30 mars 2025

Comme une caresse

- Je me sens belle quand tu me touches...
- Tu es toujours belle. Mais tu es belle quand tu arrives, et encore plus belle quand tu repars... 

J'adore. La délicatesse de ce qui n'est pas dit, et de ce qui pourtant est si transparent... et puis, c'est VRAI (et c'est fou que cet homme qui a si peu de mots dise de temps en temps des choses comme celle-ci.)

22 mars 2025

Ordonnance de joie

C'est une question récurrente dans les métiers du soin, la façon dont nous nous chargeons de toutes sortes d'émotions qui ne nous appartiennent pas. Cette semaine, une drôle de dame m'a offert une image intéressante là-dessus - l'idée que cela repose aussi sur une croyance, celle qu'accueillir/aimer l'autre impliquerait de garder tout ce qu'il nous donne - un peu comme on se sentirait obligé de garder le cadeau moche offert par un proche. Elle dit, vous pouvez retenir l'information, sans garder la charge émotionnelle (ou lire le livre puis le faire circuler, autre comparaison intéressante). 

Et elle a lourdement insisté sur ces idées vaguement révolutionnaires : votre joie n'est pas un détail / votre vie compte autant que celle des autres. Ah, oui ? Une invitation à la joie - pas uniquement au plaisir, mais à la joie, sans enjeu et paisible - quelle que soit la forme qu'elle prenne mais un peu chaque jour. A votre façon à vous - une façon de vous nourrir/recharger par vous-même et pour vous-même. Laissez venir. Créez - pas sur un mode mental ou technique mais spontané. Laissez de la place à l'espièglerie, à la magie, à la légèreté - à ma Fée Clochette intérieure donc. Ça me va très bien, comme prescription !

Ce qui m'aide et me connecte aussi, c'est la culture - récemment, Carmen., époustouflante mise en abîme - féministe de surcroît - sur la création de cet opéra qui fête ses 150 ans, Nos assemblées, jolie réflexion - terriblement d'actualité - sur les façons de faire peuple, On ira, film léger et profond sur la liberté de choisir sa fin de vie, et j'attends avec impatience Coup fatal (musique baroque et danse "sapée" congolaise), mardi prochain, qui devrait être un concentré d'énergie atypique et de bonne humeur. Ah, et puis il y a eu aussi Histoire de Souleymane, bouleversant, et Flow, très joli...

15 mars 2025

Cycles de vie

On considère la visite à sa mère comme un événement privé et banal : il va falloir lui installer WhatsApp parce qu’elle ne comprend rien à son téléphone, l’aider à faire sa déclaration d’impôt, toutes ces activités que l’on juge triviales. Mais si l’on comprend que cette visite s’inscrit dans des cycles cosmiques, elle change de valeur. Votre propre existence, au moment où vous faites ces choses-là, change d’intensité. La visite que l’on rend à sa mère devient une sorte de cadeau métaphysique que l’on fait et que l’on reçoit. Si l’on comprend que notre présence a pour fonction de démontrer sa survie à la mère, de dire : « Maman, je suis là, j’ai survécu à tes défaillances qui m’ont heurté dans ma plus grande vulnérabilité, et, ensemble, nous continuons à survivre », alors cet échange devient tellement chargé de valeur qu’il en est à pleurer de beauté.

Il faudrait, au fond, avoir dans ces moments-là un sentiment comparable à celui que l’on a devant les vagues de l’océan ou devant un coucher de soleil. Or, les vagues, le coucher de soleil, nous ne les observons que comme spectateur. Ce qu’il y a de bouleversant dans le rapport cosmique entre la mère et l’enfant, c’est que l’on y est acteur et actrice. Il permet certaines formes d’amour, qui semblent minuscules, mais ont des enjeux très grands : on participe à quelque chose que j’appelle la régénération. Cette régénération, elle est de très grande amplitude.

Maxime Rovere, interview dans Le Monde

"Emerveillable"

C'est ma grande aptitude. Comme on disait "apte au service militaire", je suis apte à l'émerveillement. En quête. Je me fabrique des étonnements heureux. Je veux toujours voir apparaître le soleil à travers les arbres. 

Je suis sans cesse en recherche de lieux, d'instants qui vont déclencher ma capacité d'enchantement. C'est mon savoir-vivre. Je jubile fréquemment. Ma capacité jubilatoire peut naître sur un coup de vent, sur le ronflement particulier de la mer. 

Certaines lumières m'enflamment. Alors je vibre. Mais ça peut être aussi bien le chant d'une alouette.

