29 novembre 2010

Bookcrossing & Birthday

Chaque année à la même époque, j'ai un fantasme récurrent : susciter des rencontres entre les gens que j'aime, et qui appartiennent à des horizons, ou à des strates de vie, différents. L'édition 2010 - autour du partage des livres - aura été particulièrement douce. Bien sûr, le vin chaud aux épices, brûlant et parfumé, a pu aider :-).

Mais au-delà de ça - une fois les livres choisis, et parfois négociés ! il y a eu un petit moment de grâce à entendre chacun dire - voilà pourquoi j'ai eu envie de partager celui-ci - ou bien pourquoi je l'ai choisi - le titre, la couverture, quelques lignes - et à bifurquer vers d'autres titres, d'autres histoires, les livres jamais terminés, les achetés mais jamais lus, et ceux lus et relus.... Un moment rond, parfait, tranquille, dans une jolie qualité d'écoute. Voir des amis repartir avec des listes de titres - sur un petit carnet, mais aussi (j'ai les noms !) griffonnés sur une serviette en papier, ou même sur le dos de la main, les mots doux, au moment du départ ou sur la boîte mail le lendemain, quel bonheur...

Les absents présents par leurs livres (j'en ai même reçu par la poste !), la mise en voix talentueuse des premières pages d'un roman que nous avons par conséquent tous eu envie d'emporter, l'adoption des livres restés ophelins (je n'avais pas pu m'empêcher d'en déposer plusieurs), les voyages de La Princesse de Clèves dans l'ascenseur (car les livres voyagent ou ils ne voyagent pas !), les gourmandises à partager, les petits cadeaux bien vus et délicats, quel bonheur...

Juste un monde

Mon plus joli cadeau d'anniversaire...

Je ne me limite pas
A ce qu'il faudrait faire ou pas,
Fais ci, fais ça, les conventions qui font les lois,
Ce n'est pas pour moi

Je veux juste un monde
Où l'amour est la loi
Juste un nouveau monde,
Bien loin du quant à soi

Les personnes que j'aime me prennent comme je suis,
Elles font tourner les moulins de mon coeur,
Un jour à deux, une semaine ou une vie
T'es sincère, un peu brut, même pas peur

Je veux juste un monde
Où l'amour est la loi
Juste un nouveau monde,
Que je ne connais pas

Je ne sais pas où cela me mène
Mais la vie me danse comme ça
Je sais pourquoi parfois tu m'aimes :
Je suis femme, je suis libre, et vraiment là

Je veux juste un monde
Où l'amour est la loi
Juste un nouveau monde,
Entre toi et moi

David

22 novembre 2010

Cousins de coeur

Nos enfants n'ont pas de cousins. Enfin, pas de vrais cousins. Mais... il y a les enfants des amis de toujours, ou presque - ces amis témoins de nos vies - parfois aussi témoins de mariage, parrains et marraines, etc. Et quand on les mélange - ces enfants que nous avons vus naître, ça ressemble quand même drôlement à une famille de coeur. Hier à la maison ils étaient sept entre 6 et 12 ans - et même un huitième, petit voisin adopté au passage, et le temps d'une après-midi de novembre, même sans cheminée, les Pictionnary et autres Taboo ont eu un petit goût de fête de famille - chocolat chaud et clémentines compris.

20 novembre 2010

Colloques

Le premier - sur la prévention des violences sexistes et l'éducation à la sexualité. Gargarismes, ronds-de-jambe, pieuse exhortation à faire encore davantage. Oubli : tant qu'il n'y aura pas plus de moyens humains, tant que les dits moyens humains seront payés au royal salaire de neuf euros de l'heure, je ne vois pas comment tous ces magnifiques projets pourront voir le jour. Neuf euros de l'heure - le prix alloué à l'éducation et à la prévention.

Tant que l'Adjoint à je-ne sais-plus-quoi à la Mairie, seul homme de la tribune, se félicitera d'oeuvrer parmi ces femmes remarquables, mais se tirera sans avoir le respect élémentaire d'écouter leurs interventions, j'aurai du mal à croire aux grandes déclarations d'intentions.

Tant que j'entendrai des insanités du genre, la différence des sexes est une construction idéologique et sociologique (et donc dans un futur meilleur nous serons tous enfin pareils), j'aurai juste envie de quitter la salle - ce que j'ai fini par faire. Egaux car semblables - sans moi. Egaux ET différents, et heureux de cette différence, qui nous fonde, nous enrichit, nous réjouit - oui. Mais de cette belle différence, et de la nécessité de marcher main dans la main, dans cette assemblée quasi-exclusivement féminine, je n'ai pas entendu parler...

