Ca me trotte dans la tête depuis un moment, faire une série de photos sur le thème de la lecture dans le métro, le bus, sur les quais ou dans les abribus... Mais je ne me le permets pas - expliquer, négocier, interrompre - par définitition ! - cet instant d'intimité qu'est la lecture, je ne m'y vois pas - voler ces images, encore moins.
Alors - puisque l'outil de ce blog n'est ni le pinceau ni la caméra, j'ai décidé d'y épingler mes lecteurs voyageurs avec les mots. Un post évolutif donc, à compléter avec le temps...
- Journées du Patrimoine, file d'attente : au milieu des gamins bruyants et des retraités curieux, un homme jeune - mais pas un étudiant - est plongé dans L'Illiade. Inattendu... et élégant. Non ?
- RER B, une femme adulte, une vaste partition d'orchestre déployée sur les genoux. Le nom de l'oeuvre est invisible, elle n'a pas d'étui à instrument (ou un tout petit ? me revient un dessin de Sempé où l'on voit un musicien se préparer pour le concert, avant d'aller solennellement donner UN coup de triangle), elle bat la mesure au fur et à mesure qu'elle déchiffre - et j'essaie d'imaginer ce qu'elle entend.
- Ligne 3, un homme abondamment barbu est penché sur un volumineux Coran écrit en caractères arabes, enluminé comme un livre du Moyen-Age. Lui aussi chante dans sa tête.
- Ligne 6, rame bondée, une jeune fille s'accroche à la barre centrale et à Cent ans de solitude, et je l'envie, de lire ce livre pour la première fois - et pour la protection je pense efficace que peut offrir la prose de Garcia Marquez contre la foule et l'incivilité environnantes.
- RER, métros, bus, partout, des lecteurs de Métro, 20 minutes, et autres feuilles gratuites. Ceux-là me font peur : cette information soi-disant neutre, massivement diffusée, de quelles manipulations faciles pourrait-elle faire l'objet ?
- A suivre...
Trintignant, à propos du théâtre : Que ça ne laisse pas de traces ! Ce qui est beau, pour un acteur, c'est ce moment qui vit, qui meurt, qu'on ne retrouvera jamais plus. Qui ne sera jamais figé sur une pellicule, comme au cinéma, mais qui sera superbement perdu. Ce qui est beau et terrible à la fois, c'est ce sentiment de perte-là, d'éphémère. L'idéal d'un acteur serait de mourir à la fin de la scène...
J'ai goûté à cette même violence de l'instant quand je faisais de la photo. Des photos de gens, anonymes, et surtout sans qu'ils s'en rendent compte. J'avais déjà l'idée d'être metteur en scène, cinéaste ; et j'étais persuadé que pour en être un bon, il fallait être voyeur. Je me suis donc appliqué, je tenais mon appareil caché, Je prenais des clichés sans être vu. Et j'avais tant de joie à attendre - parfois des heures ! - que la lumière tombe sur un visage comme je l'avais imaginé que je me suis dit que ce n'était même plus la peine de mettre des pellicules. C'était le rêve autour de la photographie qui importait, et appuyer sur le déclencheur : c'était ce geste-là seulement qui était beau, et bien plus que toutes les photos ! Des années durant, j'ai ainsi "photographié". Sans pellicule.
Alors - puisque l'outil de ce blog n'est ni le pinceau ni la caméra, j'ai décidé d'y épingler mes lecteurs voyageurs avec les mots. Un post évolutif donc, à compléter avec le temps...
- Journées du Patrimoine, file d'attente : au milieu des gamins bruyants et des retraités curieux, un homme jeune - mais pas un étudiant - est plongé dans L'Illiade. Inattendu... et élégant. Non ?
- RER B, une femme adulte, une vaste partition d'orchestre déployée sur les genoux. Le nom de l'oeuvre est invisible, elle n'a pas d'étui à instrument (ou un tout petit ? me revient un dessin de Sempé où l'on voit un musicien se préparer pour le concert, avant d'aller solennellement donner UN coup de triangle), elle bat la mesure au fur et à mesure qu'elle déchiffre - et j'essaie d'imaginer ce qu'elle entend.
- Ligne 3, un homme abondamment barbu est penché sur un volumineux Coran écrit en caractères arabes, enluminé comme un livre du Moyen-Age. Lui aussi chante dans sa tête.
- Ligne 6, rame bondée, une jeune fille s'accroche à la barre centrale et à Cent ans de solitude, et je l'envie, de lire ce livre pour la première fois - et pour la protection je pense efficace que peut offrir la prose de Garcia Marquez contre la foule et l'incivilité environnantes.
- RER, métros, bus, partout, des lecteurs de Métro, 20 minutes, et autres feuilles gratuites. Ceux-là me font peur : cette information soi-disant neutre, massivement diffusée, de quelles manipulations faciles pourrait-elle faire l'objet ?
- A suivre...
Trintignant, à propos du théâtre : Que ça ne laisse pas de traces ! Ce qui est beau, pour un acteur, c'est ce moment qui vit, qui meurt, qu'on ne retrouvera jamais plus. Qui ne sera jamais figé sur une pellicule, comme au cinéma, mais qui sera superbement perdu. Ce qui est beau et terrible à la fois, c'est ce sentiment de perte-là, d'éphémère. L'idéal d'un acteur serait de mourir à la fin de la scène...
J'ai goûté à cette même violence de l'instant quand je faisais de la photo. Des photos de gens, anonymes, et surtout sans qu'ils s'en rendent compte. J'avais déjà l'idée d'être metteur en scène, cinéaste ; et j'étais persuadé que pour en être un bon, il fallait être voyeur. Je me suis donc appliqué, je tenais mon appareil caché, Je prenais des clichés sans être vu. Et j'avais tant de joie à attendre - parfois des heures ! - que la lumière tombe sur un visage comme je l'avais imaginé que je me suis dit que ce n'était même plus la peine de mettre des pellicules. C'était le rêve autour de la photographie qui importait, et appuyer sur le déclencheur : c'était ce geste-là seulement qui était beau, et bien plus que toutes les photos ! Des années durant, j'ai ainsi "photographié". Sans pellicule.