TEXTE PRONONCÉ PAR LE RABBIN DELPHINE HORVILLEUR LORS DES FUNÉRAILLES D’ELSA CAYAT, LE 15 JANVIER 2015, REPRODUIT AVEC L’ACCORD DE LA FAMILLE.
(...) À l’heure qu’il est, Dieu est peut être déjà sur le divan d’Elsa.
Pourquoi vous raconter cette histoire ? Quel rapport a-t-elle avec Elsa ? En apprenant à découvrir son univers ces derniers jours, il m’a soudain semblé que cette histoire était très «cayatienne».
C’est l’histoire d’un divin qui rit et se réjouit d’une humanité impertinente, d’une humanité qui dit avec humour à son dieu « Prière de ne pas déranger – nous sommes aux commandes ».
C’est l’histoire d’un dieu qui rit et se tient à distance, d’un dieu qui se réjouit qu’on lui dise : le monde est « athée », au sens littéral du terme, c’est à dire que Dieu s’en est retiré pour que les hommes agissent en êtres responsables. Ce dieu-là n’est pas le dieu des Juifs mais le dieu de tous ceux qui, croyant en lui ou n’y croyant pas, considèrent que la responsabilité est entre les mains des hommes, et tout particulièrement de ceux qui interprètent ses textes. Bref, un dieu de liberté.
Dans sa toute dernière chronique, publiée à titre posthume dans Charlie Hebdo, hier matin, Elsa écrit :« La souffrance humaine dérive de l’abus. Cet abus dérive de la croyance, c’est-à-dire de tout ce qu’on a bu, de tout ce qu’on a cru. »
Tel est son dernier et puissant message : Soyez assez libres pour dépasser tout ce qui vous a abusé, c’est à dire tout ce qu’on vous a fait ‘boire’ au biberon, tout ce qu’on vous a fait avaler tout cru, sans que vous ne l’ayez pensé, repensé et, surtout, interprété. Tel est l’héritage de la psychanalyse, de la pensée critique, et (je veux le croire) d’une pensée religieuse mature et vivante (...).