31 décembre 2010

I wish you a merry Christmas...

Un Noël en Alsace, dans des paysages enneigés comme il n'en existe habituellement que sur les cartes de voeux ! Un Noël chaleureux, rythmé par des repas délicieux et de vrais échanges - souvent dans l'intimité de la cuisine, mais aussi, le soir du réveillon, autour d'une jolie discussion sur la façon dont les grands courants spirituels et humanistes se rejoignent. Des frère et soeur aujourd'hui devenus de jeunes adultes - et de chouettes jeunes adultes - comme ils ont grandi depuis notre mariage, dont nous avons revu la vidéo à cette occasion... Bref, Noël 2010, excellent cru.

Dans la foulée, une douce journée jeux de société et confidences au coin du feu, famille de coeur cette fois. Un chiot cocker adorable fraîchement arrivé sur ses papattes maladroites, et, pour clore la journée, Some like it hot en home cinema pour quatre adultes et cinq enfants ravis. Une adaptation de la Flûte Enchantée pour les enfants, inventive et joyeuse. Des hommes et des dieux, enfin - poignant. Revu aussi le superbe Les caprices d'un fleuve, suite à la lecture du Marin à l'ancre de Giraudeau. Des journées flemmardes et joueuses. En bande-son, tous les standards de Noël, d'Ella Fitzgerald à Mariah Carey. Quelques jours de douceur dans un monde de brutes... et ce soir, un réveillon improbable mais qui s'annonce plein de charme.

27 décembre 2010

Alzheimer

Les familles, les soignants, se rassurent ainsi : il ou elle est perdu dans son monde, ne vous inquiétez pas, et ça vaut mieux comme ça. Une idée bien réconfortante, devant ces établissements remplis de personnes âgées immobiles et silencieuses.

Mais - lorsque nous sommes allés voir ma grand-mère, j'ai eu le sentiment qu'elle me reconnaissait, même si son signe de tête en assentiment à ma question n'est peut-être pas un indice tout à fait suffisant. Et Elsa s'est vue gratifier d'un chaleureux "Bonjour ma chérie !" - juste avant qu'elle ne retombe dans son mutisme.

Lorsque nous lui avons dit au revoir, j'ai eu l'impression de voir son regard perdu se voiler de tristesse, comme si elle avait compris ; et je n'ai pas pu m'empêcher de penser que, si veille quelque part en chaque être un autre niveau de conscience que celui du corps épuisé, elle savait peut-être, comme moi, que cet au revoir pouvait être le dernier...

25 décembre 2010

Noël au balcon


22 décembre 2010

Beauty tips

Les phrases suivantes ont été écrites par Audrey Hepburn, que l'on avait interrogée sur ses secrets de beauté.

1. For attractive lips, speak only words of kindness.
2. For beautiful eyes, look for the good in others.
3. For a slim figure, share your food with the hungry.
4. To have a beautiful hair, let a little boy or girl stroke it at least once a day.
5. For poise, walk with the knowledge you never walk alone.
6. People, even more than things, have to be restored, renewed, revived, reclaimed and redeemed : never throw out anyone.
7. Remember, if you ever need a helping hand, it's at the end of your arm. As you get older, remember you have another hand : the first is to help yourself, the second is to help the others.
8. A woman's true beauty is not in her figure, in the way she dresses, in the clothes she wears, or in the way she does her hair. A woman's beauty is seen in her eyes, because they are the window to her soul, the place where love dwells.
9. The beauty of a woman is not on superficial fashions. A woman's true beauty is reflected in her soul. In her kindness and loving care, and in the passion she shows.
10. A woman's true beauty increases with years.

A l'opposé...

...de ce qui précède en termes de prise en compte de l'humain et de la relation dans le soin, il y a ce vieux médecin, qui, interrogé par une femme enceinte sur l'hygiène alimentaire et les compléments nutritionnels (notamment la supplémentation en fer et en acide folique, aux conséquences potentiellement sérieuses), l'a renvoyée vers... Google. Idem pour les informations sur les médicaments (n'importe qui peut accéder en ligne au Vidal - hélas). Et de blaguer en disant qu'il a inversé la proposition : Don't ask Google, ask me. S'il en est fier...

