31 octobre 2019

Je voudrais un miracle

Je voudrais un miracle.

Remonter le temps.
Il y a trois semaines.
Hugo était encore là.
Il y a deux mois.
Elsa était en soins et en classe.
Il y a trois ans.
C'était déjà dur mais encore gérable.
Il y a quatre ans.
Il y a dix ans.
Nous allions voir les vitrines de Noël des grands magasins et nous lisions les premiers Pico Bogue. 

Je voudrais un miracle.

Je voudrais avoir encore l'âge où il est possible d'appeler à l'aide, et de voir arriver une fée ou un bon génie qui console, protège, prend l'intendance en charge, essuie vos larmes et vous prépare un  bon chocolat chaud en vous assurant que tout ira bien (mais je pense que je n'ai jamais eu cet âge-là). 

Je voudrais un miracle.

27 octobre 2019

Croire

Ça me bouleverse le poids des mots, qui sont notre seul et fragile rempart contre ces jours si sombres. Je t'aime, je suis là, je te fais confiance, tu es forte, courageuse, mais je compte sur toi pour nous demander de l'aide quand tu en as besoin. Des mots si légers et si décisifs à la fois...

Au moment où tout paraît si difficile, il n'y aurait rien d'autre à poser qu'un acte de foi ? Croire en moi, croire en elle, croire en la vie. Croire que ce long chemin si imprévisible, si singulier, lui a donné les armes pour faire de cette ultime épreuve un moment de vérité. Croire que c'est précisément ce tutoiement du pire, ce coude-à-coude avec la mort qui peut lui permettre de choisir la vie, de décider de se sortir des peines enfantines et des colères adolescentes pour entrer pleinement dans la responsabilité de soi : se soigner, étudier, aimer, se donner les moyens de vivre sur tous les plans.

Elsa n'aura pas un chemin ordinaire ; mais en a-t-elle jamais eu un ? Si je relis ses mots d'enfant, sa vivacité, sa lucidité - parfois extra-lucidité, son humour ont toujours été là - ses fragilités aussi. 

Peut-être nous faut-il retrouver Blizzard ici : Parce qu’on est de ceux qui guérissent, de ceux qui résistent, de ceux qui croient aux miracles...

Hors service

Dix jours avant le drame, je me demandais déjà par quel miracle notre bateau-maison survivrait à une brutale sortie de soins d'Elsa, en l'absence de tout projet réaliste et organisé. Et j'étais terrifiée par le risque de vivre encore une fois les élans d'espoir fou, d'enthousiasme provisoire, puis la longue et dangereuse glissade vers le vide qui sont maintenant notre lot depuis des années. Mais là...

Comment repenser la vie, reconstruire le futur, à partir de ce point de non-retour ? Où trouver l'énergie, en travaillant à temps plein, de tenir en respect l'angoisse de laisser Elsa seule tout en continuant à chercher et à mettre en place des propositions, soins, CNED, associations, projets ?

Suis K.O depuis vingt-quatre heures. Nauséeuse, incapable de me lever, d'échapper au vertige et à l'envie de vomir. Terrassée par l'impuissance, l'inquiétude, l'ampleur d'une tâche qui n'en finit plus et qu'ici je ne sais plus par où commencer, enfin, reprendre, enfin poursuivre...

23 octobre 2019

20 ans de Léo, Part 2


 Le casting cadeau c'était, un moment à vivre, un moment d'échange et de partage privilégié, singulier, un moment d'exception qui reste dans nos mémoires, une expérience nouvelle, la découverte d'un univers. 

Je suis heureuse de m'être entendue dire en partant, cette soirée est exactement comme je l'avais espérée. Et même au-delà, parce que c'est si bon de se laisser surprendre. Par la qualité et la sincérité de nos échanges : plus de trois heures passées comme en rêve, par l'inventivité des plats (ce turbot avec sa mousse de potiron au rhum...), par l'élégance du service, attentif sans être guindé.


Parce qu'elle lui a offert tant de premières fois : premières huîtres (en gelée d'eau de mer, avec une crème de raifort et un petit morceau de poire comice), première invitation à goûter les vins, première découverte des rituels de la gastronomie française : cette attention portée aux moindres détails - la présentation, la vaisselle, les mises en bouche, les mignardises, le champagne exquis, les menus dégustation en plusieurs plats accompagnés chacun d'un vin différent, les mariages de saveurs inattendus, pigeon et grué de cacao, sorbet à la betterave couronnant le dessert supplémentaire offert par la maison pour l'anniversaire...

