10 août 2013

Un air de famille

Je connaissais tout cela. La banalité de l'histoire, le fait qu'elle soit répétée chaque jour ad nauseam par des hommes qui, s'apercevant tout à coup ou petit à petit que ce qui EST pourrait NE PAS ETRE, font dès lors en sorte de se libérer des femmes vieillissantes qui ont, pendant des années, pris soin d'eux et de leurs enfants - n'amortit pas le chagrin, la jalousie et l'humiliation qui s'empare des abandonnées. (...) Il lui fallait la paix, la liberté de s'en aller de son côté avec (...) une femme avec laquelle il n'avait en commun ni passé, ni douleurs pesantes, ni chagrin, ni aucun conflit. Et pourtant il disait pause, pas fin, laissant ainsi le récit ouvert, une cruelle fêlure d'espoir (...).

Quelquefois j'ai peur de m'incinérer moi-même de colère. Je vais exploser, tout simplement, je vais à nouveau m'effondrer.
- Exploser n'est pas la même chose que s'effondrer, et, ainsi que nous l'avons déjà dit, même l'effondrement peut avoir une utilité, un sens. Vous avez longtemps pris sur vous, mais tolérer des fêlures, cela fait partie de la santé et de la vie. Je crois que c'est ce que vous faites. Vous ne me semblez pas avoir si peur de vous-même.
- Je vous aime, docteur S.
- Je suis heureuse de l'entendre.


Siri Hustvedt, Un été sans les hommes