26 mars 2011

Voyage

"Les questions sont dans la tête, les doutes sont dans le coeur. Une partie des réponses se trouve dans l'Etre. Il ne s'agit pas de supprimer l'un ou l'autre de ces plans - c'est d'ailleurs impossible, mais de pouvoir passer de l'un à l'autre en conscience." (Sudheer)

Ou l'art de revenir à soi, toujours. Non dans un égocentrisme forcené, mais dans le souhait de vivre, et d'offrir donc aussi à l'autre, une présence pleine, un Oui habité. Ce qu'il nous propose aussi : j'EXISTE. Avec un tout petit "je", et un EXISTE qui s'étend à l'infini, une vibration, un rayonnement qui est à la fois le nôtre et celui de la vie qui nous aime : c'est la même chose, de toute façon, et rien d'autre ne nous en sépare que nous-mêmes.

25 mars 2011

Message reçu

Petite phrase pour traverser la journée : "La joie est la seule solution." Pina Bausch

Journée traversée - un jour de printemps inespéré, dans le parc des Buttes-Chaumont.

23 mars 2011

Journée de (la) femme

Un soir de grande fatigue, portraits de femme esquissés.

Dans quel monde vivons-nous pour trouver forcément anormal que la première réaction d'une adolescente qui se découvre enceinte – avant que les contraintes de la réalité ne la rattrapent – soit la joie ?

Dans quel monde vivons-nous pour qu'une autre soit si seule avec une grossesse devenue hors délai d'IVG qu'elle ne trouve pas d'autre issue que de se faire rouer de coups pour que « l'enfant passe », comme on dit (et de la mort de quel enfant s'agit-il alors) ?

Et celle-ci, qui revient des mois après son avortement, parce qu'elle n'a trouvé personne – ni mère (probablement déprimée), ni père (vraisemblablement alcoolique), ni petit copain (qui la trouve « prise de tête »), ni frères et soeurs (ils sont pourtant quatre, même si elle est la dernière encore à la maison), ni camarades de classe, ni aucun autre adulte que la dame du Planning pour dire qu'elle n'en peut plus ?

Qui sont ces femmes qui arrivent lourdes d'une histoire dans laquelle la sexualité n'a jamais été synonyme d'autre chose que de douleur – au mieux d'indifférence – maltraitées par elles-mêmes car elles se forcent, par leurs compagnons aveugles ou complices, ou vite lassés, par les médecins qui multiplient les examens inutiles et invasifs quand ils ne prescrivent pas des séances de kinésithérapie périnéale – et qui bien souvent, ne sont pas moins hermétiques à une approche psychique tant elles se vivent comme des machines défectueuses, et non comme les êtres complexes, ambivalents et souffrants qu'elle sont ?

Mais il y a aussi...

Cette patiente pourtant gravement atteinte, qui s'est autorisée une toute première expérience sexuelle à la faveur d'un voyage à l'étranger qui était en lui-même un défi pour elle – et qui revient épanouie, émue par ce qu'elle a vécu, indulgente avec elle-même - c'est nouveau aussi - quant à l'angoisse qui l'a envahie si fort à l'issue de cette nuit, qu'elle n'a pas osé demander ses coordonnées à cet homme...

Cette autre entrée en thérapie il y a sept mois après le décès brutal de son frère, et qui s'est autorisée pour la première fois aujourd'hui à l'évoquer, à le pleurer, à nommer quelque chose de la culpabilité et de l'ambivalence à travers cette formule ambiguë : « Il nous a beaucoup laissé(s) ».

Et ces deux autres, petites soeurs de peine de la précédente, engagées sur le même chemin, celui de la levée du secret et du déni qui pèsent sur la violence et la folie familiales – transgénérationnelles dans les trois cas – pour aller à la conquête de leur propre autonomie ? Elles sont belles, intelligentes, dévastées, et incroyablement courageuses, s'affrontant à l'aveuglette à des démons familiaux redoutables.

Et celle-là, qui rit de se « retrouver elle-même » après quelques mois d'absence dépressive – le temps je crois de faire le deuil des idéaux infantiles pour accepter que le monde adulte serait « pas tout, pas rien » - et qu'il recelait cependant de multiples occasions de joie et de créativité...

Ce soir – je ne me sens pas moins vulnérable que toutes ces femmes – particulièrement touchée par ces histoires de vie qui se déploient dans la rencontre, consciente de la confiance qu'elles me font et de ce qui m'amène à occuper cette place mais aussi fragile : qui, même formé, supervisé, outillé, peut traverser ce que je ressens parfois comme un bombardement et prétendre en sortir tout à fait indemne ?