Parce que j'ai adoré qu'au moment précis où j'évoquais mes grands-parents paternels, qui m'ont donné le goût des belles et bonnes choses, l'accès à cet artisanat d'art que devient la cuisine quand elle atteint ces niveaux, on nous présente un joli vin blanc du Château de Jau, si étroitement lié pour moi au souvenir de chaque été passé avec eux, et où nous avions aussi emmené Léo et Elsa. J'y pense maintenant : le blanc de la seconde entrée venait lui du pays de la Loire, soit de l'histoire de mes autres grands-parents...

20 ans de Léo, Part 1


22 octobre 2019

Sur le fil

En escale entre deux séquences de travail, au milieu de cette semaine bouleversée et bouleversante, je me pose dans un bar de la Butte-aux-cailles. Au serveur un peu lourdingue, je demande "quelque chose qui me change les idées". Il y a un vieux monsieur au comptoir, que je ne remarque que lorsqu'il s'approche, et me propose... de l'accompagner à une lecture théâtrale faite par des élèves du Conservatoire le soir même . Pourquoi ? Parce que j'ai entendu que vous aviez besoin de vous changer les idées... je suis très touchée de son geste spontané (mais j'ai un groupe à animer après, qui s’avérera très émouvant aussi), on papote, c'est un homme de théâtre, qui vient prendre son café ici à 18h parce que le théâtre est un monde de la nuit...

En partant il me laisse un flyer - après avoir enseigné le théâtre pendant des années, aujourd'hui il invite les aspirants acteurs à...marcher sur un fil. Le thème comme l'illustration du flyer me vont droit au coeur, un ange est passé. 

17 octobre 2019

Le soleil noir

Ce même jour, ailleurs, quelques heures plus tard...

...mais un enfant est mort,
Là-bas, quelque part,
Mais un enfant est mort,
Et le soleil est noir...
Barbara

Le rire médecin

Ce n'est pas fréquent, une équipe de dix psys, d'orientations différentes, partageant dans un même lieu des missions multiples, riches d'une histoire institutionnelle complexe mais ayant su la traverser. Une équipe dans laquelle il est possible de poser, déposer aussi ce qui nous anime, nous bouleverse, nous habite. Ce matin-là, nous fêtions le départ de l'une d'entre eux, mais cette photo, nous l'avons faite pour celle qui manquait, hospitalisée ce matin-là.

"Parce qu'il sait qu'il faut rire de ce qui fait mal pour garder son équilibre, pour empêcher le monde de vous rendre complètement fou. Mac sait que rien ne va sans douleur. Mais il se refuse à laisser la douleur éclipser le côté humoristique des choses, de même qu'il se refuse à laisser l'humour prendre le pas sur le mal."

Ken Kesey, Vol au-dessus d'un nid de coucou

13 octobre 2019

Entre la poire et le gorgonzola

Elle attendait depuis des mois qu'il n'y ait pas trop de monde sur le stand, la vendeuse de notre traiteur italien adoré sur le marché. Pour me poser juste une question : "Vous ne seriez pas "médecin-psychologue" vous ?" Euh, médecin non mais... comment savez-vous cela ? Elle savait, parce que je l'avais reçue pour quelques entretiens conjugaux au Planning Familial de Vitry, il y a plus de dix ans de cela. Elle se souvenait de moi. De nos échanges, qui l'ont aidée à prendre la décision de sortir d'une situation de couple devenue intenable. Elle vit seule avec ses enfants désormais, mais se sent bien, en équilibre. Elle voulait juste me le dire. Mon cadeau du dimanche. 

11 octobre 2019

Golden Lights

Je suis fière
Fille de la Terre (...)
Fille de l'Eau
Comme la rivière
Fille du Vent
Pleine de mystères
Fille du Feu
Pleine de lumière

Je suis fière
Fille de la Terre.

A nouveau.

Je ne l'ai pas lu, je me suis juste fait happer par la phrase au détour d'une critique littéraire...

La fin d'une histoire d'amour - et encore plus d'une famille - assassine le pays miraculeux de l'enfance. La chute nous fait basculer de l'âge adulte à la fragilité de l'enfant abandonné que nous restons toujours plus ou moins.
Olivier Frébourg, Où vont les fils ?

Le propre du trauma : un passé qui n'en finit plus de redevenir présent.