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06 juillet 2023

Un lieu sûr

Un lieu sûr, c'est ce qu'on installe en hypnose ou en EMDR avant d'aller à la rencontre des traumas petits ou grands - un refuge intérieur, un signal pour le cerveau qu'à cet instant précis, nous sommes bien vivants, calmes et en sécurité. Ce peut être un lieu d'enfance, un lieu de vacances, un lieu imaginaire - l'essentiel c'est d'apprendre à notre esprit à l'évoquer de la façon la plus complète et sensorielle possible afin de pouvoir y revenir.

Depuis la première fois que j'ai fait cet exercice, mon lieu sûr, c'est l'avant d'un voilier en navigation. Il n'y a pas plus complexe ni plus apaisant pour moi en termes de sensorialité. Je vois : le bleu de la mer et celui du ciel, la voile gonflée, l'écume qui déferle et la petite girouette en haut du mât. J'entends - les vagues qui se coulent le long de la coque, le vent qui siffle à mes oreilles, le cliquetis des filins contre les haubans. Je sens la chaleur du soleil, la caresse de l'air, le contact du teck sous ma main. Mais surtout, je ressens la danse du bateau sur les vagues, le mouvement dans mon corps, cette berceuse lente et sensuelle, et, ce que j'aime par-dessus tout, cette suspension du temps et de la pensée. Enfin les mots s'arrêtent, le mental fait silence... Juste : être.

Il y a aussi des souvenirs magnifiques, le lien aux forces de la nature et à leur pouvoir de régénération, la présence d'un absent, la confiance et l'abandon aussi ; si je suis là, c'est que j'ai passé la main, confié la barre : je peux me reposer, sur l'onde et sur l'autre. Juste : respirer.

Cette année j'ai réalisé aussi que ce rythme coulé de l'étrave qui fend les flots, au-delà d'être hypnotique, avait aussi quelque chose de profondément érotique. Une vague lente et cyclique qui résonne loin au creux du ventre au portant, une sensation de puissance à peine domptée au près, et je me suis surprise à me poser la question : suis-je la vague ou bien le voilier, le mouvement ou bien l'accueil ? Les deux mon capitaine - comme dans l'amour, les frontières s'effacent, les questions n'ont plus cours. Juste : sentir.

05 juillet 2023

Lars

C'est une rencontre de hasard comme on en fait dans les ports - un homme solitaire sur un magnifique bateau, venu confirmer l'hypothèse de Charles sur les marins qui sont "ces grands tendres partis bouder au fond des mers". Ici un étranger récemment veuf, qui après de graves soucis de santé avait formé avec son épouse un projet de tour du monde - et qui se retrouve seul à bord, avec un chien pour seul compagnon.

De Lars je garde une série de clichés solaires - son arrivée dans le plus simple appareil, sa complicité avec le chien Hans, le repas délicat qu'il nous a préparé, le cappuccino qu'il m'a spontanément offert tôt un matin, livré en annexe s'il vous plaît, un récit de vie au travers des tatouages qui couvrent le haut de ses bras - mais aussi un sentiment de profonde mélancolie.

Du charisme, de l'humour, mais une infinie solitude - des enfants adultes qui vivent au loin, aucun ami intime, une blessure paternelle que l'on devine entre les lignes (I looked in my father's eyes...) - une sincérité touchante aussi, lorsqu'il évoque sa vie à bord - les rencontres de mouillage qui amènent une brève chaleur humaine, une joie éphémère mais le renvoient tôt ou tard à la cabine trop grande et trop vide où le sommeil ne vient pas. Pour le moment il est perdu et l'admet - lost in translation. Au lendemain de cet échange il me dira : Merci d'avoir posé les vraies questions. 


14 juillet 2020

Toulon


Bon, finalement, il ne s'appelle pas Vent Debout, Veille-au-Grain ou Chasse-Rafale... 
mais c'est quand même le bateau du bonheur. 

17 mai 2019

Parés à virer

Trop de perfection incite à la paresse : zone de nav' parfaite, météo parfaite, équipage parfait... ce n'est pas demain que je vais me coller à nouveau aux eaux froides, aux courants et aux traîtres cailloux de la Bretagne... qu'espérer de mieux que ce rendez-vous annuel, jamais décevant, toujours différent, dans la lumière des îles d'Hyères ? Une eau un peu plus chaude, la prochaine fois ? Deux ou trois dauphins joueurs ? Il faut bien de nouvelles raisons de revenir.... et la nature offre chaque fois de nouvelles raisons de s'émerveiller - ici, un double arc-en-ciel, dont l'un parfaitement circulaire au-dessus de nos têtes - une lumière de fin ou de début du monde.

