29 septembre 2019

Retrouvailles

Je n'étais pas inquiète, même si je n'avais pas vu certains d'entre eux depuis, on a calculé, sept ans ! Parce que la liberté et l'authenticité de la parole sont fondatrices de ce petit groupe, issu de notre formation au Conseil Conjugal et Familial - achevée il y a 12 ans déjà. 

Région superbe - le Jura à l'automne, belles balades, joli gîte, fromages et bons vins, mais surtout, ce plaisir de se retrouver comme hier à parler du présent, du passé et du futur, conjuguer nos verbes aimer à tous les temps et à tous les modes, amour conjugal, filial, parental, au fond nous ne parlons (presque) que de cela, et c'est ce qui fait la force de ce petit groupe, ces partages d'expériences de vie dans une infinie bienveillance. 


Comme me l'a dit Isa au moment de nous dire au revoir, nous repartons chacun avec quelque chose en plus - un soutien possible, un regard différent, une expérience semblable mais jamais identique, du grain à moudre - mais ce qui en fait tout le prix c'est cette absence totale de jugements hâtifs, de conseils assénés ou de projections massives - juste une chambre d'écho, une humanité partagée. Il suffit d'écouter - et d'être si bien écouté, on s'écoute soi autrement.

Ce qui n'empêche ni les rires, ni les chansons : on s'en souviendra, de nos 24 kilomètres de dénivelés, et de la petite flûte à Papa !

27 septembre 2019

Les loyautés

Ce sont des liens invisibles qui nous attachent aux autres - aux morts comme aux vivants -, ce sont des promesses que nous avons murmurées et dont nous ignorons l'écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d'ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires.

Ce sont les lois de l'enfance qui sommeillent à l'intérieur de nos corps, les valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous permettent de résister, les principes illisibles qui nous rongent et nous enferment. Nos ailes et nos carcans.

Ce sont les tremplins sur lesquels nos forces se déploient et les tranchées dans lesquelles nous enterrons nos rêves.
Delphine de Vigan 

23 septembre 2019

Symbole hic

Offre d'emploi : Recherche sens du symbolique et de la poésie ordinaire, regard attentif. 

Parce que leur absence est la source de mille petites douleurs plus ou moins invisibles, de blessures secrètes, de déceptions silencieuses (ou non, d'ailleurs).

Ce qui blesse sans tuer est si souvent là - dans le discours des patients, des proches, et dans le mien aussi, comme une langue seconde qu'on rêverait si fort d'entendre, souterraine mais essentielle.

- savoir reconnaître la valeur sentimentale des objets, l'importance de leur transmission 
- multiplier les petits gestes, cadeaux symboliques, attentions du quotidien, mots de gratitude simple qui reconnaissent et soutiennent l'existence du lien
- attraper au vol une phrase, une image, un rai de lumière (c'est si facile avec nos téléphones) et le partager ; autant de variations sur le thème : je pense à toi 
- inventer des rites, célébrer des passages ou des dates anniversaires, se donner les moyens de réaliser des rêves, fussent-ils tout à fait modestes (rêver donc, pour commencer), ménager des surprises, illuminer un visage...

Quelquefois c'est plus subtil encore, entendre un silence, une demande non formulée, savoir s'arrêter sur une émotion fugace, prendre garde à sa propre maladresse.

Qualités requises ? Imagination, empathie, capacité d'émerveillement - de soi, de l'autre - et... sens du symbolique. 

22 septembre 2019

Nourritures terrestres

On déjeune chez Grand-Mère, ça papote expos, cinéma et littérature, Fondation Cartier, Tarantino et nourrices au 19ème siècle, et à l'instant même où je me fais la réflexion, Maman souligne cette chance que nous avons, qu'un déjeuner dominical chez nous puisse aussi ressembler à ça, cet accès à la culture qui nous rassemble et nous nourrit - tout autant que son délicieux petit salé aux lentilles. 

