Alors, le Crazy, c'est... très esthétique (Decouflé à la chorégraphie), très kitsch (rideaux de velours rouge, beaufs et brochettes japonaises dans la salle), très parfait, souvent plein d'humour - volontaire ou non, très consensuel (ne pas heurter le client international, tout en l'aguichant ce qu'il faut), parfois réellement poétique (les numéros solo), parfois mécanique (girls sur-maquillées, chorés millimétrées).
Ce n'est pas réellement troublant - les photos le sont finalement plus que le spectacle, à cause de ce côté totalement artificiel, qui saute aux yeux sur scène, et pas sur l'image fixe.
Je confirme : le trouble naît de l'imperfection, du léger ratage, du détail qui cloche : le talon aiguille qui vacille, faux pas évité de justesse, le petit pli de chair au-dessus d'un string ajusté sur une silhouette par ailleurs exquise, la bretelle qui glisse involontairement sur l'épaule et qu'on rajuste dans une pirouette (ni vu ni connu), un éclair de vraie gaieté dans les yeux trop maquillés de poupées inexpressives, de ce qui est suggéré (le numéro sur le miroir) plutôt qu'exhibé (les longues paires de gambettes anonymes, comme un générique de vieux James Bond).
Pour que ce soit un spectacle érotique plutôt qu'esthétique, il y manquerait... les hommes. Le trouble, entre danse et bataille. Le toucher. L'odeur. Mais surtout, les polarités qui s'attirent, se repoussent, se déchirent, se fondent. La violence, la douceur.
Je me demande ce que les hommes en pensent, s'ils remplissent les blancs, imaginent une histoire. En tant que femme, ça me donne envie de jouer, a réveillé mon envie de prendre un cours de pole dance ou d'effeuillage, parce que c'est drôle, pétillant, très Girl Power. En fait c'est ça qui m'aurait gêné, si j'avais été un homme : malgré les clichés assumés et traités avec humour - la secrétaire, la soubrette, ces filles sont inaccessibles, intouchables : elles ont la maîtrise, sur tous les plans - quel désir possible ?