Arrivée épuisée, j'en suis repartie - pas moins épuisée en fait, malgré les siestes à bord, mais en équilibre à nouveau, le coeur et l'esprit lavés des histoires trop lourdes des patients, des émotions résiduelles qui s'infiltrent et usent lentement, et de mes propres soucis des derniers mois. Une détox de l'âme en quelque sorte ! Le droit à une respiration, à une parenthèse - sans responsabilité autre que celle de soi-même, pas de famille, pas de travail, et même plus de patrie autre que ces quelques mètres carrés flottants, cette petite communauté humaine éphémère, rieuse et touchante.

Il y a tellement de joies simples qu'on oublie - contempler un coucher de soleil, prendre une bonne douche chaude au port, écouter le bruit des vagues contre l'étrave... découvrir chaque année des lieux nouveaux à terre aussi - cette fois, la fondation Carmignac, tout aussi aussi magique que la fondation Maeght à Saint-Paul de Vence. Une architecture au service des œuvres, et qui se confond avec la nature, de grands espaces lumineux, épurés, un écrin de blancheur dans un écrin de verdure. J'adore aussi lorsque l'art contemporain se fait ludique, comme au Palais de Tokyo : ici un labyrinthe de miroirs dans une bambouseraie (le mot existe, j'ai vérifié), une marche dans le noir, du talc jusqu'aux genoux (infiniment sensuel, j'étais à deux doigts de me rouler dedans).

De tous mes stages de voile, celui-ci aura été le moins voileux pour moi - envie et besoin de me laisser porter. Avec quand même le plaisir de constater que certains automatismes sont acquis, et qu'il n'y a plus guère que les manœuvres de port qui m'inquiètent encore. Non le vrai cadeau cette fois aura été un équipage plus chaudoudoux que nature, une pochette-surprise improbable et complémentaire : une gamine pêchue et débrouille au rire communicatif, un ingénieur discret mais attentif et attentionné, un "génération 56" aux cent vies mais au coeur tendre, ma cousine chérie et bien sûr Yves (un autre 56 ;-)), dont la bienveillance permet sécurité et partage. C'était chouette d'avoir deux grands conteurs à bord ! Et autant d'authenticité, dès nos premiers échanges.

Ce matin j'écoutais Lelouch dire, "Le coucher de soleil est intéressant mais ce qu'il y a de plus intéressant, c'est ceux qui le regardent - le coucher de soleil dans les yeux, il est encore plus beau - je veux dire que j'adore la nature, mais je préfère encore le genre humain." Voilà - moi ce que j'aime dans le bateau c'est aussi, beaucoup, l'humain.


08 mars 2019

#coupdetête

...ou alors, pars aux Glénans ! 

08 septembre 2017

Le vent nous portera

(...et tout ira bien...)
Ça marche à tout les coups - et cette semaine, c'était salutaire. Quitter Paris, changer d'énergie, m'octroyer tout de même quelques jours d'été et de vacances - de vacance, rien à faire, rien à penser, momentanément délivrée de mes identités familiale, sociale, professionnelle.

J'ai beau grogner qu'à raison d'une semaine par an, j'oublie tout d'une année sur l'autre, ce n'est pas vrai ; petit à petit, des réflexes se mettent en place, ça devient fluide et léger. Et nécessaire : mettre les voiles... J'aime toujours l'effet pochette-surprise des équipages successifs, ces humains qui se suivent et ne se ressemblent pas, âge, professions, opinions. Sous le regard bienveillant d'Yves - indispensable pour moi cette année, la garantie d'une atmosphère paisible et rieuse, profondément humaine, dont j'avais grand besoin !

J'ai fait le plein de beauté, me suis octroyé deux ou trois baignades, que j'ai savourées : les dernières de l'année ! Les premières aussi, à part une brève trempette dans l'eau fraîche de la Bretagne. Retrouvé avec plaisir cette merveilleuse zone de navigation, avec un vrai coup de coeur décidément pour Port-Cros, petit paradis caché aussi beau vu de la mer qu'à l'intérieur des terres. A bord je respire plus large et plus profond, dors comme un bébé, et chantonne souvent - le signe infaillible d'un bonheur de fond.

Bonheur-bonus, atterrir chez Ghislaine, où j'ai retrouvé l'irrésistible petite Neela, 3 ans, qui m'a parlé dans son sabir franco-anglo-espagnol mais avec laquelle je me suis néanmoins très bien entendue - ça faisait longtemps que je n'avais pas eu de contact prolongé avec un petit enfant, j'ai littéralement fondu lorsqu'elle s'est endormie contre moi. De vrais échanges comme toujours avec Ghislaine, ici quant à l'accompagnement de nos filles, si belles et si fragiles... aimées, trop aimées ? Comment se sépare-t-on, quand on s'aime trop ?

