22 août 2024

Echos

"Je l’ai aimé parce que rien n’était fait pour.
Parce qu’il se moquait bien d’être séduisant avec moi.
Parce que faire des efforts pour plaire au monde semblait ne pas faire partie de ses volontés.
Parce qu’il avait quelque chose de triste bien caché au fond de l’âme.
Il avait dû naître comme cela, lui aussi, avec cette nostalgie collée aux poignets.
Je l’ai aimé parce que ses yeux observaient tout sans être retenus par rien.
Parce qu’il puait la liberté.
Parce qu’il était prisonnier.
Parce qu’il y avait sur ses lèvres un peu d’amertume et beaucoup de tendresse,
de l’amour qui a pleuré et l’envie de la passion.
Parce qu’il parlait peu.
Parce que lorsqu’il parlait, j’avais envie d’écouter.
Il était nu, même habillé.
Pudique de son âme et de son corps.
En y regardant de près, je l’ai immédiatement soupçonné de ne pas trop s’aimer.
Je l’ai aimé à sa place.
J’avais de la place dans le cœur.
Il y avait, au fond de son regard, un vieux truc perdu, hagard.
J’avais envie de l’aider à le retrouver.
Il souriait peu.
Pourtant, lumineux (...)
Je l’ai aimé parce qu’il était faussement détaché, fragile, sensible, agressif et démuni.
Parce qu’il le cachait.
Je l’ai aimé parce que personne ne s’y attendait.
Et je l’ai écrit.
Pour oublier.
Mais je n’y suis jamais arrivée."

 Romy Schneider - pour Alain Delon


En la lisant, je suis très touchée. Parce que cette petite musique est si familière, parce que j'aurais pu écrire ce texte, mot pour mot, encore une fois. Je l'ai écrit d'ailleurs, il y a des années - on ne se refait pas, sous la forme d'un poème qui s'appelle Solitaires. En la lisant je suis profondément en colère. Parce que c'est la porte ouverte à une souffrance garantie, l'excuse à tous les égocentrismes, l'éternel retour du masochisme romantique - ce syndrome de l'infirmière, quel ennui d'être un cliché. Elle le regarde, il se regarde.