Je suis hermétique à l'art contemporain (FIAC, MacVal), mais décidément touchée par l'Art Brut, cet éloge de la folie créatrice. Ces oeuvres créées par des êtres "indemnes de culture artistique" (psychotiques en institution, autodidactes de tous ordres, médiums...), elles me semblent tellement plus humaines, troublantes, fragiles... nées d'une nécessité intérieure, souvent douloureuse, jamais de l'envie de séduire un public, un marché, ou d'étayer des concepts plus ou moins stériles et prétentieux. Les expositions de la Halle Saint-Pierre émeuvent ou dérangent, mais ne laissent pas indifférent : elles sont aussi un livre ouvert de psycho-pathologie, où se matérialisent les intuitions des plus grands analystes - morcellement, corps-machine, angoisse du vide, enveloppes trouées, délires religieux ou paranoïaques, auto-portraits de cauchemar.
Avec toujours cette question : qu'est-ce qui distingue ces créateurs singuliers des artistes "officiels" ? J'ai beaucoup aimé les architectures arachnéennes de Marie-Rose Lortet, qui posent justement ces questions du dedans et du dehors, et de la fragilité, avec ses dentelles qui évoquent aussi bien la cage ou la toile d’araignée que la maison de conte de fées, et ses brins de laine multicolores qui raconteraient une histoire sans ponctuation. Quelque chose qui ne tiendrait qu'à un fil... Mais à tout prendre, dans le registre tisserande, elle me paraît bien moins folle, en tout cas assurément moins sinistre qu'une Annette Messager ou qu'une Louise Bourgeois ?