Trois jours de vie de château, villa dans les hauteurs d'Antibes avec piscine, lit king size aux oreillers moelleux, restaurant de plage privée, environnement cosmopolite, et cette réflexion : je me suis d'abord dit que ce n'était pas ma vie. Et puis si en fait, tout au contraire, c'est exactement ma vie, et la vie que je souhaite - la semaine de croisière, ce week-end avec cette famille internationale et chaleureuse. Pas nécessairement au quotidien ! Mais comme une ouverture, des rendez-vous d'autant plus appréciés qu'ils ne sont jamais banals, et me renvoient aussi à la chance d'avoir ce que j'ai déjà. Par la grâce des amitiés, par mon désir d'ouvrir des fenêtres, d'autoriser les rêves, de me régaler des différences. 

13 août 2016

Kifs et spi

 Glénans Paimpol, stage Iles Anglo-Normandes, kifs ;-) : découvrir une nouvelle zone de nav' (dont la petite perle verte de l'île de Stark). Causer méditation et intelligence collective avec notre mono, Bernard. Constater avec plaisir que la pleine conscience, l'EMDR, sont de plus en plus connus de publics variés : un peu plus de poids du bon côté de la balance de l'humanité ?  

Faire des siestes à bord, partout : dans la cabine, dans le carré, sur le pont. Il n'y a qu'en bateau que je me repose comme ça - bercée, à l'abri du monde.

Etre à la barre au lever du soleil. Au coucher, aussi. Voir une lune rose se lever sur la mer. Passer le cap Frehel au spi. Se baigner à Stark, dans une eau transparente, et se sécher au soleil. Boire une Guiness à Guernesey. 

Découvrir les courants, les calculs de marées, et qu'on ne plaisante pas avec ça : si les éléments sont contre nous, ne pas pécher par excès d'optimisme et toujours avoir un plan B. Et un plan C. Intéressante leçon d'humilité et de prudence.

Les rochers aussi demandent bien plus d'attention et de calculs que mon expérience en Méditerranée ! (J'ai découvert l'antidote à la règle Cras, le rapporteur breton : mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire si simple ?)

Angles, distances, hauteur d'eau à une heure donnée (avec un pied de pilote pour la hauteur et une marge de sécurité sur l'heure prévue), alignements complexes, naviguer en Bretagne, ce n'est pas donné à tout le monde. Mais c'est hautement pédagogique ; à refaire, donc !

05 juin 2015

Médecine douce

Mon remède à tout, mon échappée belle : la voile. Il n'y a rien qui me soigne de tout, me porte, me donne des ailes, comme le bateau... Avant même d'y être : je me suis allégée dès l'arrivée en gare de Toulon, je chantais en faisant le marché pour l'avitaillement - et longtemps après - la sensation de tanguer qui demeure, l'esprit lavé de tout, comme neuf.

Psy ou spi, comme dirait Milie ? Bah, les deux, mais là, spi. Un univers sans contraintes et sous la protection attentive d'Yves, un monde clos et flottant, sans autres devoirs que ceux qui contribuent au bien-être de tous - veiller aux repas (merci le marché !), partager l'apéro, papoter comme on ne le fait parfois qu'avec les inconnus, sans image à préserver ou objectifs à servir - juste pour le plaisir de l'échange. Loin de la terre, des news et des réseaux, en plein contact avec l'eau et le ciel, la lune qui se lève, le vent qui joue à cache-cache - en bateau, j'ai l'impression d'être "moi, mais en mieux". Et aussi de trouver un espace protecteur, réparateur, qui répond à un profond besoin d'être délestée parfois de mes responsabilités, bercée, insouciante.

J'ai appris des mots nouveaux, pas le vocabulaire marin (que je commence à maîtriser), mais ceux de notre (somptueuse) zone de nav' : "A m'ment donné" pour au bout d'un moment, "de longue" pour souvent ou depuis longtemps, "dégun" pour personne ou rien

J'ai aussi dépassé un peu ma trouille des manœuvres de port - pas peu fière d'avoir fait la dernière pour rentrer à Toulon, de nuit. Apprivoisé encore un peu plus la carte et la règle de Cras. Et retrouvé quelque chose de ce mythique départ en Corse, moment fondateur de mon amour de la mer : apprendre, oui, mais pas comme une fin en soi - apprendre pour naviguer d'un endroit sublime à un autre (Porquerolles, Port-Cros, Le Levant), pour savoir quand lâcher le contrôle (gilets et chaussures remisés dans les cabines), pour décider de plonger dans l'eau turquoise, pour improviser une course avec un bateau inconnu. Bref, la rigueur, oui - mais au service de la liberté. Jamais stage croisière n'aura mieux porté son nom, et c'est très bien ainsi : après tout, le but ultime n'est pas de savoir faire des empannages parfaits ou de récupérer un homme à la mer en trois minutes, mais bien de naviguer...

