18 juin 2008

Toutes seules

Je vous ai donné toutes les informations utiles, que vous aviez au demeurant déjà. Je voudrais vous dire autre chose – que je sais que vous n’en tiendrez pas nécessairement compte – que vous en ferez ce que vous voudrez, ou plus exactement ce que vous pourrez. Que ce que vous dites de vous, me soucie, et que je suis inquiète. Que nous serons là pour vous accueillir, quelque soit la situation dans laquelle vous vous trouverez.

Ce que je ne lui ai pas dit, à ce petit oiseau effarouché et aux yeux trop cernés, mais que j’aurais aimé pouvoir lui dire – ce que je lui dirai peut-être un jour, c’est – vous n’êtes pas folle. Mais vous êtes aux prises avec la folie de l’autre. Ce n’est pas vous. Mettez-vous à l’abri. A l’issue de cette première rencontre, spontanément, les larmes aux yeux, elle m’a tendu sa main.

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Elle est africaine - douze grossesses, sept enfants vivants. Les premiers adultes - dont une fille récemment morte en couches, dans la brousse - les plus jeunes, nés ici, ont cinq et sept ans... Sa fille de dix-huit ans, perturbée depuis son arrivée en France, a ré-intégré le domicile maternel récemment, enceinte de sept mois. Les médecins exigent qu'elle reste alitée, elle court les rues la nuit, se fait régulièrement ramener par la police - délinquance ordinaire. Elle n'a pas compris, dit la mère - que je voulais qu'elle aie la chance de faire des études, devenir quelqu'un... au lieu de cela elle se promène - elle a gâché sa chance. Les loyers en retard s'accumulent, les hommes sont loin, lâches ou impuissants...

Cette femme a fui un premier mariage, forcé, à 13 ans - probable excision, violence et rapports obligatoires, maternités précoces ; un deuxième homme, resté en Afrique, qui a fait peser sur elle malédictions et maraboutage, une menace que les Africains ne prennent pas à la légère. Si elle vient aujourd'hui, c'est parce qu'une mammographie vient de révéler chez elle un cancer du sein... et qu'elle n'en peut plus, de peines et d'inquiétudes, de douleurs et d'interrogations. Pour ses deux plus jeunes enfants, demain, quel avenir ?
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Elle est roumaine, à peine plus jeune que moi - parle un français hésitant - vit dans un squat, probablement. Trois enfants en bas âge - elle suspecte, à raison, une nouvelle grossesse. Je n'ai pas fait grand-chose - le test de grossesse qui confirme son intuition, l'ordonnance pour l'échographie, la prise de RV au dispensaire - mais dans son remerciement chaleureux "Vous êtes gentille" je devine les humiliations quotidiennes auxquelles elle est sans doute en butte - pauvreté, hygiène approximative, barrière de la langue, préjugés liés à la communauté à laquelle elle appartient - et je m'interroge : c'est pourtant le moins que l'on puisse faire, d'accueillir un être humain humainement ?