Histoires

21 ans, elle est enceinte pour la 3ème fois, veut garder cette grossesse-là, ce qui a entraîné son exclusion de la famille. Elle occupe clandestinement la chambre du foyer de jeunes travailleurs de son compagnon - au parcours chaotique également, placé à 13 ans, actuellement sous contrat jeune majeur (et donc, en risque de perdre sa place au foyer). Elle a appelé le 115, qui lui demande un certificat de grossesse, mais ne réalise pas que le CHRS ne sera pas la solution, et qu'elle y croisera des détresses bien plus aiguës que la sienne. L'échographie dit, qu'elle peut encore faire marche arrière. Mais montre aussi une petite silhouette déjà assez individualisée...

Comme pour la jeune femme de Question de vie, ce désir de garder la grossesse semble défier la raison. Et comme pour la jeune femme de Question de vie - je suis prête à parier qu'il sera pourtant le plus fort. Rien d'autre à faire que de garder une grande humilité - et d'accompagner au mieux...

63 ans, en couple avec une femme de 15 ans sa cadette, papa d'un petit garçon de 3 ans, et malheureux... c'est que la sexualité déraille - mais après avoir essayé les petites pilules bleues, prescrites par son médecin, après avoir réfléchi à la pertinence d'une démarche individuelle, nous éclairons ce qui me semble une évidence : les troubles de l'intime sont toujours la rencontre de deux histoires singulières, mais aussi un symptôme inscrit dans une dynamique relationnelle...

Ce qui le rend émouvant, c'est sa capacité à s'engager dans la recherche de solutions, à faire, dans son discours, de la place à l'autre, et à son désir à lui de protéger la relation avec la femme et avec l'enfant. Il y a tant d'autres entretiens dans lesquels le seul discours est celui de la plainte narcissique, dans lesquels l'autre n'existe pas...

Elle a 20 ans, elle est arrivée du Mali il n'y a pas si longtemps, elle était hébergée par sa soeur et son beau-frère, parents d'un bébé tout juste arrivé au monde. Logement insalubre, incendie, drame - seuls le bébé et cette jeune femme ont survécu. En France elle n'a qu'un fiancé, qui l'accompagne ce jour. Elle est quasi-mutique, plus ou moins cataleptique.

Lui décrit de façon bouleversante l'enfer qu'il vit au jour le jour, face à une situation dont il n'a pas les clés. Je ne sais pas comment était cette jeune femme avant le drame, mais je présume une fragilité antérieure. Aujourd'hui elle a manifestement décompensé, et il explique qu'il ne la reconnaît plus, qu'elle reste des heures dans le vague, dont elle ne sort que pour des cauchemars éveillés, qu'il l'a parfois fait hospitaliser en urgence - ce qui est un excellent réflexe mais ne change pas la situation en profondeur, d'autant qu'elle arrête les traitements sitôt sortie.

Evidemment hébergés, sans-papiers, sans travail... ce qui le rend invraisemblablement touchant, c'est son obstination à prendre en charge l'intolérable, à espérer des "retrouvailles", au sens où "elle ne se retrouve pas" - dit-il à plusieurs reprises. Lorsque je risque une question sur la famille restée au Mali, il hausse les épaules et dit que là-bas, les "êtres perdus", quand ils ne répondent pas à la médecine traditionnelle, sont abandonnés à leur sort - et que lui ne l'abandonnera pas. J'explique, il faut des soins réguliers, gratuits, faciles d'accès pour qu'ils n'aient pas à se risquer dans les transports en commun, adresse vers la psychiatrie de secteur. Mais je pense qu'ils reviendront...

24 ans, papa d'un petit garçon de 4 ans qui vit en province, et pour lequel il s'inquiète beaucoup depuis l'arrivée d'un beau-père, mais pour lequel il n'arrive pas à mettre en place une organisation de visites. Il a repris des études, il est en foyer, ce qui ne lui permet pas de l'accueillir, n'a guère d'argent, mais surtout, il se sent démuni face à ce petit garçon, et aussi dans une peine si profonde qu'elle entrave son désir néanmoins sincère de rester en contact. Son ancienne compagne travaille activement à l'effacer autant que possible de sa vie et de celle de l'enfant, et son histoire familiale à lui le laisse désemparé - c'est le terme qu'il emploie - face à cette situation. La justice suit son cours - et ce cours est bien lent... En attendant, le Point Rencontre semble une option intéressante, qui leur permettra d'avoir un lieu, des jouets, la médiation d'un professionnel par rapport au couple, une présence tierce par rapport à l'enfant...