06 septembre 2019

Océanique

Dans notre gîte magique, nous avions un bain nordique - genre de baignoire géante chauffée à 37°C,  au feu de bois, posée dans ce jardin au milieu des causses, le soir sous les étoiles. Nous avons testé, et pour moi ce fut un moment d'exception, une transe légère, comme une méditation spontanée - à la fois totalement présente et absolument ailleurs - incarnée et absente, vivante jusqu'au bout des ongles et grandie jusqu'au ciel, tournée vers l'intérieur et sensible au plus petit froissement des feuilles alentour, aux rires des canards (les canards rigolent, dans le Lot, et pourtant il n'y a pas de quoi :-)), à la multiplication des étoiles au fur et à mesure que la nuit avançait. Un moment de connexion intense avec soi, avec le monde.

04 septembre 2019

Veilleurs

Je ne suis pas une fana des cimetières. Au moment où nous sommes passés près de Capdenac, je n'étais pas sûre d'avoir envie de rechercher une tombe que je n'étais même pas certaine de pouvoir  localiser. Mais au moment où nous passions près du village, Deezer nous a proposé une chanson d'Aznavour pour moi étroitement liée aux obsèques de ma grand-mère. 

J'y suis donc allée. Je l'ai retrouvée. Le lieu était paisible, le marbre tiédi par le soleil, et je m'y suis sentie bien, en paix et pleine de gratitude. Aussi quand Ronan m'a proposé de redescendre au village chercher des fleurs, j'ai acquiescé avec joie. Papoté avec la fleuriste, en lui parlant de cette amie de la famille qui nous avait accueillis si généreusement lors des deux enterrements. Je n'aurais pas été capable de la reconnaître, mais elle était la seule personne que j'aurais eu envie de voir là-bas. 

La fleuriste la connaissait - mais ce n'est pas elle qui a permis qu'à cet instant précis, Anne-Marie apparaisse devant la boutique et que nous tombions dans les bras l'une de l'autre. Qu'elle m'apprenne qu'elle était la filleule de mon grand-père, me montre la maison de naissance de mon père et me promette d'arroser mon rosier.

On en pensera ce que l'on voudra, mais, si chaleureuse que soit cette femme, je suis néanmoins convaincue que cette rencontre parfaitement improbable et ce gros câlin que nous avons échangé, me sont venus directement de mes grands-parents, là-haut. 

J'aurais pu passer ma route. Ne pas retrouver la tombe. Ne pas revenir pour les fleurs. J'aurais pu le faire dix minutes avant, ou dix minutes après. Nous ne nous serions pas vues. Ce soir-là, je suis restée baignée par la sensation de leur présence aimante, d'être veillée par eux.

Et quand nous avons quitté le village - Aznavour chantait à nouveau.

01 septembre 2019

Se mettre au vert

La première bonne surprise, c'est ce luxe de partir quand tout le monde rentre - c'est doux comme une sieste crapuleuse, un délice clandestin. Accompagné de pas mal d’avantages en nature : routes tranquilles, sites touristiques sans foules bruyantes, restaurants paisibles.

(Et d'un peu d'anxiété anticipatrice : les cars entiers de cheveux courts et gris -bermudas unisexe - ou antisexe - Décathlon, qui donnent modérément envie de prendre l'âge). 

La deuxième bonne surprise, c'est de découvrir que je peux être heureuse en vacances loin de la mer, en marchant sur les chemins - du coup je reviens avec un fantasme de Chemin de Saint-Jacques nettement renforcé -  ou en pagayant sur les rivières - la descente du Célé en kayak restera mon souvenir favori de cette semaine-là.

Et ainsi de suite, de surprise en surprise - voir billets ci-dessus - à commencer par ce magique gîte Atypique le bien nommé, sis au Bout du Lieu, ça ne s'invente pas, et c'était vrai, une maison-jardin au milieu des causses, entre ciel et vallée - et si poétiquement mis en scène par ses deux créateurs, artistes et artisans tout à la fois. 


Les villages ravissants - Saint-Cirq Lapopie, Conques, les grottes - Pech Merle, Padirac, l'eau omniprésente (malgré la sécheresse), les arbres, les roches, le ciel qui se reflètent dans les cours d'eau - le calme enfin - si ressourçant. Le Musée de l'insolite, entre art brut et esprit Charlie, mais invitation à la rêverie, à l'exercice du regard aussi...

Les vacances de cette année n'auront pas été longues, ni lointaines ; et pourtant, cette semaine et celle avec les enfants à Antibes resteront parmi les plus charmantes des dernières années.