28 février 2006

Retour

Les jeunes femmes que nous accompagnons vers une IVG, il est rare que nous les revoyions. Après le passage de l'interruption de grossesse, les lieux, les professionnels liés à l'événement font plutôt l'objet d'un "oubli" sélectif - mais néanmoins actif. Pourtant ce jour, je vois revenir une jeune femme radieuse, qui a pris la peine de prendre rendez-vous pour que je l'éclaire sur les questions de cycles et de fécondité, puisqu'aujourd'hui elle désire un enfant, et s'impatiente déjà de ne pas être enceinte.
Parce que je trouve pesant d'être si souvent celle qui accompagne vers cette promesse de vie non tenue qu'est la décision d'IVG, je suis touchée par sa démarche - interpellée aussi, que vient-elle chercher ? Une bénédiction, une réassurance, une transformation de ce qui avait été vécu ici ? Toujours est-il que l'entretien est joyeux, débordant de vie - et se conclut par une invitation à rejoindre, quand son voeu sera exaucé, nos groupes de préparation à la naissance.

27 février 2006

Impressionniste

De ce jour je garde, un chat sur les genoux, de la lumière et des couleurs vives, quelques câlins entre les pages, et des chemins qui se croisent et se croisent encore. Ce qui suffit à mon bonheur.

24 février 2006

L'amour et l'amitié

Alors l'amour et l'amitié
N'est-ce pas la même romance ?
Entre l'amour et l'amitié
Dites-moi donc la différence (...)

Entre l'amour et l'amitié
Se cache un petit bout d'enfance
Entre l'amour et l'amitié
Il n'y a qu'un lit de différence...

Henri Tachan, L'amour et l'amitié

23 février 2006

Nostalgie

"Quand tu es pris de nostalgie, ce n'est pas un manque, c'est une présence, c'est une visite, des personnes, des pays arrivent de loin et te tiennent un peu compagnie." Alors don Rafaniè, les fois où il me vient la pensée d'un manque, je dois l'appeler présence ? "C'est ça, et à chaque manque tu lui souhaites la bienvenue, tu lui fais bon accueil." Alors quand vous vous serez envolé, je ne dois pas sentir votre manque, moi ? "Non, dit-il, quand il t'arrive de penser à moi, moi je suis présent."
Erri de Luca, Montedidio

Tenir, garder

A midi, je m'aperçois qu'une plume est tombée sous la caisse de Rafaniello, je la ramasse, elle est légère, dans ma paume je ne la sens pas. Don Rafaniè, celle-là je la tiens en souvenir de vous. "Tu as raison de dire tenir au lieu de garder. Garder est présomptueux, en revanche tenir sait bien qu'aujourd'hui il tient et demain qui sait s'il tiendra encore. Tiens la plume en souvenir."
Erri de Luca, Montedidio

22 février 2006

Frogs into princes

Ce qu'il a dit c'est, tu me vois, là où je ne peux pas (encore) me rendre. Là où je ne suis pas encore, là où je ne me savais pas capable d'aller ; là où c'est encore si impensable de lâcher prise, aussi.

21 février 2006

Brasserie

Où il fut admis que la relation thérapeutique, hiérarchique, éducative, sont par essence dissymétriques. Dans un temps et dans un espace donnés. Différencier la fonction de la personne, tout en affirmant le principe d'une égalité humaine. Intéressant.
Où il fut également dit que, "Trop prendre en charge (à la place de) l'autre, c'est le prendre pour un con." Façon percutante de souligner la nécessaire vigilance à la responsabilisation et à la promotion de l'autonomie. Et la non moins nécessaire (et réconfortante) limite aux vélléités de toute-puissance du thérapeute - dirigeant - enseignant - parent - rayer les mentions inutiles.
Et un clin d'oeil à la vie, qui se charge si bien de nous répéter les mêmes leçons sous différentes formes, jusqu'à ce que nous les ayons apprises. Avant de nous en proposer d'autres.

19 février 2006

Anachronique

Léo a installé ses dinosaures en position de combat ; Elsa prétend y ajouter un dragon.

- "Ah non Elsa, à cette époque-là, il n'y avait pas de dragons !!!"

