28 février 2019

No comment


23 février 2019

My Beautiful Boy

De plus en plus souvent, au cinéma, et plus encore devant l'écran à la maison, je m'ennuie. La fiction n'accroche pas, ne retient pas mon attention, me semble vaine, loin de mes préoccupations, et/ou de la réalité. Du temps de vie perdu, un gavage silencieux ou une anesthésie sournoise - dormez en paix braves gens, regardez Netflix. Ces derniers temps, j'ai un peu retrouvé le goût du cinéma, avec Bohemian Rhapsody, Green Book, Pupille, Les Invisibles.

Et puis ce soir je me suis fait cueillir par My Beautiful Boy. Sortie en état de choc, en larmes quelques minutes après. Parce que, même si j'espère ne jamais avoir à accompagner qui que ce soit au fond du gouffre de la toxicomanie, chacune des émotions, des réactions du père m'est allée droit au coeur - droit dans le coeur. L'incompréhension, l'impuissance, le désespoir, la colère, le rejet, la recherche frénétique d'explications, de voies de passage, l'angoisse omniprésente, et cette folie d'amour prête à faire n'importe quoi, encore, et encore - jusqu'à la déraison ou à la mise en danger de soi, de l'entourage qui ne comprend plus, ne peut pas comprendre. L'intolérable confrontation à l'image de l'enfant merveilleux d'avant, devenu un étranger ; la culpabilité vertigineuse : à quel moment la ligne de faille s'est-elle ouverte ? Comment avons-nous pu passer à côté ?

Et la honte, le désespoir, l'agressivité coupable de l'ange déchu (incroyable Timothée Chalamet) - comment supporter autant d'amour lorsqu'on se hait à ce point ? Comment ne pas se poser la question du lien entre cet amour-trop et la dépendance aux toxiques, comme s'il était impossible de se sevrer de cette enfance ? A fortiori quand une issue se dessine à l'instant même où le père renonce, reconnaît sa limite, son impuissance - accepte le risque de la plus définitive des séparations ?

20 février 2019

Libérée, délivrée...

C'est déjà chouette, quand une patiente reprend rendez-vous des mois après simplement pour dire qu'elle va bien, et exprimer sa gratitude. Mais quand en plus elle arrive pour raconter la façon dont elle s'y est prise, avec tout le chemin parcouru mais aussi avec sa propre créativité retrouvée, pour clore elle-même le lourd dossier qui l'avait amenée à consulter - pour faire une fin, refermer la boucle, c'est cadeau. Pour ceux qui se demanderaient, à quoi ça sert, la thérapie ? Dans le meilleur des cas, exactement à cela. A gagner en liberté. A reprendre la main. A devenir son propre thérapeute, un bon parent pour soi-même, son meilleur ami. Qu'elle ait trouvé elle-même le geste de clôture dont elle avait besoin, et qu'elle ait eu le courage et l'élan de le mettre en oeuvre, ça me ravit. Le sort est levé : c'est fini. 

17 février 2019

Le docteur est pressé...

J’ai répondu: « Eh bien, il faudrait que je sois cinglée pour me plaire ici. » Puis des femmes se sont mises à crier dans leur cellule, enfin j’imagine qu’elles hurlaient parce que la vie leur était insupportable… Dans ces moments-là, je me disais qu’un psychiatre digne de ce nom aurait dû leur parler. Pour alléger leur misère et leur peine, ne serait-ce que temporairement. Je pense qu’ils (les médecins) pourraient même apprendre quelque chose… Mais ils ne sont intéressés que par ce qu’ils ont étudié dans les livres. Peut-être qu’ils pourraient en apprendre davantage en écoutant des êtres humains vivants et en souffrance. J’ai le sentiment qu’ils se soucient plus de leur discipline et qu’ils laissent tomber leurs patients après les avoir fait « plier ». (...) Enfin, les hommes cherchent à atteindre la lune mais ils n’ont pas l’air très intéressés pas le cœur qui bat de l’être humain.

Lettre de Marilyn Monroe à Greenson

05 février 2019

Attendre

Le Père Noël. Ou que le Yabon se transforme en Y'a pas mieux. 

Je suis dans ce temps suspendu, dans l'attente d'une réponse professionnelle. C'est une sensation étrange. Qui oscille entre une confiance irraisonnée - comme s'il ne pouvait pas en être autrement, parce que les planètes semblent être bien alignées, parce que ce serait cohérent avec mes expériences précédentes, parce que de bonnes fées m'ont transmis l'information en temps et en heure - et une vulnérabilité démesurée - comme si une éventuelle réponse négative, pourtant avant tout tributaire de la nature des autres candidatures - relançait ce sentiment de n'être jamais à la hauteur, exclue d'un monde qui me dépasse.

Toujours est-il que dans cette attente, je me vois incapable d'investir une suite quelle qu'elle soit. Bien sûr, je suis allée à deux autres entretiens, j'ai fait une candidature suite à une information sur un autre poste vacant, relancé deux contacts - mais je n'y suis pas vraiment, j'ai comme oublié le contexte - l'urgence financière, les annonces ineptes - je suis en suspens.

Je suis dans ce temps suspendu, dans l'attente de réponses pour Elsa. Sans surprise pourtant, nous irons vers davantage de soin ambulatoire dans un premier temps, et vers un dossier de soins-études, probable détail des modalités demain. J'oscille entre le vertige - internat, sortie de route scolaire, sociale, que se passe-t-il ensuite ? et une paix préoccupante - comme si la voir à la maison, heureuse et calme, ré-investissant espaces de jeu et de création, devenait par moment une norme dont je n'arrive pas non plus à me représenter les évolutions possibles. "J'ai comme oublié le contexte" là aussi.

Je suis dans un temps étrange - et je ne sais pas dire si ce détachement relatif, par ailleurs inconstant, est une protection contre la violence des enjeux en cours, ou un effet des petites pilules de ma "boîte à rêves".