pour respirer, reprendre des forces, ouvrir les fenêtres ?
Au-delà de la menace sur ces modestes luxes (et je reste très consciente que tout le monde n'a pas cette chance), et de l'insécurité croissante à moyen et long terme, profondément déstabilisante, il y a une autre peur encore. Celle d'y perdre mon âme. Ma gaieté, ma créativité, les moments d'insouciance et de légèreté, la capacité de voir et de rêver grand - alors même que j'ai la conviction qu'ils sont plus nécessaires que jamais, et la seule voie de passage ici.