Drôle d'idée, que de faire du portrait de face, noir et blanc, sans sourire, un thème de travail déclinable à l'infini : sexagénaires, barbus, asiatiques, femmes sans maquillage, et aujourd'hui, quadragénaires - nés entre 1969 et 1979, c'est tout nous, ça ! J'ai d'abord été interrogative à la découverte des portraits de mes amies, incertaine de me sentir suffisamment bien dans ma peau ces jours-ci pour me confronter à une image que je trouvais sévère. Et puis finalement - plus je les regardais, et plus je les trouvais intéressants, dans leur nudité, dans leur vérité, dans ce qu'il supposaient justement d'acceptation, de pacification. Dans la force des regards aussi. Dans leur façon de dire voilà, c'est moi, sans mimiques et sans coquetteries, sans l'éclat du mouvement ou du rire, moi sans paravents et sans masque.
Je suis contente d'avoir finalement tenté l'expérience : photographe ouvert, curieux des autres, qui prend le temps de la rencontre - peut-être la photo n'est-elle qu'un prétexte, et/ou un moyen de circonscrire la rencontre, de ne pas s'y perdre - il raconte que lors de la préparation de la série des femmes sans maquillage, il a été quelque peu débordé par les récits de vie, tant ce choix de se montrer totalement à nu n'arrivait pas au hasard dans le temps... je peux imaginer - femmes en rupture, en maladie, en deuil... des regards encore plus nus, une confrontation à soi plus radicale encore. La démarche est belle - et je suis contente de ce portrait.