Quand je rentre tard, je passe devant cet immeuble, qui a tout d'un de ces dortoirs clandestins tristement célèbres pour leur insalubrité, voire leur dangerosité (à quelques centaines de mètres de là, quatorze enfants scolarisés dans la même école que les miens avaient péri dans un incendie en 2005). Ce n'est pas un foyer de jeunes travailleurs, pas davantage un centre d'hébergement, juste un empilement de boxes dont la lumière nocturne révèle l'absolu dénuement : des chambres vides et sans rideaux, et par terre, probablement, des matelas crasseux et ces grands sacs que je les vois traîner jusqu'à la laverie en bas de la maison. Uniquement des hommes, immobiles et seuls, postés derrière les fenêtres - des silhouettes anonymes découpées par la lumière blafarde des pièces. Lorsque je me suis arrêtée, l'un a deux a levé la main, et je suis partie, mal à l'aise. Avec en tête la question de mon ami Halo sur la présence de personnes de couleur dans mon environnement. Au-delà de la diversité riante (et paisible) des écoles du quartier, il y a ces îlots de misère et de solitude, ces hommes invisibles qui n'apparaissent qu'à la nuit, pour qui veut bien lever la tête.