C'était chouette de le partager avec ma cousine préférée - qui s'est adaptée à vitesse grand V et dont la joie faisait plaisir à voir, de retrouver Yves, de découvrir un nouvel équipage : le minot, la brute et le méchant, dixit notre chef de bord - à dire vrai, beaucoup d'humour et de gentillesse de tous côtés -  et même un attachant "nouveau sauvage", anarchiste et marginal vivant à l'année sur son bateau avec femme, enfant et chien - un fracassé comme je les aime... mais un amour à distance prudente, désormais.

A peine atterrie, déjà l'envie de repartir, avec la chance d'avoir un horizon à court terme, puisque j'y emmène les enfants dans un mois  : un autre rêve qui se réalise, leur ouvrir la porte de ce monde de la mer et du vent.

06 décembre 2014

Des hommes de coeur

Je ne sais pas si c'est la voile qui veut ça, ou ma bonne étoile qui met sur ma route des humains comme ceux-là - dont la simple présence est un cadeau, tellement ça déborde d'humour, de sincérité, de générosité - dans leurs métiers, dans leurs passions, dont celle qui nous réunit, larguer les amarres... Ecouter Fabrice parler de son engagement écologique, Thierry de la façon dont il conçoit son métier d'avocat, Yves de son nouveau projet Glénans (et lire le bouleversant récit de guerre de sa maman, un partage qui m'a beaucoup touchée), ça fait du bien à l'âme. Si en plus c'est au milieu de ces incongrus bateaux sur moquette au Salon nautique, ou mieux, autour de l'incomparable pot-au-feu de cochon aux épices de l'Avant-Goût (d'autres passionnés !), c'est encore meilleur...

31 mai 2014

Île de Beauté(s)

Lorsque j’ai commencé à apprendre la voile, je venais juste de me séparer – et mon objectif était, d’être à la barre de mon propre bateau. Après deux années et demi à tenir la barre plus ou moins seule, je constate que, dans la vie comme en navigation, être une équipière polyvalente est peut-être une perspective plus douce ! Etre en mer, cette semaine plus particulièrement, aura été reposant : laisser glisser de mes épaules mes identités de femme en cours de divorce, de mère, de psy, pour juste me laisser porter par l’eau qui berce, le groupe qui entoure, le stage qui rythme, quelle chance (chance négociée tout de même : dégager le temps, l’argent, donc faire des choix)...

De stage en stage, il est de plus en plus question de retrouvailles – un rendez-vous amoureux deux fois l'an.

Retrouver la jubilation d’être à la barre au près – mon grand moment préféré, ici avec la cerise sur le gâteau : retour vers Bonif’ avec Alex Hepburn dans les voiles, Shut your mouth Miss Misery, I’ll shoot you down just you wait and see…

Retrouver l’ambiance des ports, les levers et couchers de soleil sur l’horizon, les petits bruits du bateau, les apéros prolongés, et quelques frustrations : je n’ai toujours pas intégré la chronologie de la prise de ris, la préparation des manœuvres de port (ou du mouillage) sonne à mes oreilles comme une langue étrangère - et rebutante, et… il m’arrive encore de me battre avec les nœuds de taquet (je sais, c’est mal). A côté de ça, j’ai dépassé ma trouille du point en mer et de la règle Cras, je crois que je saurais changer une voile d’avant toute seule, et j’ai commencé à apprivoiser la marche arrière au moteur. 

Retrouver Yves comme chef de bord (il y faudrait un billet entier – sensibilité, humanité, générosité, pédagogie blanche, sentiment de sécurité), découvrir ses amis (dont un amiral au grand cœur), croiser la route de Max, recevoir un message de Charles à bord de son Inuit…  

Retrouver tous les plaisirs de la convivialité : se régaler de fromages et de charcuterie corses, déguster une petite caïpirinha maison au mouillage (une compétence indispensable à bord, merci Thierry). Et rire. Chaque jour. Ce qui n’a pas de prix.

