La narratrice de L'éternel fiancé se demande comment faisaient nos grands-mères quand elles étaient tristes. Cette question vous hante-t-elle ?
Penser que pendant des millénaires les femmes ont été dans l'impossibilité totale de sortir de leur condition, ne serait-ce qu'une minute, pour pouvoir dire "Je ne me sens pas très bien, là", est un motif de grand tourment pour moi. J'ai besoin de prendre le temps d'écouter la sonorité de leur silence. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on passe directement de la femme ancienne, archaïque, profondément inscrite en nous toutes, à une femme qui a rompu les amarres. La table rase est nécessaire, mais elle me crée une petite tristesse, car on risque de casser quelque chose de précieux. Avant de hurler, écoutons la rumeur des voix trop longtemps étouffées, dans lesquelles il y a beaucoup à puiser. Avec la volonté de rendre grâce. J'écris depuis ce silence.
Interview d'Agnès Desarthe