21 décembre 2010

Merci pour le chocolat

Hier soir, première des Emotifs Anonymes - deux fois meilleur de nous être vus refuser l'accès à la salle, soi-disant complète, et de nous être faufilés quand même, parce que c'est vraiment ce film-là que nous avions envie de partager. Des émotifs émouvants, dans lesquels chacun peut, à des degrés divers, reconnaître ses maladresses, ses failles et ses faux-pas... Des émotifs qui évoquent irrésistiblement les Gens qui doutent, d'Anne Sylvestre.

J'aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J'aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J'aime les gens qui tremblent
Que parfois ils nous semblent
Capables de juger
J'aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
J'aime leur petite chanson
Même s'ils passent pour des cons
J'aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas "comme il faut"
Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot
Ceux qui n'auront pas honte
De n'être au bout du compte
Que des ratés du cœur
Pour n'avoir pas su dire :
"Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur"

J'aime les gens qui n'osent
S'approprier les choses
Encore moins les gens
Ceux qui veulent bien n'être
Qu'une simple fenêtre
Pour les yeux des enfants (...)

Anne Sylvestre

18 décembre 2010

L'empreinte de l'ange

Ce matin, j'ai raconté à Elsa cette légende qui veut qu'avant leur naissance, un ange pose son doigt sur les lèvres des nouveaux-nés - comme un "Chut..." - pour leur faire oublier tout ce qu'ils savent du monde d'où ils viennent. Ce qui m'a valu cette ébouriffante question : Maman, quand je suis née, tu étais là ou tu étais dans la pièce à côté ?

Après être restée un moment interloquée (et avoir bien ri, aussi...), j'ai compris qu'elle voulait simplement savoir si j'avais vu l'ange...

16 décembre 2010

Ils sont fous...

...ces Romains : avons piqué un bon fou-rire hier avec les enfants, en imaginant ce que pouvait signifier : compter en chiffres romains. Alors, ça donne (lire à haute voix) : hi ! hihi ! hihihi ! hiv ! vé ! véhi ! véhihi ! véhihihi ! ixe ! x ! xi ! xihi ! etc, etc...

14 décembre 2010

Gratitude

"Merci vers le haut, merci vers le bas, merci à l'espace entre les deux, merci dans toutes les directions, merci à ceux qui me permettent d'être heureuse aujourd'hui et merci à moi-même".

J'avoue, j'ai été grognon souvent ces jours. Malade, fatiguée, frigorifiée, épuisée psychiquement par des patients, des groupes, et... des proches trop chargés de souffrances, et par mes propres doutes. Incapable de prendre du recul. Peut-être le serai-je à nouveau demain. Mais là, tout de suite, je retrouve un espace intérieur pour juste me réjouir de ce qui est.

13 décembre 2010

Mon bébééééééé...

...est parti ce matin sac au dos pour une journée à Aix-La-Chapelle avec sa classe d'allemand. A 6h30, coup d'interphone rigolard des copains qui partaient en même temps vers la gare du Nord (accompagnés d'un parent tout de même), et puis petites voix : C'est Léo ! Il arrive ! - et moi, j'ai raccroché doucement, un peu émue quand même !

Dans le même ordre d'idées, premier ciné sans papa-maman - mais avec un de ses meilleurs amis... Bon, faut dire, 2h25 des Reliques de la mort, Harry Potter 7, première partie, j'étais moyennement motivée.

06 décembre 2010

Nouveaux nez

Dimanche passé, une journée-plaisir : ça clown de source ! Tout en douceur, tout petit groupe, climat de simplicité et de sécurité. Avec le plaisir enfantin de se déguiser, de jouer - au sens créatif du play - d'être parfois drôles et parfois maladroits, empruntés, suspendus - mais toujours accueillis. Une excellente façon de se désencombrer la tête - d'entrevoir aussi, les ressorts du (sou)rire : amplification, miroir, décalage, lâcher-prise, vérité.

Deux remèdes

Deux griffes sur le coeur ces jours, l'absence de l'un, la peine sans fin de l'une. Mais là, j'ai trouvé apaisement :

...j'ai choisi d'explorer la douleur de l'absence d'un être aimé. Il m'est aussitôt apparu que cette douleur était une maladie guérissable (...). Plutôt que de t'enfermer dans le chagrin ou l'indifférence, cultive les sensations que l'être aimé a laissé en toi, redonne vie, dans tes dedans, à la tendresse, à la douceur. Si tu revivifies ces instants de bonheur passés, si tu les aides à pousser, à s'épanouir, à envahir ton être, la distance peu à peu se réduira, la douleur s'estompera. (...) Je me suis émerveillé de ce pouvoir et de mes capacités à explorer cette vaste bibliothèque que j'avais en moi. Alors j'ai choisi, entre mille autres choses, une journée d'amour éblouissante et douce. (...) Je suis entré dedans. (...) J'ai pensé, pourquoi ne ferais-je pas de ce jour-là, de temps en temps, ma prière du matin ?