Paris, juillet 1903

"Mais alors, il n'y a personne pour aider. Personne pour aider ceux qui ne sont qu'un tout petit peu perplexes, effrayés et intimidés ; ceux qui commencent seulement à interpréter les choses autrement qu'on ne les entend ; ceux qui habitent encore complètement dans le même monde, sauf qu'ils marchent un peu de guingois et pensent parfois pour cette raison que les choses sont suspendues au-dessus de leur tête ; ceux qui ne se sentent pas chez eux dans les villes et qui s'y perdent comme dans une forêt maléfique sans fin - ; tous ceux à qui chaque jour apporte son lot de souffrance, tous ceux qui n'entendent pas fonctionner leur volonté dans le vacarme ambiant, tous ceux que l'angoisse a submergés - pourquoi n'y a-t-il personne dans les grandes villes pour leur venir en aide ? (...)
Est-ce encore des phrases qu'ils prononcent ; ou bien sort-il déjà d'eux, pêle-mêle, comme d'un théâtre en flammes, tout ce qui en eux fut spectateur et acteur, auditeur et héros ? Personne ne songe-t-il qu'il y a en leur sein une enfance en train de se perdre, une force qui se détraque et un amour qui s'effondre ?"
Rainer Maria Rilke, Lettres à Lou Andreas Salomé

17 février 2006

Love Story

15 février 2006

Touch and go

Touch and go, c’est une manœuvre aérienne pour ceux qui apprennent à voler – toucher légèrement la piste, redécoller aussitôt. Les manuels d’instruction disent, «optimiser le temps de vol lorsque la longueur de piste est compatible».

Mais ce qui me vient ce soir, est plutôt une variante « light » de l’ange gardien – ou de la berceuse pour adultes – une déclinaison de ce que j’attends de ceux que j’aime, la possibilité de me poser un instant, repartir. Ne pas prendre le risque d’imposer à l’autre une charge double – la sienne propre et la mienne en sus, mais m’appuyer un instant – le temps d’un souffle, d’un mot, d’un geste de tendresse.

Optimiser le temps de vol – parce que c’est là que je puise l’énergie d’un redécollage. Dé-collage… Ne pas s’apesantir, pour ne pas rester au sol. Lorsque la longueur de piste – ou d’ondes – est compatible.

… et ce, bien que les manuels ajoutent, « l’approche est normalement conclue par un atterrissage ou par une interruption d’approche ».

Témoignage

« Je ne dépose pas, je témoigne ; ce que je partage, c’est ce qui me constitue – je suis riche de ça – pauvre de ça. »

Je suis riche de nouvelles incertitudes.
Je suis riche d’une irrémédiable, humaine solitude.
Je suis riche d’un désenchantement nouveau,
qui ne va pas sans peine, mais que je sens fécond.

Je suis riche d’une capacité (re ?) trouvée à plonger dans l’émotion, chagrin, tendresse, agressivité, angoisse, joie – et à en ressortir non pas intacte, pourtant entière. Je suis riche d’une force qui me tient debout, d’une profonde capacité à transformer ainsi qu’à faire des liens, et à faire lien. Si j’étais un signe d’imprimerie – j’aimerais être un trait d’union. Assorti d’un point d’interrogation.

Concordance des temps

En cette semaine de vacances au rythme de l'enfance, au coin de la cheminée (Elsa dit, "T'as vu, les petits bonhommes qui dansent dans le feu ?"), Internet va à nouveau au pas de l'escargot, le portable ne capte plus, et ma montre s'arrête doucement. Et c'est très bien ainsi.

11 février 2006

Virtuel doudou




Depuis quelques mois, je m'endors un coin de couette roulé en boule au creux de mes bras - à l'emplacement exact qu'occupait l'ours de mon enfance, réalisé-je aujourd'hui.

Narcisse :-)

En reconnaissance dans la Maison-Plume, endormie depuis un an et demi maintenant, je retrouve ceci :
"Reste cependant en effet, l'indéfectible manque. Je commence à penser, et mieux, à vivre, que le secret réside peut-être dans le fait de ne pas confondre le manque, cette native incomplétude, avec un manque de l'autre (pire : avec le manque de l'autre) ou de la relation...
Le manque : c'est l'autre nom de nos absences, des heures sombres du chien-loup. C'est un éclat de lumière aiguë, celui-là même qui raye nos certitudes de surface, traçant une imperceptible mais profonde ligne de coupe entre nous et nous-mêmes, entre nous et le monde.

Il est ce que nous avons de plus commun, et de plus intime ; de plus ancien, et de plus présent.

Il est dans l'odeur du pain chaud (où trouve-t-on le pain qui aurait ce goût-là ?), dans l'impuissance des mots à décrire les nuances d'une musique ou d'un tableau, dans ce désir demeuré intact de n'être jamais tout à fait assouvi (cet Autre fondamentalement insaisissable), dans tout ce qui nous sépare du réel immédiat : il est notre autre faim.

Il est ce qui demeure quand le sens s'effiloche, quand le vide s'installe, quand nous sommes renvoyés à nos propres insuffisances. Il est ce qui nous donne le "coeur gros" sans trop savoir pourquoi - quelquefois nous lui donnons un prénom, identité possible d'un mal par trop indéfinissable...

...alors qu'il est l'espace d'où s'élance toute possibilité de création, tout espoir de dépassement : alors qu'il est la place de l'Etre en nous."

Porosité

"Oui j'suis l'otage de ma tête
Tout c' que j' vois par la fenêtre
Déménage dedans..."

