Dans la sécurité du cercle de femmes, je nomme cette façon que nous avons d'encaisser en permanence, toutes et tous, des micro-chocs (ou pas micro d'ailleurs) qui s'accumulent, s'additionnent, finissent par nous fabriquer une peau apparemment épaisse, un supposé détachement - une armure si poreuse en réalité. Un risque majoré par nos métiers - cette façon de nous effacer devant l'émotion de l'autre, de faire comme s'il n'y avait pas d'impact sur nous-mêmes - ou si peu, juste assez pour lui communiquer une empathie profonde, donc encore à son service.
Je me demande comment ce serait, si je m'autorisais à ressentir pleinement, constamment, ce qui vient me chercher, m'atteint, me bouscule - invivable, probablement, la peau de mon âme (ou de mon ventre ?) est en réalité si fine et sensible...
L'autre apprentissage de cette rencontre, en tout paradoxe, c'est cependant la possibilité de choisir : accueillir l'émotion, la laisser me traverser - acceptation salutaire ; ou pas, et c'est jouissif aussi : je constate que j'ai le choix, que je peux dire non, prendre de la distance, refuser le pathos interne et externe.
A plusieurs reprises l'idée s'impose que ce choix est toujours possible, se laisser abuser ou pas par les apparences, comme si là je pouvais toucher du doigt concrètement le fait que tout cela est un jeu, une projection, une fiction – la vie qui (s')expérimente, rien de plus.
Et puis il y a eu cette jolie de phrase de C. sur son étonnement devant la persévérance de la nature, le bourgeon qui ne se pose pas de questions mais croît et fleurit au printemps, quelques soient les circonstances extérieures... la vie têtue, inébranlable.