Retrouver la Corse, à l’origine de mon rêve de voile - Mai fut plus frisquet que prévu, mais la réputation des Bouches de Bonifacio est méritée : du soleil, du vent, peu de houle – conditions optimales, et paysages paradisiaques. 

Et, plus fort encore, retrouver l’imprévu : un dialogue franco-germano-italien à coups de chansons au mouillage (je n’entendrais plus jamais Bella Ciao de la même façon), la vue à couper le souffle en haut du fort de Bonifacio, le petit port plein de charme de la Maddalena, une page d’histoire sur la fondation de Carthage dans une pizzeria sarde, la baignade dans une eau turquoise à la Cala Brigantina (et l’arc-en-ciel entraperçu au lever du soleil, comme un cadeau supplémentaire).



24 août 2013

Horizon(s)

Bonheurs de navigation : arriver à la voile dans le Vieux-Port de Marseille.
Faire un mouillage dans une crique des îles du Frioul, dernière baignade en mer de l'année dans les eaux claires de la Méditerranée, directement depuis le pont du bateau, ce qui m'a rappelé de beaux souvenirs...
Voir pour la première fois un groupe de dauphins jouer à l'étrave (pas de photos : savourer l'instant, magique, plutôt que de courir après mon appareil ou de regarder la vie à travers un viseur).
Visiter les Saintes-Maries-de-la-Mer.
Profiter d'une météo optimale, le vent n'étant tombé que le temps de déjeuner au soleil avant une petite sieste en nav', mes préférées : jamais je ne dors aussi bien que bercée par les vagues le long de la coque.
Recevoir enfin une explication claire sur l'art et la manière d'attacher les pare-battages et les amarres pour qu'elles partent dans le bon sens par rapport au quai (merci, Max).
Envoyer le spi (enfin, regarder comment il faut faire, à ce jour).
Changer de co'piaule ;-).
Me régaler de gambas grillées énormes, avec un peu d'aïoli.
Sourire de l'équilibre parfois fluctuant des relations à bord, ajouter un Sicilien chaleureux à la liste des chouettes rencontres Glénans, tout comme notre "Mono-Manon" (décidément, la valeur n'attend pas le nombre des années).
Relancer mon envie d'un tatouage Rose des vents (mais pas sur la nuque).
Me battre au jet d'eau sur le pont le dernier jour.
Accompagner le rosé du soir de conserves de poisson de la Belle-Iloise que j'avais ramenées spécialement à cet effet, et d'un peu de blues.
Chanter à la barre, comme toujours, parce qu'il y a peu de choses qui me rendent aussi parfaitement heureuse...

31 mai 2013

"Don't worry about a thing..."

(...ce fut la B.O de ce dernier stage...)

L'air du large encore dans les cheveux, du soleil plein les yeux - sous mes pieds le plancher tangue, décidément j'adore cette sensation.

La zone de nav' : traversée du Golfe du Morbihan, escale au Crouesty, mouillage à Houat, passage le long de Belle-Ile, escale à Groix, balade dans les méandres du Blavet, escale à Kernevel, au coffre sur le Belon (magique : se réveiller en bateau au chant des oiseaux), dans l'archipel des Glénans, à Beg-Meil, nav' de nuit jusqu'à Concarneau : un sans-faute, pour la variété des paysages, au soleil la plupart du temps, avec un beau 4/5 Beaufort la plupart du temps aussi. Et une journée bretonne pour l'expérience : 6/7, creux de 3 mètres, pluie glaciale et continue, grêle (!), et premier mal de mer pour moi ! Me voilà baptisée, hé hé. 

Ce que j'ai appris : à faire le point, à utiliser la règle Cras, à mieux lire les cartes marines ; à ne pas "taper" quand les vagues sont hautes en lofant jusqu'au somment puis en abattant - c'est très fin la barre, un tout petit mouvement peut modifier beaucoup de choses - et en même temps par grand vent c'est parfois assez...physique. A faire des calculs de marées. A laisser remonter un peu mon bateau au vent, quand la gîte devient inquiétante, plutôt que d'abattre en force (intéressant... comme la mise à la cape - mesure d'arrêt d'urgence, ça me semble hautement applicable aux relations humaines...). 

Qu'une part de ma petite fille intérieure, celle qui est pataude, lente, hésitante, qui n'essaie même pas si elle n'est pas sûre d'avoir compris, celle qui a du mal à faire le lien entre la compréhension "avec la tête" et le passage à l'action adéquate était toujours là, bien planquée. Je ne l'ai pas retrouvée avec plaisir, et pour la première fois sur un bateau me suis sentie traversée par des élans de colère et de découragement.