22 mars 2011

L'amande

Ca s'appelle L'amande. Un roman érotique écrit sous pseudo par une femme musulmane, qui se donne pour tâche de redonner aux femmes la parole confisquée par les hommes, de rendre hommage à l'ancienne civilisation arabe qui, écrit-elle, inscrivait le désir jusque dans l'architecture et pour qui jouir et faire jouir était un devoir du croyant. Elle ajoute que rendre aux femmes la parole sur le corps, c'est à moitié guérir leurs hommes.

Magnifique projet... et belle intuition – que la guérison des femmes ne pourra passer que par celle des hommes, et réciproquement.

Le livre est cependant loin de tenir cette belle promesse : un homme initiateur, inoubliable, follement séduisant autant que follement maltraitant – une femme victime, jouissant malgré – ou à travers (et cette ambiguïté invalide la promesse initiale) ce statut de victime, mais qui le fera payer au prix fort, et dans tous les sens du terme, à la gent masculine...

Pour voir au quotidien les ravages pour les femmes comme pour les hommes de cette confiscation de la parole et de la liberté féminines, je rêverais pour ma part d'un roman de la réconciliation, D'une « Parole de femme » musulmane, transgressive et heureuse, transgressive parce qu'heureuse. Et plus encore, d'une parole d'homme, qui oserait dire ce que signifie grandir dans un monde qui pousse jusqu'au délire la dichotomie entre la maman et la putain, qui oserait dire le prix à payer de l'ignorance du corps de l'autre et ce qu'elle engendre de troubles de la sexualité, qui oserait dire la frustration imposée, et la violence inévitable et malheureuse.

Une parole de femme qui ne serait ni victime ni manipulatrice, une parole d'homme qui ne serait ni agresseur ni par principe dénué de coeur – un livre qui resterait à écrire...

18 mars 2011

Stade du miroir

Je lis toujours avec bonheur les poèmes affichés dans les rames ou sur les quais du métro (un peu de poésie dans ce monde de brutes). Ce matin, peut-être parce que je lis en ce moment sur la construction précoce de l'identité dans le regard de la mère, celui-là m'a frappé par son intuitive pertinence clinique : Devant la mer, j'ai besoin que tu aies un visage pour savoir où je suis.

16 mars 2011

L'hôpital et la charité

Mon ami Sarkozy est devenu fou, estime le colonel Khadafi. Commentaire de lecteur sur le site de Libé : Le colonel ne connaissait pas bien son "ami", sinon, il aurait dû établir le même diagnostic depuis longtemps.

Tout bouge autour de moi

On n'a pas idée de ce qui nous attend dans les prochaines années. Les gens, comme les maisons, se situent dans trois catégories : ceux qui sont morts, ceux qui sont gravement blessés, et ceux qui sont profondément fissurés à l'intérieur et qui ne le savent pas encore. Ces derniers sont les plus inquiétants. Le corps va continuer un moment avant de tomber en morceaux un beau jour. Brutalement. Sans un cri. Car ils auront refoulé à l'intérieur d'eux tous les cris. Ils risquent d'imploser un jour. En attendant, ils donnent l'image d'une personne en parfaite santé. Une sorte de bonhomie alliée à une grande énergie. Un bonheur qui vient du fait d'avoir frôlé la mort.

Dany Laferrière, Tout bouge autour de moi. Magnifique livre sur le séisme... en Haïti.

Trésor

Je bouquine au lit, Elsa vient m'offrir un fil de nylon sur lequel sont enfilés un petit coeur, une étoile et un papillon en verroterie.

- Mais, ce sont des perles de ton trésor ? lui-dis-je, un peu étonnée (car le dit trésor est dans une cachette que seule Elsa connaît).
- Mais c'est parce que tu fais partie de mon trésor ! me répond-elle très sérieusement. Seulement, tu ne peux pas tenir toute entière dans un coffret !

14 mars 2011

Pile et face

Coté face : le marshall de True Grit (suis tombée instantanément amoureuse de Jeff Bridges, même si je pense que je préfèrerais l'original, moins bavard semble-t-il), le roi du Discours (joli film sur l'alliance thérapeutique) et le sauvageon de la Permission de minuit (remarquable de justesse et d'émotion contenue ; bonheur compte double : partager avec les enfants un film destiné aux adultes, et les sentir émus, pensifs, concernés).

Le merveilleux portrait de femme libre de Toute une histoire - chez Actes Sud. Un des meilleurs, et plus jolis bouquins que j'aie lu ces derniers temps. Une recommandation spéciale 8 mars !

Un concert de Jamait - voix bouleversante et textes rares ; pour les suberbes Mains de femmes, Quitte-moi et Dimanche (caresse-moi), le malicieux Les deux amants, et le revigorant OK tu t'en vas.

Une trop bonne adresse à partager entre gourmands gourmets : Les Papilles (le menu dégustation, qui change chaque jour avec le marché, est à tomber par terre... réservation indispensable).

Un déjeuner de famille... sans la famille ! Enfin, sans la nôtre... pour un premier anniversaire. C'est bien aussi, ce plaisir du repas partagé sans les agacements historiques, juste le plaisir d'être ensemble.