Le second colloque au contraire - fêtant les 25 ans de l'association Pikler - fut un bonheur. Bernard Golse, a commencé par souligner que nous vivions dans une société experte en production de biens inutiles mais aussi d'individus de plus en plus en défaut d'humanité. Et ensuite ?

Des professionnels se sont succédé pour expliquer comment, grâce à Emmi Pikler, ils travaillent au jour le jour dans un accompagnement humanisé, respectueux, sous le signe du lien et de la parole, auprès des plus petits (maternités, crèches, pouponnières...). Dans une attention aux plus petits détails, dans un respect infini de tout ce qui peut soutenir l'accès à l'autonomie et à l'authenticité affective - une véritable éthique du Care, qui trouve toute sa place dans cette Box !

La directrice de l'Institut Pikler en Hongrie, une très vieille dame (et fille d'Emmi Pikler elle-même), est venue tout exprès de Budapest partager dans un français émouvant son émerveillement intact et transmettre l'essentiel de l'esprit qui anime cette approche.

Loczy, c'est le "petit village hongrois" : des résistants à la pensée unique, productiviste et comportementaliste - la démonstration par l'exemple de ce que signifie réellement le mot prévention (et des moyens que cela exige - en temps, en disponibilité, en élaboration, en collaboration) - l'antithèse des creux discours de la veille : voir aussi .

Entendre témoigner des équipes qui vont bien, qui s'interrogent, qui mettent en oeuvre cette idée "Loczyenne" des poupées russes (l'institution entoure les professionnels, qui à leur tour entourent les enfants), qui gardent intérieurement vivant le sens de leur démarche, m'a fait un bien fou. Redonné envie, et foi dans l'idée que c'est possible.

15 novembre 2010

La chanson

Celle qui entre par une oreille
Trouve l'autre fermée
Et ressort par la bouche
La chanson... (Claude Nougaro)


A la maison, c'est un jeu - involontaire souvent, volontaire parfois : l'un fredonne, et l'autre se retrouve sans savoir pourquoi à siffloter La chanson des Barbapapa, un jingle de pub ou Les demoiselles de Rochefort... chez nous, la musique est contagieuse ! Et jubilatoire, quand c'est un fait exprès.

Ca peut donner lieu à des dialogues savoureux, aussi : Elsa, c'est toi qui m'a encore mis La Banane dans la tête ? (Normalement, si vous la connaissez, là, vous êtes cuits : ça fonctionne aussi par écrit).

Et à de petits moments de poésie, quand un ouvrier dans la rue chantonne Come Prima, ou encore l'autre jour, le préposé à l'accueil de la Poste, l'Amant de Saint-Jean... Je suis repartie avec (l'Amant hein, pas le postier). J'aime beaucoup cette idée - d'un air qui circule et voyage à travers la ville. Sous les ponts de Paris s'envole une chanson...

14 novembre 2010

Esquisses

Cette année, envie de légèreté, de création, de partage. D'expérimentation aussi : le tango, la danse orientale, et ce week-end, la sanguine, ici. Les enfants sont là ? Pas de problème - au contraire : j'adore l'idée qu'ils soient en contact avec des adultes de tous âges et de tous horizons, mais vivants - je les ai donc pris sous le bras et nous sommes partis dessiner chez Marie-Madeleine. J'ai été bluffée par la capacité de concentration d'Elsa, qui est revenue enthousiaste. Et Léo, qui aime dessiner à peu près autant que moi j'aime disons le foot ou les jeux sur ordinateur, y a finalement pris plaisir aussi... Prochaines envies : la peinture, et le clown.

13 novembre 2010

Tissages

Un des passages que je préfère, en littérature, est extrait des Villes impossibles, d'Italo Calvino. Calvino y décrit une ville imaginaire, baptisée Eufemia, où les marchands de toutes nations se rassemblent à chaque solstice et à chaque équinoxe pour échanger des marchandises. Mais ils ne se retrouvaient pas à Eufemia uniquement pour faire commerce d'épices, de bijoux, de bétail ou d'étoffes. Ils y viennent pour se raconter des histoires - pour, littéralement, échanger du vécu.