Pour un guetteur de ma sorte, il peut y avoir beaucoup de moments pleins de perfection absolue. J'ai l'oeil. Je me le suis fait.

Olivier de Kersauson
De l'urgent, du presque rien et du rien du tout

11 mars 2025

L'Enchanteur

Un lien du coeur inclassable, a diagnostiqué le psy. Ou inc(l)assable ? ou in(c)lassable ? Une bulle multi-dimensionnelle où les catégories amitié-amour-famille-de-coeur n'ont pas vraiment cours, et c'est très bien ainsi. Pas le premier ni le seul, et pourtant tout à fait singulier, autant qu'irremplaçable. J'aime beaucoup ces liens qui libèrent, cette invention permanente en dehors des normes établies de la relation. Cet infini respect de l'altérité. "Peut-être est-ce que toutes les relations devraient s'écrire ainsi - dans ce respect infini de la liberté de l'autre", écrivais-je aussi au début de la relation avec Samir. Peut-être c'est toujours cela qu'on perd et qui nous perd, quelle que soit la relation, et qu'elle soit amicale, amoureuse ou familiale - peut-être est-ce toujours à réinventer. 

08 mars 2025

La beauté du coeur

...il n'est pas de plus grand courage que d'être gentil.

Damien Saez

07 mars 2025

Ouvrants

J'explique à une patiente ce qu'est la "fenêtre de tolérance" - grosso modo, la gamme de situations et d'émotions à laquelle nous pouvons faire face sans en sortir par le haut - agitation, colère, passages à l'acte - ou par le bas - prostration, atonie, dépression. En gros, ce que notre système nerveux est capable d'encaisser sans dérailler. Et là elle me répond du tac au tac - ah oui, moi j'aimerais bien avoir une baie vitrée, et là, c'est plutôt un hublot... 

Cheerleaders

"La force vous l'avez en vous. Votre fragilité est d'en douter, toujours et encore (...) combattez là où vous êtes efficace : dans l'humain... et accompagnez. Vos patients, vos enfants, avec toute la puissante empathie qui est en vous."

"Une des raisons d'espérer c'est ta force et cette bonté en toi, si belle et si puissante (...). Tu es un si joli paradoxe de sensibilité, de fragilité, et de force, et de détermination."

"Tu ressens que tu es seule, ne reste pas coincée là-dedans. Tu es une belle personne, et également communicative. Fais de nouveaux contacts, il y a tellement de gens intéressants. Assure-toi d'être alimentée par une énergie positive (...). You are not all egoistic if you limit to help other people. You are not on this planet only to give and to give. Change this expectation you have on yourself."

"Vous avez des ressources ! Vos enfants, vos patients le savent, Samir et les jumeaux le savent...  il faut que vous en retrouviez le chemin mais elles sont là."

Bon, si avec ça je ne me remets pas debout !!!

01 mars 2025

L'Attachement

L'Attachement, c'est un drôle de petit film inattendu et délicat. Une série de portraits de "gens qui doutent", fragiles et forts, se débrouillant tant bien que mal avec la solitude et les deuils, la parentalité, le couple, et navigant entre l'amour et l'amitié dont les frontières sont parfois si floues - et alors ?

J'ai adoré.

Cette libraire si vivante, indépendante et tendre - "tu es tout et son contraire", lui dit son voisin.
Ce brouillage des frontières d'âge, des liens du sang et du coeur.
Cette infinie tendresse du regard posé sur la façon dont chacun des personnages essaie, à sa façon, d'avancer quand même.
La justesse et la douceur dans la parole de tous et chacun - ah, si seulement nous pouvions avoir toujours cette clairvoyance et cette délicatesse dans la vraie vie...
Et cette façon d'entendre, de devancer ce qui se dit à demi-mot, dans un infini respect de l'autre - ou comment une histoire de compote pour bébé permet à chacun de reprendre son chemin, non sans chagrin mais néanmoins avec une reconnaissance tendre de ce qui a été vécu.
Ces pères de sang ou d'adoption, mais unis dans la recherche du meilleur possible pour leurs enfants - qui m'ont évoqué cet autre joli film sur un père de coeur, Le roman de Jim. 
Les liens de Sandra avec ces petits enfants qui ne sont pas les siens, qui m'a évoqué si fort celui que j'ai avec les jumeaux. Cette intimité du corps - les câlins, les jeux, se mettre à hauteur d'enfant.
Et ce moment si bouleversant où elle remonte les bretelles d'Alex - qui le mérite par ailleurs largement - en lui faisant remarquer à quel point il est entouré d'amour...