09 septembre 2010

Eloge des femmes mûres

Mes souvenirs, je l'espère, seront une lecture instructive, mais ce n'est pas pour autant que les femmes auront pour vous plus d'attirance que vous n'en n'aurez pour elles. Si, au fond de vous-même, vous les haïssez, si vous ne rêvez que de les humilier, si vous vous plaisez à leur imposer votre loi, vous aurez toute chance de recevoir la monnaie de votre pièce. Elles ne vous désireront et ne vous aimeront que dans l'exacte mesure où vous les désirez et les aimez vous-même – et louée soit leur générosité (…)

Comme nous ne nous reprochons plus de ne pas obéir à des préceptes éthiques absolus, nous nous flagellons avec les verges de la perspicacité psychologique. Nous nous comprenons trop bien pour condamner nos actes ; désormais, ce sont nos intentions que nous condamnons. Nous étant libérés d'un certain code de conduite, nous suivons un code d'intentions pour parvenir aux sentiments de honte et d'angoisse que nos aînés éprouvaient par des moyens moins élaborés. Pourtant, nous continuons à expier la création : nous nous considérons comme des ratés, plutôt que d'abjurer notre foi en une perfection possible. Nous nous accrochons à l'espoir de l'amour éternel en niant sa validité éphémère.


Stephen Vizinczey, Eloge des femmes mûres