Ce qu'il faudrait pouvoir expliquer quand je parle d'Elsa... et qui est si difficile à saisir pour qui ne le vit pas, et donc aussi certains jours, pour moi.
"Mon handicap est variable. Et c’est ça, la double peine.
Parce qu’il ne se voit pas toujours. Parce qu’il ne se comporte jamais exactement pareil. Parce que mon autonomie dépend de mon état, et que cet état, je ne le choisis pas.
Il y a des jours où je suis parfaitement autonome, fonctionnel, efficace, presque « comme tout le monde ». Et puis il y a les autres jours. Les jours de crise. Les jours de burnout. Les jours où l’hyperstimulation me met à genoux.
Dans ces moments-là, je perds pied. Je ne comprends plus mon environnement, je ne sais plus où mettre mon énergie, et je peux devenir incapable d’accomplir les choses les plus simples. C’est comme si mon cerveau me retirait soudain l’accès à mes propres compétences.
Et c’est là que ça devient compliqué pour les autres.
On compare souvent avec les handicaps visibles. C’est humain : on visualise. Si quelqu’un n’a pas de jambe, on le voit. Ses jambes ne repoussent pas le lundi pour disparaître le mardi. Son besoin d’adaptation est constant, lisible, compréhensible. Même si il peut légèrement fluctuer.
Moi, non.
Je peux n’avoir besoin de rien un matin, et avoir besoin de tout l’après-midi. Je peux faire une conférence devant 200 personnes sans sourciller, et être incapable de répondre à un simple message le lendemain. Je peux paraître en pleine possession de mes moyens, tout en étant intérieurement en train de brûler. Et même pour moi, c’est déroutant.
Parfois, je ne me sens pas du tout en situation de handicap. Parfois, je me demande même si je n’ai pas exagéré. Et puis, sans prévenir, mon corps et mon cerveau me rappellent à l’ordre, et je me retrouve cloué au lit, vidé, incapable.
Comment, dans ces conditions, définir ce dont j’ai besoin ?
C’est presque ironique : parfois, le simple fait de savoir que j’ai accès à une adaptation suffit à m’éviter d’en avoir besoin. Par exemple, j’ai demandé une pièce pour me décompenser là où je suis en formation. La vérité, c’est que je ne sais pas si je l’utiliserai. Certaines semaines, elle me sera indispensable. D’autres, je ne m’en approcherai même pas. Mais savoir qu’elle existe, qu’elle est là si j’en ai besoin, c’est déjà une respiration. C’est un filet de sécurité. Et ce filet diminue ma charge mentale au point de m’éviter… d’y tomber.
Le handicap invisible est souvent jugé, minimisé, incompris. Non pas parce qu’il est imaginaire, mais parce qu’il est variable. Et parce que cette variabilité dérange les certitudes.
Je ne joue pas un rôle. Je ne mens pas. Je navigue entre mes capacités et mes limites. Et croyez-moi : j’aimerais, moi aussi, savoir à l’avance de quoi je vais avoir besoin."
Elvis Pastafiglia












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