Je regarde Notre corps, bouleversant documentaire de Claire Denis qui a posé sa caméra à l'hôpital Tenon, dans un service qui s'occupe de la santé des femmes dans toutes ses dimensions. Et je suis remplie de gratitude. Pour ces soignants dévoués, empathiques et pédagogues, et pour la chance de vivre dans un pays qui met à disposition des moyens de soins parfois incroyablement techniques, parfois merveilleusement humains.
Mais plus intimement, merci, au vu des trajectoires esquissées dans ces témoignages : pour n'avoir jamais eu à interrompre une grossesse ; pour n'avoir eu aucun mal à tomber enceinte, et avoir été dispensée du parcours du combattant de la PMA ; pour n'avoir pas accouché seule ; pour ne pas souffrir d'endométriose ; pour n'avoir pas eu à affronter, pour moi-même ou pour mes enfants, les questions d'une transition de genre ; pour n'avoir été - à ce jour - atteinte d'aucun cancer, génétique ou non (et pour la fin de vie, a priori je vais attendre encore un peu aussi.)
Par extension, pour être une femme de ce siècle, de ce pays, autonome financièrement (et blanche, hétéro et diplômée).
Ce qui m'évoque aussi cette si jolie chanson de Jeanne Cherhal (et la joie cette semaine de la décision du Parlement d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution) :
(...) Pour cette pilule insensée que je prends sans y penser
Moi qui n'ai jamais fait l'amour avec un compte à rebours
Pour l'audace et le courage de celles qui à mon âge
Ont su desserrer les coutures des générations futures
Pour ce plaisir qui nous dépasse (...)
Jeanne Cherhal, Merci