- Faire que son enfant soit plus léger que soi, c'est un grand bonheur pour un père, et pour un homme pauvre, une grande fierté (...). Il nous a dit que chacun, quelle que soit sa vie, devait faire tout ce qui était en son pouvoir pour se débarrasser de ses propres fardeaux et malédictions, afin de ne pas avoir à les charger, au moment de quitter le monde, sur le dos de son propre fils. Car selon lui nos peines ne s'effaçaient pas avec nos existences, elles demeuraient vivantes, et nos enfants en héritaient aussi naturellement que l'on hérite d'un âne ou d'une maison lézardée.

Henri Gougaud, Les sept plumes de l'aigle

02 décembre 2010

Naître au monde

Achever de naître au monde et à soi-même.
Ne pas achever avant l’heure de vivre, d’imaginer, de créer.
Aider les autres à avoir une vie achevée.

Sacrifier avec élégance, avec sobriété, avec humour,
aux exigences contraires des principes de plaisir et de réalité,
de répétition et de différenciation,
de constance et de changement.

Marier le masculin et le féminin dans l’esprit,
l’immobilité et le mouvement dans le corps.

Tolérer l’angoisse et la joie, la haine et le rire.
Maintenir l’amour dans l’écart
entre l’abandon à l’autre et l’abandon de l’autre.

Déjouer les séductions, les perversions, les ruses
de la pulsion de mort.
Retourner le négatif contre lui-même.
Nier, trancher, s’arracher, transgresser, pour progresser.
Envelopper, déplier, dérouler, s’emboîter
pour exister, pour co-exister.
Pour donner indéfiniment, de notre humaine finitude,
une forme jamais définitive.

Didier Anzieu

01 décembre 2010

Question de vie

23 ans, études tôt arrêtées, une expérience comme AMP auprès d'enfants handicapés, un retour aux études dont elle se rend compte qu'il ne sera pas couronné de succès. S'amuse, comme elle dit - profitant d'une vie d'étudiante qui n'aura été qu'un court répit (bien fragile : elle est hébergée, vit d'aides précaires). Mais... elle est enceinte... et dans l'entretien je sens bien que l'idée de l'IVG est loin d'être arrêtée, et puisque la date déterminée par l'échographie nous le permet, je lui propose qu'on se revoie tranquillement quelques jours plus tard.

Second entretien, elle arrive, contre toute attente, accompagnée de son partenaire. Elle envisage de garder sa grossesse - avec ou sans lui. Il ne le souhaite pas, mais il est là, ne conçoit ni de chercher à imposer son souhait ni de se désintéresser du sort d'un éventuel enfant. 21 ans, tout autant en galère qu'elle - pas d'études, pas de travail - mais étonnamment structuré, responsable, respectueux. Un entretien rare - de par son positionnement à lui, tout aussi rare. Un entretien où il aura été possible d'explorer des pistes aussi variées que leurs contextes familiaux respectifs, et donc leurs représentations de la parentalité, l'avenir de leur relation - clairement positionnée, initialement, sous le signe du non-engagement, les circonstances de la grossesse, les représentations de l'avortement...

Je pressens que, dans son impossibilité à elle de renoncer - à ce jour - à cette grossesse, se jouent à la fois des questions de rempart contre la dépression (quel autre projet autrement ?) et de répétition familiale (elle n'a jamais connu son père, ses relations avec sa propre mère sont très difficiles). Je suis touchée aussi par sa douceur à lui, dans un contexte où il est tributaire d'une décision unilatérale qui l'engagera durablement... et inquiète pour les deux - car les aides et minima sociaux ne suffiront pas à leur assurer une vie décente, ni ensemble, ni séparément - et que cet enfant potentiel est de toute évidence un possible candidat au placement familial.

Que vont-ils pouvoir négocier, en eux-mêmes, l'un avec l'autre, et avec la réalité ? Puisque le délai le leur permet, je leur ai proposé une nouvelle rencontre.

Une semaine plus tard : ils ne sont pas venus. Mais ont pris la peine d'appeler, et repris rendez-vous pour la semaine prochaine - ensemble. Besoin de temps, encore...