Que cependant, la bonne allure au bon vent, avec idéalement un petit rayon de soleil et quelques petits paquets de mer qui passent de temps par-dessus le roof restait un bonheur absolu, un "kif" incomparable, qui me fait invariablement chanter. Que la sieste à la gîte, sur de longs bords tranquilles (pas avec les creux de 3m !) était le meilleur sommeil que la semi-insomniaque que je suis puisse ressentir (ça marche aussi quand le bateau tourne doucement sur son ancre au mouillage : un sommeil bienheureux ; ce bercement...). Que barreur est mon poste préféré - sensation de puissance tranquille, et de jeu avec le vent, à la limite de l'envol...

Que le mal de mer est une vraie saloperie - je n'imagine pas un équipage où tout le monde serait malade, car c'est absolument paralysant ; je suis restée cramponnée, immobile dans la descente deux bonnes heures, incapable de faire un pas vers le cockpit (trop froid) ou de descendre dans le carré (nausée intolérable si plus d'air). Une leçon d'humilité, et de prudence : prendre toutes les mesures possibles pour ne pas être dans cet état !

Ici que la voile est un travail d'équipe - "comme un seul homme" ; et que s'il n'y a pas cette dynamique, cette confiance, cette cohésion, ni un commandement clair, ça merdouille aux manœuvres... 

Les petits moments + : la soirée chant, les rillettes de maquereau maison avec notre pêche du jour, les moules de Groix, le mouillage au Belon, au soleil de fin de journée et après la journée grêle, juste bien pour sécher ! La nav' de nuit, même courte et hors programme, nous a offert une jolie fin de stage. 

Le cerise sur le gâteau : pour ne pas rentrer tard à Paris le dernier soir, j'avais demandé un hébergement à Concarneau à une fille du réseau CouchSurfing. Bonne idée : la ville close vaut le détour, les plages de sable blanc aussi. Et la maison (ravissante) de mon hôtesse (super sympa) était...mitoyenne à la base des Glénans ! Soirée papotage et voile - cette fois-ci, la plus belle rencontre de stage s'est faite à terre.

01 novembre 2012

Haut les coeurs !

(parce qu'il y a des jours où vraiment, il faut)

Allez les filles allez courage on va y arriver
Car ce canot de sauvetage s'appelle Liberté
La prison est trop loin derrière pour y revenir
Et le confort de la galère nous fait vomir
Alors allez les filles courage c'est notre chance
Que ce bateau aie fait naufrage à mille lieues de la France (...)
Et on les aura mis ces voiles largué nos amarres
On sera allées jusqu'aux étoiles jusqu'à la nuit noire
R'gardez le ciel nous fait sa fête avec ses filantes
Ces astres qui rasent les crêtes en dilettante (...)


Amélie-les-Crayons, Les filles des forges
(...l'album, Jusqu'à la mer, est un bonheur...)

26 octobre 2012

Reconnaissance

Où ailleurs qu'aux Glénans croiser la route d'un gentleman franco-américain chercheur en ethnologie et professeur émérite au CNRS ? De notre exquis dîner d'hier soir, outre des histoires passionnantes et une belle sincérité dans l'échange, j'ai retenu trois choses :

- Une philosophie de vie que je partage, et qui se résume à vivre au présent, à savoir mesurer ses attentes, et  à cultiver l'art de la gratitude.

- L'idée que les liens humains sont par nature des liens dits faibles - mouvants, libres, et donc voués à l'évolution et à la disparition, qui permettront l'établissement de nouveaux réseaux, et ainsi de suite. Un scandale pour l'obsédée du lien et de la question de la perte que je suis - mais une vérité aussi évidemment...

Le même disait plus tôt que je ne sais quel peuple d'Asie du Sud-Est considère que sept mariages est un nombre optimal - reflet de la volatilité de nos investissements et garantie d'un maillage social resserré grâce aux familles recomposées (et tant pis pour notre Occident qui crie à la mort de la famille nucléaire comme signe de la déliquescence de notre société...).

- Et que les "voileux" sont pour beaucoup "de grands tendres partis bouder au fond des mers" - mais ce secret-là, je le connaissais déjà... :-)

13 octobre 2012

Sillage

Pour moi qui rêvais de (re)prendre la barre de ma vie, avoir entre les mains celle d'un superbe voilier de 12 mètres a été une expérience magnifique - je ne compte plus le nombre de fois où j'ai soupiré "Mais quel bonheur !" - au cours de cette semaine. Partir au large en gardant les pieds sur terre, beau projet ;-)...