Camille, Assise

10 février 2006

Lessiveuse

Cinq journées de stage, naissance d'un groupe pour les dix-huit mois à venir, et une autre façon d'aborder - ici comme stagiaire - la dynamique de groupe, et comment les fantasmes des uns et des autres affleurent, s'épousent, s'affrontent - un même jeu de cartes aux redistributions à l'infini, carreau, pique, coeur, trèfle - la vie, la mort, le désir, la haine - de l'As au Roi, et retour.
De la Boîte à Bonheur, j'y retrouve :
"J'apprends : guérir ce n'est pas guérir, mais apprendre à connaître, peut-être à aimer, les bords de l'abîme, s'y perdre parfois mais remonter toujours. Plonger mais reconnaître les cercles concentriques de la spirale descendante, de la blessure d'aujourd'hui à celles de l'enfance, savoir de quoi il retourne, ce dont il s'agit. Plonger mais revenir plus vite à l'air, à la lumière. Plonger sans plus ignorer ses propres forces.... Aussi : plonger en sachant reconnaître et bercer sa propre douleur, mais garder les yeux ouverts sur celle de l'autre."

05 février 2006

Avis d'absence

La Care Box sera en hibernation jusqu'à la fin de cette semaine.

04 février 2006

Qui tourne la clé ?

Karlfried Dürckheim raconte parfois l’anecdote suivante : Un docteur d’âge mûr, à l’emploi du temps surchargé, vivant, de rendez-vous en rendez-vous, au volant de sa voiture, lui dit : «Désormais, tous les jours je fais une minute de méditation pour vous.» Dürckheim le remercie et demande pourquoi. «A cause d’un petit exercice, répond le docteur, que vous m’avez indiqué la dernière fois que nous nous sommes vus.» L’exercice en question était le suivant : à chaque fois que le docteur se mettait au volant de sa voiture et tournait la clé de contact, il avait à arrêter un instant ce geste tout à fait banal et mécanique pour se poser la question : «Qui tourne la clé ?».(…)

Pratiquer une rupture dans la mécanique des actes, donc favoriser une «reprise» de conscience, peut être une première étape pour se ménager un espace de vie à «vitesse limitée». C’est-à-dire un espace ou un moment, au sein duquel je puis me demander si je suis «le rôle que je tiens actuellement», ou bien si je ne fais que l’assumer sur le plan social. Ou encore, si «j’occupe» une position particulière, ou bien si c’est elle qui «m’occupe» (au sens militaire du terme).


Préface à L’Esprit Guide, Entretiens avec Karlfried Dürckheim
Ce qui me séduit dans cet exercice, ce sont ses multiples niveaux possibles : "simple" exercice d'attention au quotidien, exercice d'attention aux mouvements psychiques (qu'est-ce qui m'anime ?), exercice spirituel, trouver le contact avec ce qui en nous est plus grand que nous, et que Dürckheim nomme, pour sa part, le Tout-Autre. Alors - qui tourne la clé ?

02 février 2006

... et maintenant

Cette nuit, j'ai rêvé de mon grand-père, décédé l'année passée. Nous déjeunions ensemble, et je lui demandais, du haut de tes 90 ans, peux-tu me dire ce qui est vraiment important ? Il me répondait :"Ici."
A mettre en lien avec le conte des trois questions, inspiré de Tchekov : "Ainsi rappelle-toi qu'il y a un seul moment important, et que ce moment c'est maintenant. La personne la plus importante est toujours celle avec laquelle tu es. Et la chose la plus importante est d'être bon avec la personne qui est à tes côtés."

01 février 2006

Les mots doux

8h20, il serait temps de finir de s'habiller, habituel parcours du combattant. Mais - Léo lit pour la première fois un livre pour Elsa, et il a choisi un de ceux que je préfère - alors, je suspends le temps, ce moment-là est prioritaire à toute obligation de la journée.

C'est ma façon souvent de lutter contre ce temps qui file - si je n'ai pas les moyens d'agir sur la durée, je suis attentive au moins à saisir l'instant...

Les mots doux, c'est l'histoire d'une petite marmotte qui se réveille avec l'envie de dire des mots doux, mais ne trouve pas dans sa journée un seul interlocuteur qui prenne le temps de l'écouter - et qui finit par exploser de colère - puis retrouve son intention première, et un espace pour ses mots doux. Après les avoir enfin prononcés, elle s'inquiète de la possibilité d'en trouver d'autres pour le lendemain - mais lorsqu'elle va se coucher, "Les mots doux de demain sont déjà là, dans sa chambre".

Burn-out ?

En prenant un message au téléphone, en lieu et place de, appeler avant de passer, je me relis : appeler avant de penser. No comment.

Je me rends compte : actuellement, j'avance en vidant ma mémoire au fur et à mesure - une collègue à moi dit, désencombrer le disque dur. Soupçon : peut-être le phénomène n'est-il pas nouveau...