Et voici comment ils procèdent : ces hommes, écrit Calvino, se rassemblent la nuit autour de feux de joie et chacun lance un mot tel que "soeur", "loup", "trésor enfoui". Ensuite, chacun tour à tour raconte une histoire personnelle de soeur, de loup, ou de trésor enfoui. Au cours des mois suivants, bien après avoir quitté Eufemia, lorsqu'ils traversent le désert, seuls à dos de chameau, ou voguent vers la lointaine Chine, ces marchands combattent leur ennui en draguant leurs souvenirs. Et ils découvrent alors qu'ils ont vraiment échangé leurs souvenirs - que, comme l'écrit Calvino, "ils ont échangé leur soeur pour une autre soeur, leur loup pour un autre loup" (...).

C'est ça, l'intimité : les histoires qu'on se raconte dans le noir. Ces bavardages nocturnes et paisibles illustrent pour moi, plus que toute autre chose, la curieuse alchimie du couple. Car, lorsque Felipe a évoqué pour moi la nage de son père, je me suis approprié cette image liquide, je l'ai cousue soigneusement dans l'ourlet de ma propre vie, et à présent, je la transporterai partout avec moi, aussi longtemps que je vivrai, même quand Felipe ne sera plus là : ses souvenirs d'enfance, son père, son fleuve, son Brésil - tout cela aussi est devenu une part de moi.

Elisabeth Gilbert, Mes alliances

10 novembre 2010

Simone

C'est mon deuxième prénom - celui de mes deux grands-mères (avec un "n" de différence). Enfant, je ne l'aimais pas. Adolescente, encore moins : un prénom de vieille ! Aujourd'hui, j'aime beaucoup mon second prénom. C'est qu'il a de belles marraines : les homonymes Weil et Veil, et Simone de Beauvoir, femmes d'amour et de combat, des "sorcières comme les autres", comme le chante Anne Sylvestre.

Mais surtout, j'aime l'idée que ce prénom désigne les petites filles, les jeunes filles et les femmes qu'ont été mes grands-mères. J'aime me rappeler qu'avant d'être une Mémé, une Mammie, une Grand-Mère, une Granny, on est avant tout, et pour tous les autres, une femme. Et, puisque je me plonge en ce moment dans les paroles de femmes (Benoîte Groult, Annie Leclerc), je m'interroge avec tendresse sur ce qu'elles ont vécu en tant que femmes...

Simonne a épousé un homme qu'elle connaissait depuis l'âge de 5 ans, grandi dans la même rue qu'elle. Simone a perdu son père à 13 ans, et la vie n'a plus jamais été la même. Simonne a accouché à 19 ans, seule sur une base militaire, sans autre aide qu'un médecin de l'armée pas vraiment préparé à ce genre d'événement. Simone a rencontré en 1942 un jeune ingénieur bien loin de sa Lorraine natale, et je porte sa bague de fiançailles. Simonne a travaillé toute sa vie et sait tout faire de ses dix doigts. Simone n'a jamais travaillé autrement que comme épouse modèle et faire-valoir de son brillant mari, qui l'a prodigieusement gâtée en retour. Lors du décès de celui-ci, elle s'est retirée du monde réel, dont elle ne reconnaît plus les habitants. Simonne est bien vivante - c'est la grand-mère du post Mémé-même-pas-peur.

Et moi - je suis fière de mon second prénom.

08 novembre 2010

Lecteurs voyageurs

Ca me trotte dans la tête depuis un moment, faire une série de photos sur le thème de la lecture dans le métro, le bus, sur les quais ou dans les abribus... Mais je ne me le permets pas - expliquer, négocier, interrompre - par définitition ! - cet instant d'intimité qu'est la lecture, je ne m'y vois pas - voler ces images, encore moins.

Alors - puisque l'outil de ce blog n'est ni le pinceau ni la caméra, j'ai décidé d'y épingler mes lecteurs voyageurs avec les mots. Un post évolutif donc, à compléter avec le temps...

- Journées du Patrimoine, file d'attente : au milieu des gamins bruyants et des retraités curieux, un homme jeune - mais pas un étudiant - est plongé dans L'Illiade. Inattendu... et élégant. Non ?

- RER B, une femme adulte, une vaste partition d'orchestre déployée sur les genoux. Le nom de l'oeuvre est invisible, elle n'a pas d'étui à instrument (ou un tout petit ? me revient un dessin de Sempé où l'on voit un musicien se préparer pour le concert, avant d'aller solennellement donner UN coup de triangle), elle bat la mesure au fur et à mesure qu'elle déchiffre - et j'essaie d'imaginer ce qu'elle entend.