Je me suis entendue dire avant mon départ qu'être en bateau me faisait exactement le même effet qu'être amoureuse (sans les ennuis qui vont avec :-))) : plénitude, densité, confiance. C'est vrai - je suis radieuse sur les photos, et reviens à la terre ferme avec une sensation de sécurité intérieure retrouvée (au moins dans cet espace !).


D'autres bonheurs : dormir en bateau, le soleil qui se lève derrière la barre à roue, les échanges tous azimuts avec notre équipage et avec les autres bateaux, écouter chaque soir des histoires de mer - belles ou terribles, croiser la route de passionnés.

Des sensations aussi - à la gîte par force 6-7, assise à la proue, ou grimpée tout en haut du mât (commentaire de ma petite grand-mère, 87 ans : J'aurais adoré ça ! la même voudrait voler en parapente pour son 90ème anniversaire...)

Avoir gagné si incroyablement vite en autonomie, bonheur partagé par mes deux complices du stage Azur, Emilie et Max, rencontrer Charles, et Loli, et Damien, et Yves, notre moniteur - humanité, humour, fluidité - pour moi les rencontres humaines sont un bonheur à égalité avec la mer... Deux stages, deux séries de belles rencontres - bonne pioche ou vraie communauté d'esprit aux Glénans, malgré nos différences d’horizons et divergences d'opinions ? Les parcours de vie, les métiers, les voyages ne sont pas les mêmes - mais ils ne sont jamais banals...

Des voyageurs, des curieux de tout, des humains aptes à vivre ensemble dans un espace restreint tout en gardant une attention à l'autre, et... de bons vivants (apéritif chaque jour, confit de canard et quiches lorraines maison, huîtres le dernier soir).

Et l'idée que ce bateau magnifique est un peu à moi - à hauteur d'1/14 000ème, dixit l'un des moniteurs du bateau d'à côté, de retour d'une navigation hauturière - 1/14 000ème, ça suffit amplement à mon bonheur.


17 septembre 2012

Ooops I did it again


Même (et peut-être surtout ?) si c'est déraisonnable à tous points de vue...
 j'ai re-signé. Et je repars en octobre.

"Le remède à tous maux est l'eau salée : la sueur, les larmes ou la mer."
Isak Dinesen (également connue sous le nom de... Karen Blixen).

17 août 2012

Marine

...c'est le prénom que je rêvais de porter quand j'étais enfant, c'est aussi une mythologie dans lequel mon grand-père maternel m'a fait baigner, lui qui n'a pourtant été marin que le temps de ses années de guerre. C'est une affinité inexplicable, un souvenir indélébile, et, ces temps-ci, une évidence : mettre les voiles, être seule à la barre, que pourrais-je rêver de mieux à ce jour ?


L'école de voile des Glénans, on en retrouve aussi la trace dans mon histoire familiale, amicale, et amoureuse... La question s'est posée pour cet été - repartir accompagnée, ou apprendre à être autonome ? J'ai choisi l'autonomie (enfin, la première marche :-) - un B.A. BA...). Et je ne l'ai pas regretté.

Petit best of : des monos passionnés et munis d'un solide sens de l'humour (il valait mieux !), un bon fou-rire après deux remarquables hommes à la mer, une progression nettement plus rapide que ce que j'avais imaginé (finalement, cata, dériveur et char à voile m'ont laissé quelques souvenirs), des baignades au mouillage, danser le rock pieds nus sous les pins et la valse dans la cuisine en fin de bordée, de belles complicités dans un groupe dont les âges s'échelonnaient entre 18 et... 57 ans, dormir à la belle étoile (filante !) sur le trampoline des catamarans, rêver en les voyant filer comme de grands oiseaux sur l'étang, une mini-régate par... non-vent il faut bien le reconnaître (nous avons sérieusement envisagé la propulsion avec des palmes ;-))), de jolies rencontres (dans l'esprit de mes CouchSurfeurs : des voyageurs dans l'âme, des humains qui voient la vie autrement...), une vie (très) collective qui pour moi n'est pas un poids mais un plus ! Préparer un risotto pour 25, je n'avais encore jamais fait... mais j'aime beaucoup cette idée d'une co-responsabilité, pour le quotidien, le matériel ou la sécurité des uns et des autres. Bref, suis arrivée déjà séduite et repartie absolument conquise - et je n'ai plus qu'une envie, celle de mettre à nouveau les voiles...

11 août 2012

Du vent dans mes voiles


Cette semaine, je serai LA.

