Ce n'est pas tout le temps mais... depuis quelques semaines je me fais surprendre par des pointes d'angoisse, ou des pics de chagrin, sans raison immédiate apparente, même si en cherchant... le contexte politique, écologique et social, l'absence de Chamade, la surdité obstinée du père de mes enfants, la maladie de Marion, les grands-parents qui se fragilisent, et l'absorption quotidienne des affects qui se déversent dans mon bureau - angoisse, colère, deuils - y participent.
La remarque anodine d'une collègue, l'histoire douloureuse d'un étudiant, l'atmosphère des manifs, tout semble appuyer à la fois sur un sentiment de vulnérabilité et de solitude, pourtant pas totalement justifiés, et sur un appel urgent au temps, à l'espace, au besoin de prendre un vrai recul, mais comment ?
Trop longtemps sans quitter la ville, sans rupture d'un rythme intense, sans les petites libertés ou les menus luxes que ce qui était un (cependant très relatif) confort financier permet aujourd'hui de moins en moins ? Mon corps est lourd, ma concentration fluctuante, c'est comme s'il y avait un petit nuage noir que je m'efforçais de maintenir sans cesse en périphérie de mon champ de vision - dont j'ai l'intuition qu'il est la somme des émotions et des besoins petits ou grands que je mets de côté jour après jour - pas le temps, pas la place, et puis ce pli pris d'être toujours en réception, qui fait que je m'étonne, dans les rares moments où je dis quelque chose de moi-même qui ne soit pas de surface.
Ce matin, une étudiante m'a demandé si mes patients se souciaient parfois de savoir comment j'allais, et si, dans ce cas, je leur répondais sincèrement. C'est une bonne question...