- Ligne 3, un homme abondamment barbu est penché sur un volumineux Coran écrit en caractères arabes, enluminé comme un livre du Moyen-Age. Lui aussi chante dans sa tête.

- Ligne 6, rame bondée, une jeune fille s'accroche à la barre centrale et à Cent ans de solitude, et je l'envie, de lire ce livre pour la première fois - et pour la protection je pense efficace que peut offrir la prose de Garcia Marquez contre la foule et l'incivilité environnantes.

- RER, métros, bus, partout, des lecteurs de Métro, 20 minutes, et autres feuilles gratuites. Ceux-là me font peur : cette information soi-disant neutre, massivement diffusée, de quelles manipulations faciles pourrait-elle faire l'objet ?

- A suivre...

Trintignant, à propos du théâtre : Que ça ne laisse pas de traces ! Ce qui est beau, pour un acteur, c'est ce moment qui vit, qui meurt, qu'on ne retrouvera jamais plus. Qui ne sera jamais figé sur une pellicule, comme au cinéma, mais qui sera superbement perdu. Ce qui est beau et terrible à la fois, c'est ce sentiment de perte-là, d'éphémère. L'idéal d'un acteur serait de mourir à la fin de la scène...

J'ai goûté à cette même violence de l'instant quand je faisais de la photo. Des photos de gens, anonymes, et surtout sans qu'ils s'en rendent compte. J'avais déjà l'idée d'être metteur en scène, cinéaste ; et j'étais persuadé que pour en être un bon, il fallait être voyeur. Je me suis donc appliqué, je tenais mon appareil caché, Je prenais des clichés sans être vu. Et j'avais tant de joie à attendre - parfois des heures ! - que la lumière tombe sur un visage comme je l'avais imaginé que je me suis dit que ce n'était même plus la peine de mettre des pellicules. C'était le rêve autour de la photographie qui importait, et appuyer sur le déclencheur : c'était ce geste-là seulement qui était beau, et bien plus que toutes les photos ! Des années durant, j'ai ainsi "photographié". Sans pellicule.

04 novembre 2010

Bonne question

Elsa relit pour la nième fois l'hilarant "Comment on fait les bébés" de Babette Cole, notamment sa page favorite : Voici quelques exemples de Papa et Maman au travail - où l'on peut voir les parents faire l'amour sur un ballon sauteur, ou allongés sur une planche de skate....

Commentaire de Léo : Bah, moi je sais comment on fait les bébés ! Mais ce que je ne comprends pas, c'est comment on fait les grandes personnes...

01 novembre 2010

Tango si !

De cette semaine de découverte du tango à l'Espace, que dire ?

La chance d'avoir débuté avec deux couples de professeurs d'exception, internationalement reconnus ? Les similitudes troublantes avec le tantra, dans la danse entre le masculin et le féminin, la circulation d'énergie, l'invention instant après instant, la fluidité qui naît du lâcher-prise, l'exigence à la fois d'autonomie personnelle et d'ajustement à l'autre ?

Le plaisir de pouvoir faire quelques pas ensemble, après cette semaine intensive de découverte non seulement d'une danse, mais d'une culture (deux cours quotidiens, pratiques, bals, films tango, conférence tango, etc...) ? La sensation de littéralement voler sur la piste, conduite par un danseur semi-professionnel (mais pédagogue, et... indulgent :-)) - alors même que je ne sais rien faire d'autre que marcher, faire un demi-tour et esquisser de temps à autre un timide huit arrière ou avant ?

L'émotion devant les démonstrations des "maestros", et notamment celle de Claire et Dario, mes préférés dans la pédagogie comme dans la danse...

Et puis, tous les bonheurs de l'Espace - liberté, bord de mer illuminé par un soleil inespéré, atelier d'écriture avec Madeleine, pour moi, et de taille de pierre, pour David, chants devant la cheminée, soirées de danse déchaînée (notamment lors de la soirée des tubes ringards, parfaitement à mon - mauvais - goût), retrouvailles et belles rencontres... Dont deux drôles de dames - vous pouvez les trouver ici et - pleines de vie, d'humour et d'expérience, auxquelles je me suis entendue dire (après un nombre non négligeable de flûtes de champagne), "Quand je serai grande, je voudrais être une femme comme vous !"