17 août 2011

Navigateurs

Je ne crois pas aux vies antérieures. Mais je ne vois pas d'autre explication à ce que je ressens dès que je pose le pied sur un bateau (bon, je n'ai jamais affronté de mer très agitée, non plus), ou même, à la simple visite de la Cité de la Voile la semaine passée. C'est antérieur à ce voyage fondateur vers la Corse il y a deux ans, même si la conjonction parfaite entre la liberté du voilier et la vérité du désir qui m'avait fait m'embarquer a fait de cette croisière un bonheur indélébile. C'est antérieur à la balade vers Houat ou Hoëdic il y a quelques années avec le père d'une amie - mais la sensation était déjà là. C'est antérieur encore à mes toutes premières expériences d'enfant, en Optimist, 420 puis catamaran, au petit dériveur de mes oncle et tante. C'est une mémoire mystérieuse, une affinité incontestable, qui se rapproche et se conjugue avec celle que j'ai pour les îles.

Quand on sait qu' ça existe / Quand on connaît l'bonheur / Tout le reste semble triste /Tout le reste fait peur / Quand on a plongé là / Qu'on s'est pris la fraîcheur / En pleine gueule, à pleins bras / On n'veut plus être ailleurs / Quand on connaît le ciel / Vu d'en bas, vu d' la mer / Quand on s' poudre au gros sel /Sous le fouet du grand air / Quand on sait comme c'est bon / D'se nettoyer l'esprit / En plein vent, sur le pont / D'un flottant paradis... (Lynda Lemay)

Dans les couloirs de la Cité de la Voile, j'ai rêvé longtemps devant les témoignages des grands navigateurs, ces fous de vagues et de vent, d'une liberté à peine imaginable pour nous autres petits terriens terrestres... suis revenue le coeur comme élargi - simplement pour avoir barré quelques minutes, le temps d'une brève sortie dans la rade de Lorient.

15 août 2009

Mettre les voiles

Une succession ininterrompue de premières fois.
Le premier souvenir, peut-être le plus fort, c'est la traversée... Quand le jour tombe, quand les côtes disparaissent, quand les phares peu à peu s'éteignent... Je ne suis jamais allée dans le désert ; mais je crois que c'est à cela que ça doit ressembler : être un tout petit point perdu entre deux immensités, une voûte étoilée vierge de toute nuisance lumineuse humaine, et la mer immense, à perte de vue... Un tout petit point qui suit une invisible route - et la nécessité corrélative de faire confiance. Un petit point dérisoire et si vivant, un petit point qui traverse l'angoisse de la nuit et de l'inconnu et découvre le bonheur d'être seul à la barre, à guetter le premier rayon du soleil. Ce qui vient alors, est un chant ; et quelque chant que ce soit, c'est un Magnificat.

(mais aussi, la parole pleine engendrée par ce temps suspendu...)

Un autre souvenir ce sont les animaux - un invraisemblable banc de cachalots, des dauphins prudents mais curieux, un phoque esseulé, une libellule qui restera à bord jusqu'au retour... un instant unique de jeu, je ne vois pas d'autre mot, avec une petite raie volant sur un fond de sable blanc.

(et puis, dormir bercée par la houle, nager en haute mer, faire un feu de bois flottés sur les galets, planer à l'avant du bateau, les yeux dans les voiles...)

Un autre encore, c'est la communion avec la nature - la prise de conscience d'être dans un environnement limité en eau douce, en énergies diverses - le respect naturellement inspiré par la beauté de l'environnement, la présence des quatre éléments : le geste écologique devient alors une évidence, le constat de l'absence de désir de consommation aussi, et l'envie grandissante de fuir l'agitation des ports... La tombée des enveloppes sociales - s'habiller, se coiffer, se maquiller, pour quoi ? Un autre rapport à l'ordre aussi - quand la mer s'agite, et elle ne prévient pas nécessairement, le verre qui casse, la bouteille mal refermée, les objets qui valsent ne deviennent pas seulement un inconfort, mais un danger... là comme ailleurs, l'exigence d'une qualité de vigilance.

Un autre encore, l'acquisition d'un autre vocabulaire - bouts et drisses, aussières, taquets - grand et petit foc, gênois, trinquette... d'autres repères - cet autre bateau encore si loin dans la nuit, vient-il vers nous ou passera-t-il son chemin sans nous croiser ? L'idée si belle qu'au-delà des instruments modernes de navigation, rassurants mais toujours faillibles, il suffit d'une carte, d'une règle et d'un compas pour tracer sa route. Penser un instant à la folie des grands navigateurs, partis non seulement sans GPS mais aussi sans carte, à la rencontre de mondes improbables.