Je crois qu'une des appellations de Marie, cette figure universelle de la compassion, est Notre-Dame des Douleurs... il me semble que cette semaine, j'aurais envie de lui confier, avec toute mon impuissance et ma tendresse, celles-ci.
28 ans, Congolaise, une silhouette si proche de celles esquissées, anonymes, par les médias - arrestation arbitraire, disparition du père de sa fille, viols collectifs, un milicien qui oublie de fermer la porte à clé un jour... Si ce n'est qu'il ne s'agit plus d'une information qu'on écoute distraitement dans sa cuisine, mais d'une femme bien vivante qui raconte la peur et le courage, le fleuve immense traversé en pirogue dans la nuit ("il m'a semblé tellement plus petit que ma peur"), les rencontres successives qui ont permis la fuite jusqu'à la France, l'infinie précarité d'ici à ce qu'elle obtienne le statut de réfugiée politique (et elle n'y est pas encore), la solidarité trouvée dans les paroisses (quelques vêtements, une nuit ici, une autre là), son incroyable confiance en Dieu, sa gratitude pour chacune des personnes qui l'ont aidée et l'aident encore. Il n'est pas en mon pouvoir de hâter la machine administrative, de là où je suis je ne peux que l'écouter, offrir si elle le souhaite un espace de parole - et puis quoi d'autre ?
11 ans, jolie comme un coeur, haute comme trois pommes - elle vient de perdre son petit frère adoré dans un accident provoqué par un chauffard. Ce qui suffirait à la rendre bouleversante, si ce drame n'était simultanément l'occasion de la révélation de maltraitances qui aujourd'hui prennent la forme monstrueuse d'une accusation de la part du père, qui la rend responsable de l'accident et déverse sa haine... Ecouter. Prendre mentalement des notes en vue d'un signalement. Avoir conscience que l'année touche à sa fin, et qu'il faudrait faire vite... quand il faudrait faire si progressivement.
38 ans. Solitude, travail de nuit, logement minimaliste, impossibilité à maintenir une relation durable avec quelque homme que ce soit. Et une grossesse à l'avenir indécidable - parce qu'elle se reconnaît simultanément incapable de faire face à l'accueil d'un nouvel être et de renoncer à cette (dernière ?) possibilité de donner la vie. Se hâter de ne pas décider. Garder l'oeil rivé sur le délai légal. Essayer de penser malgré l'urgence, avec l'urgence.
12 ans. Elle a perdu son oncle, sa tante et un petit cousin dans l'accident d'avion aux Comores il y a deux ans. Mais ce qu'elle vient pleurer aujourd'hui, c'est que suite à l'accueil chez elle des cousines qui n'étaient pas dans l'avion, elle y a perdu aussi sa mère d'avant, sa chambre, son droit à être seule, et celui d'être lasse ou en colère, jusqu'à ses vêtements, et qu'elle n'en peut plus... Ce qu'elle souhaite ? Que je sois son porte-parole auprès de sa mère, à laquelle elle n'arrive plus à parler. Entendu.
Et quelques autres... douleurs de femmes.
28 ans, Congolaise, une silhouette si proche de celles esquissées, anonymes, par les médias - arrestation arbitraire, disparition du père de sa fille, viols collectifs, un milicien qui oublie de fermer la porte à clé un jour... Si ce n'est qu'il ne s'agit plus d'une information qu'on écoute distraitement dans sa cuisine, mais d'une femme bien vivante qui raconte la peur et le courage, le fleuve immense traversé en pirogue dans la nuit ("il m'a semblé tellement plus petit que ma peur"), les rencontres successives qui ont permis la fuite jusqu'à la France, l'infinie précarité d'ici à ce qu'elle obtienne le statut de réfugiée politique (et elle n'y est pas encore), la solidarité trouvée dans les paroisses (quelques vêtements, une nuit ici, une autre là), son incroyable confiance en Dieu, sa gratitude pour chacune des personnes qui l'ont aidée et l'aident encore. Il n'est pas en mon pouvoir de hâter la machine administrative, de là où je suis je ne peux que l'écouter, offrir si elle le souhaite un espace de parole - et puis quoi d'autre ?
11 ans, jolie comme un coeur, haute comme trois pommes - elle vient de perdre son petit frère adoré dans un accident provoqué par un chauffard. Ce qui suffirait à la rendre bouleversante, si ce drame n'était simultanément l'occasion de la révélation de maltraitances qui aujourd'hui prennent la forme monstrueuse d'une accusation de la part du père, qui la rend responsable de l'accident et déverse sa haine... Ecouter. Prendre mentalement des notes en vue d'un signalement. Avoir conscience que l'année touche à sa fin, et qu'il faudrait faire vite... quand il faudrait faire si progressivement.
38 ans. Solitude, travail de nuit, logement minimaliste, impossibilité à maintenir une relation durable avec quelque homme que ce soit. Et une grossesse à l'avenir indécidable - parce qu'elle se reconnaît simultanément incapable de faire face à l'accueil d'un nouvel être et de renoncer à cette (dernière ?) possibilité de donner la vie. Se hâter de ne pas décider. Garder l'oeil rivé sur le délai légal. Essayer de penser malgré l'urgence, avec l'urgence.
12 ans. Elle a perdu son oncle, sa tante et un petit cousin dans l'accident d'avion aux Comores il y a deux ans. Mais ce qu'elle vient pleurer aujourd'hui, c'est que suite à l'accueil chez elle des cousines qui n'étaient pas dans l'avion, elle y a perdu aussi sa mère d'avant, sa chambre, son droit à être seule, et celui d'être lasse ou en colère, jusqu'à ses vêtements, et qu'elle n'en peut plus... Ce qu'elle souhaite ? Que je sois son porte-parole auprès de sa mère, à laquelle elle n'arrive plus à parler. Entendu.
Et quelques autres... douleurs de femmes.