19 avril 2019

Agnès

- Est-ce que c'est constituer un puzzle, retrouver toutes les pièces du puzzle ? 
- Ah bah de toute façon on les retrouve pas c'est ça et j'ai complètement accepté, j'en ai même fait une structure (...) Et dans l'explication et dans la représentation il manque toujours des pièces du puzzle (...). Et cette idée qu'il manque des pièces, me semble très juste. C'est comme s'il fallait accepter qu'on n'a pas toutes les pièces, qu'on n'a pas toutes les clés. Même en amour, même en vie commune, y a toujours des pièces du puzzle qui manquent. Et je trouve ça assez beau qu'on ait l'acceptation que le savoir est partiel, que la connaissance est partielle, que même l'amour ne peut pas recomposer ce que l'esprit ne peut pas rassembler. J'aime bien l'idée que c'est dans cette imperfection et dans cette connaissance relative qu'on vit. J'aime bien penser qu'il manque des choses (...).

Mais je suis mélancolique ! Ce qui n'est pas triste, ce qui n'est pas déprimé - ce n'est pas la recherche du temps passé, ce n'est pas du tout ça. Il y a une mélancolie du temps qui passe, des choses qu'on a peut-être manquées, des choses qu'on aurait pu dire, moi je suis très mélancolique des légers petits glissements, de ce qu'on n'a pas fait, ce qu'on n'a pas dit, de ce qu'on n'a pas entendu et du fait que never more, vous voyez - et évidemment la mort c'est ce qui marque le plus, c'est le plus jamais, LE never more, mais il y a tout le temps des petits never more, y a des petits moments exquis qui sont passés, c'est fini, on les aura plus, y a des rencontres, y a des moments même dans notre vie professionnelle, qui sont extraordinaires (...)

Le Grand Atelier d'Agnès Varda, décédée le 29 mars dernier...