Cette oeuvre m'avait plu parce qu'elle exprimait ce que j'espérais des artistes - qu'ils dotent les choses d'une sens, quitte à l'inventer. Mon père en avait une interprétation opposée : pour lui, elle soulignait la relativité du savoir et de l'emprise des hommes sur le monde, dont le mystère resterait toujours aussi lisse et impénétrable qu'une cloche de verre. S'il était surtout attaché aux qualités esthétiques et à l’habilité technique des artistes, j'en attendais, pour ma part, une forme d'éveil, de révélation, quelque chose jaillissant comme une étincelle entre deux silex. J’aimais les considérer comme des systèmes à décoder, des énigmes à déchiffrer, des boîtes à secrets dont il fallait découvrir la clef, alors que mon père était un amoureux de la beauté, qui lui apparaissait comme une consolation.
Minh Tran Huy, Voyageur malgré lui
Joli titre, joli texte, jolis thèmes : l'errance, la mémoire, l'identité, la trace (le métier de la narratrice : enregistrer des ambiances sonores ; son rêve, capter l'infinie subtilité des silences...)