Et... côté pile ? Des liens de coeur bousculés, essentiels pourtant ; des histoires de patients, tragiques ou émouvantes (il m'a semblé cette semaine que les femmes payaient un tribut particulièrement lourd à la souffrance - mais bien sûr, le lieu où je travaille appelle ces histoires complexes de féminité, de sexualité et de maternité)... des moments ces derniers temps où je me sens dépassée par les enfants et notamment par l'effronterie grandissante d'Elsa - prix d'une complicité affectueuse trop peu distanciée ? toujours est-il qu'il y a un immense désarroi à me sentir épuisée sur tous les fronts... et à payer le prix d'une angoisse diffuse mais récurrente, qui me serre alternativement la gorge et le coeur, bouscule mes nuits, sans que je puisse la nommer tout à fait - ni dire ce qui appartient aux intermittences du coeur, à ces entretiens dont je ne sors pas forcément indemne (et le jour où ce sera le cas, il sera temps que je pense à faire autre chose), ou encore à ..?

Doublure

Ce blog a l'âge de raison. Sept ans d'instantanés, de portraits esquissés, de mots d'enfants, de lectures, de films et de musiques à partager. Sept ans sans jamais plus de quelques jours sans quelques lignes. Une histoire de fous, au regard des blogs qui s'ouvrent chaque jour et disparaissent tout aussi vite...

Et depuis deux semaines... une question insistante, qui a, momentanément je pense, arrêté l'écriture : pourquoi écrire ? Pourquoi continuer - ou pourquoi ne pas arrêter ? Pourquoi, je le sais... la première version s'appelait la Boîte à Bonheur. Et mon souhait alors, était d'exercer mon regard - de trouver chaque jour, quelle qu'ait été la journée, un petit trésor à garder, un petit bonheur qui serait autrement passé inaperçu. Avec le temps, la Boîte à Bonheur devenue Care Box est devenue aussi un album de souvenirs doublement précieux : ceux qui y sont épinglés (j'aime bien cette image de l'épingle, du bâti, de l'atelier, de quelque chose d'un work in progress), et ceux que j'y retrouve entre les lignes, et qui font de la Care Box cet espace sur la frontière entre l'intime et le secret.

Sur l'envers de ce patchwork, visible dans la doublure pour peu que l'on y soit un peu attentif, il y a donc aussi la face cachée de la Lu - une mélancolie discrète au coeur de chaque instant de bonheur, et ce besoin de retenir l'instant précisément parce que je le ressens toujours comme menacé et fragile - une conscience de la perte toujours possible, et d'une certaine façon toujours certaine, qui me suit depuis l'enfance.

David me faisait remarquer hier qu'il me sentait plus touchée par les information sur le tremblement de terre au Japon que par les autres drames humains - politiques, militaires, sanitaires, qui frappent actuellement la planète. C'est vrai... il y a quelque chose de l'invraisemblable fragilité de nos vies et de l'irrémédiable, et aussi, la dignité des populations, qui m'accroche et me retient là.

Au regard des ces événements, la Care Box apparaît à la fois comme un exercice bien narcissique (pourquoi continuer à écrire ?), et pourtant sans doute essentiel pour moi - pour les mêmes raisons... mon propre petit barrage contre le Pacifique - une réponse minuscule à ce sentiment de la fragilité humaine.

02 mars 2011

Au coeur, extrait

Depuis aussi loin que je me souvienne, mon moteur c’est le lien, la rencontre, l’émotion et l’échange. Je ne sais pas faire autrement. Ni sans la liberté que cela suppose. Je ne sais pas si c’est bien ou mal – mais je sais que c’est… et que je suis comme ça. Eteinte sans ça. Et, comme disait un homme que j’ai beaucoup aimé, il vaut mieux être allumé(e) qu’éteint. Je n’ai plus de jugement là-dessus, ni l’espoir d’une hypothétique guérison ? maturité ? qui ferait que par je ne sais quel miracle je me contenterais de rester à ma place, et d’espérer un petit bonheur raisonnable si je suis bien sage.

Mais alors ? Alors ?

Alors "peut-être faut-il l'accepter tout simplement cette complexité, et d'en être heureuse et/ou malheureuse, et de partager cela avec l(es) autre(s) concerné(s)." Oui. Peut-être en effet n'y a-t-il rien d'autre à faire. Et aussi - ne pas oublier de respirer.

La grâce d'être fragile

Nous sommes des hommes de guerre,
Nés pour combattre

Nous heurtant, nous abîmant
La guerre est une mise en abîme

Nous sommes des êtres de verre,

Nés sous le signe de la fragilité
Nous cassant, nous brisant,

Mourant chaque jour

Nous sommes errants

Terrorisés, dociles,
Et pourtant émouvants, subtils
La grâce d'être fragile

Alain Delourme, été 2006