"Prendre le risque de l'enfance, c'est ne jamais oublier qu'on a été enfant (...). Y revenir, c'est entrer dans le monde de la déception, mais aussi là, et seulement là, de l'émerveillement. L'enfance présente en nous à l'âge adulte n'a rien à avoir avec l'enfance au passé (...), toujours réinventée selon les besoins de notre accommodation au monde dit adulte. L'enfance vivante en nous, c'est une autre chose. Une expérience de pure intensité, une sorte de drogue rare qu'une fois goûtée on a du mal à oublier. Une charge d'esprit qui procure une légèreté comparable à l'ivresse et une créativité intacte (...). Avoir espéré de toutes ses forces que quelque chose arrive, c'est avoir été enfant. Un enfant merveilleux,inconscient, fantasque, irrésolu. Un enfant arc-bouté à un rêve partagé avec ses animaux en peluche et le coin de fenêtre là."
Anne Dufourmantelle, Eloge du risque
Anne Dufourmantelle, Eloge du risque
J'ai cité plusieurs fois ce texte ces derniers jours, à des amis, à des patients. Et en le relisant je me suis rendue compte que ce que j'en avais retenu n'est pas ce qu'elle avait écrit - elle parle en fait - je crois, de la chute hors de la toute-puissance infantile, hors de l'illusion d'un monde parfait, du voile qui se déchire et des possibles qui se découvrent alors. De l'accès à la fragilité - faillibles, mortels, vulnérables - et libres.
C'est très joli, et très juste. Mais j'aimais aussi beaucoup ma première lecture, qui se résumait à ceci : l'enfance comme âge de toutes les blessures, ce à quoi les chemins thérapeutiques nous ramènent tous quels qu'ils soient, mais aussi d'une puissante, indestructible capacité d'émerveillement, source inépuisable même à l'âge adulte de notre capacité à nous relever, à nous mettre en mouvement, à croire aux miracles.
Avoir espéré de toutes ses forces que quelque chose arrive, c'est avoir été enfant.